David Hoffos : Bons baisers d'Alberta
Arts visuels

David Hoffos : Bons baisers d’Alberta

L’artiste albertain DAVID HOFFOS nous convie, au Musée des beaux-arts de Montréal, à partager le bonheur d’un baiser beau et grand comme l’infini. Ah! le pouvoir des images!

Il y a des images qui font rêver. Qui n’a pas été séduit, par exemple, par cette photographie du Français Robert Doisneau qui montre un couple en train de s’embrasser en pleine rue, se moquant éperdument des passants? Dans ce Baiser de l’hôtel de ville s’exhibent sans gêne la liberté et la joie de vivre…

L’artiste albertain David Hoffos (né à Montréal en 1966, mais vivant et travaillant maintenant à Lethbridge, en Alberta) nous convie lui aussi, au Musée des beaux-arts, à partager le bonheur d’un baiser beau et grand comme l’infini. De sa création se dégage un lyrisme certain qui emportera le plus averti des critiques… Dans son installation présentée dans la salle Zone libre, il nous convie à une utopie, celle d’un bonheur contagieux.

Dans une pièce plongée dans l’obscurité, une projection vidéo nous montre trois couples s’étreignant avec passion… Quoique, en fait, il y en a peut-être quatre, puisque dans le noir surgit, en trompe-l’oeil et en pied, l’image d’un autre couple s’enlaçant. À moins qu’il ne s’agisse d’un vrai couple visitant l’expo et qui, inspiré par Hoffos, s’est laissé aller à un moment de passion? Ah! le pouvoir des images! C’est en tout cas ce que l’on voudrait espérer en visitant cette installation. Le bonheur serait-il transmissible?

Assez rares, finalement, sont les représentations de baisers qui ne tombent pas dans le cliché ou dans la rencontre frénétique des sexes et des êtres. Pourtant, le sujet hante bien l’histoire des arts et du cinéma. Klimt, Picasso et plus récemment Geneviève Cadieux ont traité du sujet, mais avec un aspect violent. Rodin a peut-être su en parler avec passion, sans tomber pour autant dans la mièvrerie… Parmi les premiers courts métrages d’Edison, il y avait des baisers mais ils étaient bien prudes. Et longtemps, à cause du code Hays de censure, les baisers ne duraient que trois secondes dans les films hollywoodiens. Hitchcock fut un des rares, dans Notorious, à contourner la règle avec intelligence. Bien qu’il semble assez commun, le sujet ne semble donc pas épuisé…

Hoffos, qui était tombé amoureux au moment de la conception de sa pièce, ne voulait "pas réaliser une oeuvre ironique comme on en voit tellement de nos jours", mais "plutôt donner une vision optimiste du futur". Accompagne donc ces images de baisers la vision d’une ville féerique où les voitures volent dans les airs… Cela souligne l’aspect merveilleux de l’ensemble. Une utopie urbaine qui a de quoi plaire à beaucoup. Au moment où les utopies politiques ont disparu, ce retour très années 70 de l’amour est bien séduisant.

Dédiée aux expérimentations en art contemporain, la nouvelle salle Zone libre commence donc enfin réellement ses activités. Inauguré fin 2001, avec une expo d’Henri Foucault qui manquait de mordant, cet espace prend maintenant son envolée.

Jusqu’au 5 mai
Musée des beaux-arts

FIFA
Les mystères de l’art! Comment comprendre un chef-d’oeuvre? Comment appréhender la pensée d’un artiste? Le public en quête d’explications trouvera quelques bons points de repère en allant au Festival international des films sur l’art. Pour sa 20e année, le FIFA propose encore un large éventail de documents… Mais que choisir parmi les 200 films sélectionnés par le directeur René Rozon et son équipe?

Le genre du film sur l’art tombe trop souvent dans le bon ton, là où il faudrait retrouver celui de la passion. Voilà pourquoi je vous suggère avant tout les documentaires sur l’art contemporain, qui ont souvent la vertu d’être moins conservateurs du point de vue formel. Du Royaume-Uni, viennent cette année deux ou trois films prometteurs. Susan Shaw propose sa vision de Shirin Neshat – que le public montréalais a découvert l’année dernière au Musée d’art contemporain. Dans Life, Death and Damien Hirst, Roger Pomphrey nous convie à une rencontre avec le travail de cet étrange artiste anglais qui a découpé des animaux et les a placés dans du formol… Je dois dire mon profond amour pour le travail de James Turrell. C’est pourquoi je vous conseille le film allemand réalisé sur lui par Claudia Kuhland et Ralf Breier. De France, plusieurs présentations sont incontournables. Le samedi 16 mars, à l’Institut Goethe, une séance de trois films (réalisés en 1970, 1984 et 1990) du cinéaste Alain Fleischer permettra de voir l’évolution du travail de Christian Boltanski. À ne pas rater. Tout comme le film sur Panamarenko, Portrait en son absence.

La vidéo d’art est encore au rendez-vous au FIFA. Ce fut une des belles idées mises en place l’an dernier, et je suis bien heureux de retrouver cette section à nouveau cette année. Vous y verrez des oeuvres de Pascal Grandmaison, Manon Labrecque, Charles Guilbert, Nelson Henricks

Et si vous avez encore du temps, je vous signale un film dont le titre ne manque pas de mordant: Gianni Versace, Fashion Victim sera certainement un must!

Du 12 au 17 mars
Renseignements: (514) 874-1637 ou www.artfifa.com
Un géant n’est plus
Vous le savez certainement déjà: Paterson Ewen est mort le 17 février dernier. Né à Montréal en 1925, Ewen (qui, à partir de 68, a vécu et travaillé dans la ville de London, Ontario) a développé une démarche créatrice totalement originale.

Dire qu’il a été un grand peintre serait bien en deçà de la réalité. Il est un des plus grands artistes de toute l’histoire canadienne. De la trempe des Borduas et Riopelle. Rien de moins. La rétrospective de son oeuvre (Entre ciel et terre) – présentée durant l’été 97 au Musée d’art contemporain de Montréal et montée par le Musée des beaux-arts de l’Ontario – avait permis de confirmer l’importance de son art. Il a été un créateur libre qui a continuellement renouvelé le langage pictural. Il n’hésitait pas à utiliser des matériaux inusités (clous, morceaux de métal, fragments de clôture, poussière de marbre, goudron, contreplaqué…) pour réaliser ses pièces. Il a fait usage de la toupie du menuisier ou du marteau (pour travailler le pastel!) du travailleur comme d’autres virtuoses se servent du pinceau ou du burin.

Il y a parfois des images qui marquent à jamais l’imaginaire collectif d’une société. Ewen nous en laisse quelques-unes dont son célèbre tableau Comète de Halley vue par Giotto (Musée des beaux-arts de Toronto), réalisé en 79.