Edward Poitras : Le fugitif
EDWARD POITRAS est un des sept récipiendaires des Prix du gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques. L’artiste de la Saskatchewan partage son temps entre Regina et Québec. Nous l’avons rencontré.
C’est la troisième édition de ces prix que le Conseil des arts du Canada distribue, "d’un océan à l’autre", comme on le disait avant, soulignant la carrière remarquable d’artistes et d’acteurs de la scène culturelle. Ces prix – la plus importante distinction du genre au Canada – ont été remis à l’artiste de Vancouver AA Bronson, fondateur du collectif General Idea, au peintre et photographe Charles Gagnon, à qui le MAC de Montréal a consacré récemment une grande exposition, à l’artiste torontois David Rokeby, à la Montréalaise Barbara Steinman, à Irene F. Whittome, dont on a vu un solo au Musée du Québec en 2000, ainsi qu’à la collectionneuse, conservatrice et philanthrope torontoise Ydessa Hendeles. Ajoutez à cela le travail d’Edward Poitras, artiste de Regina, et vous avez un panorama représentatif de la diversité et de la démographie canadienne! On a eu l’occasion de voir le travail d’Edward Poitras au Lieu en 1998 et en février 2000. S’il ne peut pas encore mesurer les effets de ce récent prix, ce qu’il a retenu de sa participation à la Biennale de Venise en 1995, à titre de premier artiste d’origine autochtone à représenter le Canada, est une réflexion sur son implication comme artiste: "Cela m’a fait comprendre combien mon travail de création représentait l’endroit d’où je viens. Cela m’a fait m’interroger sur ce que signifie représenter un pays et les premières nations."
Le travail de Poitras affirme, défend et réfère à la culture autochtone, autant par les différents matériaux nourrissant son oeuvre, ossements d’animaux, ces objets morts auxquels il donne une nouvelle vie, ou bien fourrure de bison. Il y a aussi la récurrence de la figure du coyote, cet animal qui lui donne le droit de suivre ses intuitions, selon ses propres termes. Edward Poitras est un "artiste engagé", écrivait le sociologue Guy Sioui-Durand dans le no 76 de la revue Inter. Son travail réfère en effet souvent à des événements historiques; traite d’assimilation, de survie. Dans Resig/nation, présentée au Lieu, il rendait notamment hommage à huit combattants autochtones pendus au XIXe siècle. On pouvait voir de grandes photographies de l’instrument du supplice, en bas desquelles on retrouvait les noms de chacun des combattants. Ces oeuvres s’apparentent souvent à des énigmes, mais aussi à des monuments éphémères, pour reprendre les mots de Poitras. Outre ces références culturelles et historiques, elles possèdent des qualités plastiques indéniables: "Ce qui nous donne d’abord accès à l’oeuvre, précise Poitras, c’est sa dimension esthétique. C’est un langage universel. Ensuite, on peut accéder à l’esprit du travail." On pourra insister et rappeler les origines autochtones d’Edward Poitras, mais ce qui demeure aussi fondamental pour Poitras est partagé par tous les artistes: "Je ne crois pas avoir un point de vue si différent sur l’art… Je le fais toujours pour l’amour de la création."
Objets détournés à la galerie Madeleine Lacerte
Jean-Pierre Morin expose une douzaine de sculptures chez Madeleine Lacerte. Disons-le tout de suite: on sort de cette exposition comblé! Certaines pièces ont déjà été présentées à la galerie montréalaise Circa et au Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe, où elles n’ont reçu que des éloges. Les sculptures d’aluminium parsemées respectivement de bouchons de caoutchouc, d’entonnoirs, de bidons ou de valves donnent l’impression de pouvoir se remplir d’air ou se vider de leur liquide. Les objets fixés aux surfaces amènent le regard vers l’intérieur de ces formes résultant de calculs complexes, vers ce vide qui a dorénavant un contenu, comme le désirait le sculpteur. Ces sculptures sont ludiques, par le contraste que suscite la cohabitation de l’aluminium ouvragé et des matériaux industriels. Elles donnent, en définitive, une conscience des espaces qu’on ne voit pas. Incontournable. Jusqu’au 26 mars.
20e Festival international des films sur l’art – Sélection Québec
En matière de film sur l’art – allez savoir pourquoi -, on a souvent affaire à des documentaires dont la forme est plutôt conventionnelle. Les quelques extraits des films qu’on a pu voir sur les oeuvres de Suzor-Côté, Vermeer, Giacometti ou Picasso ne font pas exception. Le ton y est toujours très solennel et presque empesé. N’empêche, on apprécie ce festival parce qu’il nous fait connaître davantage les artistes et nous fait découvrir leur art. Il faut faire sa propre sélection sur les 38 films présentés. Nos choix: le film d’ouverture Rivers and Tides: Andy Goldsworthy Working With Time, pour ne pas s’ennuyer, celui sur le volubile designer français Philippe Starck et peut-être aussi Sur la longueur d’onde de Michael Snow, zoom arrière; sans oublier la soirée architecture, qui est toujours d’une grande qualité. Du 21 au 24 mars au Musée du Québec et au cinéma Le Clap.