Jean-François Cooke et Pierre Sasseville : Mécanique générale
Un cerveau entouré d’un confessionnal, d’une fontaine et de portraits: c’est la chapelle revisitée selon JEAN-FRANÇOIS COOKE et PIERRE SASSEVILLE. Célébration de notre propre image.
Aux commandes de cette production impressionnante: une interrogation sur le monde actuel où la recherche spirituelle a fait place à une sacralisation de l’homme comme source de toute solution. Une volonté aussi de participer à la connaissance de l’humain, voire de questionner la vie de l’âme et du corps. Mais le discours à lui seul ne saurait suffire. Ce n’est donc pas seulement le strict travail de leurs cerveaux qui est sollicité dans la production de Jean-François Cooke et Pierre Sasseville, mais leurs bras et leur habileté aussi! Et pour cause, les deux artistes n’ont pas peur des gros travaux: chaque sculpture est le produit d’un défi technique, leurs oeuvres se mesurent à l’échelle humaine et comportent des dimensions cinétiques importantes. Leurs réflexions sont incarnées dans des oeuvres dont la facture techno-artisanale est très précise sans être léchée ni trop fignolée. Et, fait notable, Cooke et Sasseville parviennent à intégrer, avec une rare efficacité, diverses images dans leurs constructions tridimensionnelles. En outre, ils prennent des risques en abordant des questions peu traitées en art contemporain.
Au centre de l’espace d’exposition, un cerveau – organe de direction par excellence -rayonne sur l’ensemble des oeuvres. Une structure remarquable installée au sol reprenant le dispositif des panneaux publicitaires où apparaissent en alternance trois scènes: la photographie d’un cerveau, un miroir qui réfléchit notre image et un mur de fausses briques. La mécanique ingénieuse et volontairement apparente participe au propos de la pièce en réfléchissant sur notre propre fonctionnement. Puis, un confessionnal nous invite à l’exploration de plaisirs solitaires. De l’extérieur, l’objet est d’une sobriété presque… suspecte. À l’intérieur, on s’agenouille sur un vibrateur géant et un jeu de miroirs multiplie notre image. Expérience érotico-psychédélico-religieuse (post-postmoderne!) avec au centre un immense vibrateur de caoutchouc en guise de phallus dont les fonctions ne seront jamais altérées sauf en cas de panne technique. Tout cela est très "masculin", pourrait-on dire. Mais, cette dimension est complètement assumée par les deux artistes. Il en va de même pour la "fontaine pissante", où les figures d’un homme et d’une femme auréolés laissent s’écouler de leurs organes-robinets (devenus identiques par la magie de l’art!) un jet d’eau ininterrompu.
Tout est là, dans le travail en duo de ces deux artistes qui terminent actuellement leur maîtrise à l’Université Laval: exploration de la résistance des matériaux comme celle des concepts. En plus d’un je-ne-sais-quoi qui fait que tout cela fonctionne. Ce quelque chose qui participe de l’indicible, comme dans les meilleures créations: "On ne sait pas pourquoi, mais on sait que ça marche!" assure Sasseville. Ces pièces, qui demeurent indépendantes les unes des autres, participent toutes à leur façon à des questionnements sur l’humain par une omniprésence de corps représentés tantôt sous forme d’icônes (photographies et sérigraphies), tantôt reflétés dans des miroirs. Un programme iconographique qui vient ainsi répondre à la volonté actuelle de créer un humain idéal et son corollaire: notre propre disparition.
Du 25 avril au 12 mai
Chez Rouje
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