Les Soeurs Couture : Neige artificielle
Avec leur dernière machine imaginaire, un chasse-neige de peluche et de broderies aspirant une montagne de plastique, les Soeurs Couture jouent aux magiciennes. Humour débridé.
Le travail des Soeurs Couture est minutieux et patient. Filages et assemblages cohabitent avec des structures d’acier, des fragments de machine réelle et une variété notable de textiles, des châles blancs et autres tricots de toutes sortes. Autant la subtilité et le détail de la confection que les matériaux utilisés désamorcent le caractère mécanique de l’objet. Semblable à la monumentale pelle mécanique que les deux soeurs avaient installée dans le jardin de sculptures de l’îlot Fleurie l’été dernier, ce chasse-neige est à la mesure de l’espace de la galerie. Aussi surprenant et inventif que leur installation présentée à Mexico lors de l’événement Latinos del Norte, ce char allégorique dont le vortex cache des trésors de laine et de lumières bleu et rouge rappelle que les Soeurs Couture, à l’instar de plusieurs artistes de la relève, semblent désormais émancipées de l’esthétique des beaux-arts, à laquelle elles n’ont apparemment aucun compte à rendre. Ni refus, ni retour. Les références à l’histoire de l’art ou l’utilisation de médiums traditionnels ne sont pas à l’ordre du jour. Il ne reste pas grand-chose de la tradition si ce n’est celle, marginale, du travail du textile, du tissage ou de la broderie. Règne des filles qui s’approprient tout, et cela sans censure: les métiers de nos grand-mères ou les machines des hommes qu’elles décortiquent et rassemblent à leur guise; qu’elles habillent et travestissent.
Elles ne partagent pas moins certaines préoccupations propres aux artistes de tout temps: l’inspiration et autres moteurs de la création sur lesquels elles écrivent et réfléchissent. D’ailleurs ce Système d’inventilation est une "machine destinée à produire le vent nécessaire à la marche du procédé d’aération communément appelé "inspiration"". Il n’est pas fortuit de lire sous la plume de Nancy Couture: "L’issue de mes installations révèle un trésor caché, une sorte de conclusion énigmatique qui suggère que la sortie est l’intérieur de soi." Et on peut, par analogie, constater qu’en effet le chasse-neige transporte dans ses couloirs transparents de multiples flocons inventés et suggère justement cet intérieur dévoilé par la nouvelle configuration donnée à la machine. Les préoccupations de Sheila Couture vont aussi dans ce sens et nous donnent d’autres pistes pour apprécier encore davantage leur installation: "Une entrée et une sortie physiquement possibles amènent déjà l’idée d’un changement à l’intérieur de nous, comme si ce geste et ce temps nous transportaient dans une autre dimension de la réalité." Il se passe en effet quelque chose dans ce travail à la fois léger et profond, mais surtout, on ne peut que se réjouir de la place que le Lieu entend offrir à la relève en encourageant les pratiques nouvelles et, plus spécifiquement, les artistes travaillant en collectif et en équipe comme le font les Soeurs Couture.
Jusqu’au 10 février
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Les patentes du Mois Multi
Pendant les quatre prochains week-ends, les productions Recto-Verso proposent la troisième édition du Mois Multi. À l’oeuvre, des artistes d’ici et d’ailleurs, voguant dans les eaux brumeuses des arts multidisciplinaires. Deux idées ressortent de la documentation promotionnelle: d’abord la dimension "internationale" de l’événement et puis la dimension ludique de ces bricoleurs dans l’âme. Pour y voir clair, il faudra faire son chemin, programme en main, entre les performances audio, les installations vidéo, les improvisations technologiques et autres spectacles. En février, à la salle Multi du complexe Méduse.
Mettons-nous à table
Il faut absolument prendre la quarantaine de minutes nécessaires pour visionner les petits films de la Française Mireille Loup présentés dans la petite salle de l’Oil de poisson. Mettons-nous à table met en scène différents couples à l’heure des repas: discussions, ruptures, amour, dérision. Toujours avec un ton grinçant et une certaine légèreté qui rappelle les meilleurs moments des films d’Éric Rohmer. À l’Oil de poisson, jusqu’au 10 février prochain.
Machines festives
Machines festives regroupe cinq artistes dont l’art cinétique fait un certain effet. On peut revoir la pièce de Diane Landry, présentée à Mexico pendant l’échange Latinos del Norte, celles de Simone Jones, de Paméla Landry et de Diane Morin, qui propose pour sa part une oeuvre s’inscrivant dans le même esprit que celle présentée lors de sa résidence à la Chambre blanche en décembre dernier. Notre préférée: les petits moteurs dont on cherche en vain l’origine produits par l’artiste torontoise originaire d’Alberta Marla Hlady.