Robbin Deyo : Musée de cire
Arts visuels

Robbin Deyo : Musée de cire

Robbin Deyo entrerait-elle dans une période arabisante? En effet, ses plus récents tableaux de cire, qu’on peut voir jusqu’au 16 février chez Trois Points, sont des enchevêtrements de formes qui ressemblent beaucoup aux motifs complexes que l’on retrouve dans l’art islamique.

La peintre Robbin Deyo a presque totalement délaissé la géométrie pure (réseau de carrés comme une nappe en vichy ou ligne impeccable traversant l’espace visuel comme un zip de Barnett Newman) et les formes agréables des moules à gâteaux (il y a seulement deux ou trois exemples de cela dans l’expo), pour un assemblage plus inusité de motifs parfois irréguliers s’imbriquant les uns dans les autres. Cela donne des effets de mosaïques rappelant les jeux visuels obsédants de l’art islamique où le chaos semble s’organiser pour donner un ordre au monde. Le décoratif y occupe alors une fonction méditative certaine. Cela s’accorde parfaitement avec le travail de l’artiste puisque Deyo voit une forme d’ascèse dans le long et méticuleux processus créatif de découpe des fragiles morceaux de cire.

Du coup, la joliesse (très à la mode en art contemporain, mais heureusement toujours trompeuse chez Deyo), jusque-là très présente dans son travail, tend à s’estomper. Les couleurs sont d’ailleurs moins bonbon et s’éloignent de la palette des iMacs… Je dois dire que j’avais cru, lors de sa dernière expo au Centre des arts visuels au début 2002, que l’artiste avait été au bout des possibilités de son matériau et de son idée. Elle surprend en la renouvelant astucieusement par cette référence islamique.

Parmi les tableaux qui sont les plus réussis j’ai remarqué Exposed – une mosaïque all over de losange bleus – et Placed – une marqueterie de fines couches de cire.

On remarquera que les oeuvres de Deyo sont ici encadrées pour la première fois. Pour les tableaux où la toile est plus présente cela fonctionne parfaitement – le bois du cadre insistant sur la texture du coton du tableau – mais pour ceux où la cire est très présente sur les bords de l’image cela nie la matérialité de l’oeuvre, son épaisseur magique, sa translucidité lumineuse. Sans être un moderniste à tout crin, il apparaît évident que ces cadres transforment malheureusement ces tableaux-là en des objets bourgeois.

Jusqu’au 16 février
Galerie Trois Points

Contre l’oubli
Un dispositif d’une grande froideur pour un sujet pourtant presque sulfureux… Voilà comment on pourrait résumer l’expo traitant du célèbre cinéaste italien Pier Paolo Pasolini chez Articule. L’artiste John Di Stefano propose un regard trop aseptisé sur ce créateur dont les réalisations ont pourtant su déchaîner les passions, comme son film Salo ou les 120 journées de Sodome, une charge contre le fascisme et l’oubli dont des scènes (de viols et de scatologie) sont totalement insoutenables.

Stefano utilise un dispositif trop muséal (une machine à écrire ressemble presque à une relique) qui date. De plus, le système visuel y est très minimal, presque fugitif, alors que Pasolini disait avoir développé son goût du cinéma par la peinture, celle du Trecento et en particulier de Giotto… Bien sûr, l’ensemble est une manière de parler de mémoire et d’oubli – le titre de l’exposition est Je me souviens. Di Stefano essaie certainement de montrer l’écart entre l’image muséale et pacifiée que l’histoire construit et l’irrécupérabilité de cette oeuvre en révolte. Bonne idée. Mais elle risque de passer inaperçue. À notre époque où les néofascistes sont à nouveau présents et où sont publiés des agendas et des calendriers Leni Riefenstahl – la chantre cinématographique d’Hitler qui n’a jamais voulu le renier -, il est bien sûr primordial de parler de l’inacceptable amnésie dont certains font preuve… Mais est-ce la bonne manière?

Heureusement, dans la petite salle, des documents sur des transparents posés sur des tables lumineuses, comme des fiches de bibliothèque, sont plus efficaces pour rendre compte de l’univers pasolinien. On y voit, par exemple, Pasolini en train de se défendre contre des néofascistes l’attaquant lors de la première de son film Accatone.

Jusqu’au 24 février
Galerie Articule

À signaler
L’an dernier, l’expo-vente Parle-moi d’amour avait permis de recueillir 30 000 $ afin d’aider des personnes atteintes de troubles psychiatriques. Cette année, la participation du public rapportera-t-elle autant, sinon plus? Cette quatrième expo permettra encore aux visiteurs d’acheter, parfois pour une bouchée de pain, des créations de plusieurs artistes réputés: Devora Neumark, Marc Séguin, Gabor Szilasi… Il y aura même une toile de Marcelle Ferron. Jusqu’au 6 mars, au 100, rue Sherbrooke Est, 4e étage. Info: 842-1043