Revue de l’année en arts visuels : Grands remous
Sans le Festival de l’insulte du Lieu, l’année 2001 n’aurait pas été la même; sans Ludique au Musée du Québec, l’ouverture de Rouje, les interventions urbaines de la Chambre blanche non plus. Une année mouvementée? On n’a qu’à penser à la Saison du Québec à New York interrompue ou à la participation des artistes au Sommet des Amériques…
Un des bons moments qui closent l’année 2001 est sans contredit le Festival de l’insulte concocté par le Lieu en décembre dernier lors de l’ouverture de la huitième édition de la Biennale des couvertes. Sorte de Fight Club pour intellectuels, le festival n’était pas animé par Brad Pitt, mais bien par l’infatigable Jean-Yves Fréchette, artiste du land art et animateur de foule à ses heures. Cette soirée de défoulement s’est avérée franchement mémorable. D’autant plus que ce festival fait la preuve du potentiel de l’activité artistique qui, en s’intéressant à autre chose qu’à l’objet et à la création individuelle, fait du public plus qu’un simple spectateur. Ce festival a aussi permis de laisser libre cours à l’expression d’insultes de toutes sortes, et cela, en différentes langues. Alors que chaque participant – à qui on avait d’abord remis un drapeau – devait préparer une performance en identifiant ses compatriotes: grecs, turques ou allemands… On s’est vite rendu compte que l’insolence débordait le strict cadre des saynètes improvisées. Li-bé-ra-teur.
Si le Lieu demeure un des espaces les plus underground du milieu des arts visuels à Québec, à l’égard de l’influence et du dynamisme, la nouvelle venue Rouje a pris rapidement sa place. Avec une programmation éclectique, la tenue de divers événements, allant d’une rencontre avec le maire L’Allier au lancement de Folie/Culture, en passant par les soirées de projection vidéo de Kino, s’y côtoient différents publics, dépassant largement celui des arts visuels. Et ça, c’est rare. Rouje participe d’ores et déjà à la vie culturelle du centre-ville. À la vie du quartier Saint-Roch, occupé depuis déjà longtemps par les artistes "qui y travaillent, y exposent et y vivent", pour paraphraser les publicités de la Ville. Les arts y sont aussi présents dans les espaces publics, qu’on pense aux événements d’intervention urbaine que réalise la Chambre blanche, dont Sur les toits, qui réunissait quatre artistes, Nathalie Allard, Alexis Bellavence, Florent Cousineau et Odile Trépanier, captant les regards attentifs des marcheurs.
Le Musée du Québec a aussi réaffirmé son engagement envers l’art qui se fait en présentant l’exposition Ludique, réunissant des artistes français et québécois. La commissaire Marie Fraser a réussi à attirer un plus jeune public au Musée avec des oeuvres qui démontrent que l’art contemporain est stimulant et accessible. Qu’on pense notamment à BGL (dont l’exposition au MAC de Montréal se poursuit jusqu’au 10 février 2002) et aux oeuvres d’excellents artistes français. Ludique témoigne aussi de la pertinence pour une institution comme le Musée du Québec d’avoir un certain leadership en matière de diffusion de l’art actuel… La vie culturelle d’ici ne serait pas la même sans la présence continue d’artistes étrangers qui séjournent régulièrement ici. Qu’on pense à la Chambre blanche, qui nous a permis de connaître le travail de l’artiste espagnol Anton Roca – qui présentait une oeuvre sociale sur la citoyenneté européenne à Berlin en novembre dernier – ou à celui de l’Italien Sylvio Wolf. Qu’on pense aussi au Studio d’artiste international de Méduse, qui accueillait depuis septembre l’artiste finlandaise Eija Keskinen.
Enfin, plongeons derechef dans l’ambiance du Sommet des Amériques d’avril dernier. Outre la présence du sculpteur Armand Vaillancourt et sa bannière S.O.S. installée à Lévis, Ne pas plier, un groupe d’artistes activistes français, a participé à la contestation du discours officiel avec du matériel éloquent distribué au Lieu: foulards, autocollants, tracts aux slogans évocateurs distribués aux manifestants: "Dormez citoyens, les médias veillent", "Utopistes debouts", etc. Encore une fois, on constate que le centre d’artistes n’est pas qu’un lieu d’exposition, mais s’avère souvent un espace où s’expérimentent des idées et des façons de faire inusitées. En même temps, le Lieu participe aussi à la diffusion de l’art qui se fait ici. L’événement Latinos del Norte, tenu en mars dernier à Mexico, a permis à un groupe d’artistes de Québec de faire connaître leur production et de connaître à leur tour l’art mexicain. D’ailleurs, on peut s’attendre pendant la prochaine année à rencontrer quelques artistes mexicains. Enfin, il faut aussi avoir une pensée pour toutes ces oeuvres qui nous ont enchantés pendant la dernière année: pour les tableaux de Marcel Jean, les sculptures de Carole Baillargeon, pour les photographies des artistes qui ont participé à Vertige de l’évidence chez Vu; mais aussi pour celles présentées lors de l’exposition des Ateliers de création de Méduse en septembre dernier, aux événements estivaux de l’îlot Fleurie, aux oeuvres de Paul Lacroix présentées chez Madeleine Lacerte en février et aux oeuvres de détournement publicitaire de Doyon–Rivest à l’Oil de poisson en janvier 2001. Cela fait déjà un an!