Cow-boy dans l'âme : À lasso!
Arts visuels

Cow-boy dans l’âme : À lasso!

Adulé par le grand public, boudé par l’élite, le country-western retrouve ses lettres de noblesse au Musée de la civilisation. L’exposition Cow-boy dans l’âme s’évertue en effet à étudier les moindres facettes de cette culture riche et complexe, qui a séduit par sa simplicité.

Au commencement de l’Ouest était l’Est: une Europe rêvant des grands espaces de l’Amérique. Puis il y eut cet autre Est, terre habitée par les premiers colons, certains devenus montagnards ou coureurs des bois, véritables ancêtres du cow-boy tel qu’on le connaît aujourd’hui. Il y eut enfin l’Ouest, terre promise et terre conquise, synonyme de liberté et d’immensité, que le cow-boy a occupé pour devenir un véritable héros.

Ce cow-boy héroïque et mythique, être fictif créé d’abord par les journalistes, puis par les petits romans d’aventures et par l’industrie cinématographique, n’est pas une figure aussi américaine qu’on ne le croit. "Dans l’énorme chapitre des immenses oublis, il y a tout l’aspect francophone de l’Ouest, rappelle l’anthropologue Serge Bouchard. Une bonne portion de Canadiens-français ont quitté la vallée du Saint-Laurent en 1700, en 1750 et surtout en 1800. Ils étaient partout: du lac Supérieur à l’Oregon, de la Saskatchewan jusqu’au Nouveau-Mexique. Alors, comment pourrions-nous ne pas être cow-boys?"

L’Ouest québécois
C’est en s’efforçant de retracer la contribution de la communauté canadienne-française au mythe de l’Ouest que le Musée de la civilisation a mis sur pied Cow-boy dans l’âme, une exposition populaire d’envergure, d’environ 1600 mètres carrés. "On constatait la présence d’un imaginaire country et western fort, explique Dany Brown, co-concepteur de l’exposition. C’était un côté de l’identité québécoise qui avait toujours été un peu ignoré et on s’est rendu compte que le country québécois était très différent du country américain, du fait qu’il intègre le folklore québécois et la vieille chanson française en plus d’intégrer la musique américaine. Donc il s’agit de quelque chose d’assez original, que l’on ne retrouve pas ailleurs."

Articulée autour de trois thèmes – le recommencement, le héros et l’authenticité -, Cow-boy dans l’âme retrace l’histoire du mouvement country à travers ses manifestations tant au Québec qu’aux États-Unis ou au Canada anglais. On se familiarise ainsi avec les artefacts des premiers habitants de l’Ouest, diligence, instruments de médecins, charrette ou fils barbelés, et avec ceux des Amérindiens, comme les casse-têtes ou l’arme à feu ayant appartenu à Sitting Bull. On découvre ensuite les moindres facettes du cow-boy, de ses chapeaux à ses chaps, sans négliger les fers à cheval et l’immense variété de fils barbelés.

Quant au héros, on le retrouve à travers ses maintes incarnations: livres d’aventures ou illustrations du mythique Will James, ce Québécois originaire de Saint-Léonard qui a mis le cap vers les États-Unis, costumes ou films du non moins célèbre Tom Mix, et bandes dessinées dont la singulière Pit Verchères, le roi de l’Ouest canadien, éditée au Québec.

Les maintes vedettes de la chanson country n’ont pas été oubliées. Dans le décor du Ranch à Willie, on peut entendre quelque 300 extraits musicaux, et on peut également observer les moindres subtilités du code vestimentaire du genre, que ce soit avec les costumes de Dolly Parton, de Johnny Cash, de Shania Twain, de Willie Lamothe ou de Ti-Blanc Richard.

Country pour toujours
La dernière section de l’exposition, qui s’intéresse aux manifestations modernes et ponctuelles du country comme les festivals, rodéos et clubs de danse en ligne, prouve bien que la culture country est toujours vivante au Québec. Mais pour Serge Bouchard, il n’est pas nécessaire de courir ces événements pour la retrouver: les Québécois l’ont dans le sang.

Selon lui, le Far West s’est transformé en autoroutes, les chevaux en camions, motos ou automobiles et certains hommes, comme les camionneurs qui vont de ville en ville, sont devenus en quelque sorte des cow-boys modernes. "On est en 2002 et on est en train de faire comme on faisait en 1895, observe-t-il. On est fasciné par l’être libre, par la route comme Jack Kerouac, mais on va jusqu’au revers noir de ça. Mom Boucher par exemple, c’est une saga. Il est aussi important que le premier ministre! C’est notre fascination pour les histoires de bons et de méchants…"

Selon l’anthropologue, le country est la grande victoire de la culture populaire. Même si celle-ci demeure souvent méprisée par l’élite, il n’en demeure pas moins qu’elle est omniprésente, à preuve les plus belles chansons des Richard Desjardins ou Leonard Cohen et l’arrivée d’une nouvelle vague country avec Mara Tremblay ou les Cowboys Fringants. "Il y a deux grandes forces qui s’opposent dans notre propre culture, conclut-il. C’est la force d’une élite qui refuse son américanité et le pouvoir de la majorité qui l’accepte et qui va, je crois, l’exprimer encore plus. Il y a une nouvelle forme de cow-boys qui va exister, qui ne sera plus du tout ce que ça a été, mais qui incarnera l’américanité… "

Jusqu’au 15 mars

Au Musée de la civilisation
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