Laboratoires au CCA : Après le 11 septembre
Tout aurait donc changé. Rien ne serait plus pareil. Depuis le 11 septembre, c’est ce qu’on entend répéter à qui mieux mieux! Le monde aurait été transformé radicalement. Ah oui? Comment donc?
Tout aurait donc changé. Rien ne serait plus pareil. Depuis le 11 septembre, c’est ce qu’on entend répéter à qui mieux mieux! Le monde aurait été transformé radicalement. Ah oui? Comment donc?
Au Centre canadien d’architecture, une exposition intitulée Laboratoires se propose d’analyser l’impact de cet acte terroriste sur la vision des architectes. Six firmes montréalaises – Atelier Big City, Atelier Braq, Atelier in situ, Bosses design, BUILD et Pierre Thibault – ont donc été conviées à réfléchir sur l’après-World Trade Center. Ce n’est malheureusement pas l’endroit où vous seront enfin expliquées les modalités de ce prétendu changement.
L’architecture peut-elle de toute manière trouver une forme de réponse au terrorisme? Techniquement, on voit mal comment. Symboliquement, il y a des lieux ou des événements dans lesquels l’architecture ne peut trouver sa place. Que construire sur un lieu comme Auschwitz? L’art a des limites. Et le présupposé de cette expo – "les architectes se sont vus contraints de repenser les fondements mêmes de leur discipline" – frôle le ridicule, pouvant même apparaître comme une manière choquante de réduire à une question simpliste un problème politique majeur (les rapports de l’Occident au reste du monde se sentant de plus en plus exclu).
L’architecture ne fait tout de même pas la découverte ces jours-ci que rien n’est éternel, pas même les bâtiments monumentaux qu’elle érige! L’architecture moderne n’a-t-elle pas de toute façon souvent opté pour la méthode de la table rase? Rappelons que le célèbre Le Corbusier avait proposé de démolir et de reconstruire en neuf tout le centre de Paris! En arts visuels, le même esprit a prévalu, les futuristes italiens ayant suggéré de raser Venise. Les vandales sont aussi occidentaux. Comme le faisait remarquer Donald Potvin de Bosses design – une des rares firmes dans cette expo à avoir eu lors du vernissage un discours de présentation plus critique vis-à-vis de ses prémices -, "avec le 11 septembre, il y a événement, mais ce n’est pas la fin du monde, ni le début d’un nouveau". Alors, plusieurs autres architectes ont alors sorti les clichés les plus éculés, parlant de l’entrée dans un nouveau siècle, de l’architecture déstabilisée…
En fait, cet enrobage dramatique n’était absolument pas nécessaire pour justifier cette présentation. Car si vous voulez simplement avoir une vision de l’architecture contemporaine au Québec, cette expo est intéressante. Les six jeunes firmes d’architecture – quatre d’entre elles ont moins de 10 ans d’expérience – nous montrent ce dont elles sont capables. Tous les paramètres de l’espace s’y trouvent réinterprétés.
Le socle de l’architecture moderne continue – comme depuis plusieurs années – d’être remis en question. Pour la firme Bosses design (composée d’Éric Daoust, Donald Potvin et Jean-François Potvin), le sol se fait ondulant, recouvert de gazon artificiel ou composé de cailloux. Pour l’Atelier Big City (Randy Cohen, Anne Cormier, Howard Davies), il devient pente, montée vers des passerelles permettant des points de vue presque théâtraux sur l’espace. Les murs et les cloisons eux aussi semblent en mutation: en métal réfléchissant ou incorporés de petits ventilateurs (Bosses design), modulables selon l’émotion de la journée (Atelier in situ), composés de longues lames de métal oscillant légèrement à notre passage (Build), ou de bois troué d’oculi qui nous mettent presque en situation de voyeur (Atelier Braq). Ce dernier – composé de Wade Eide et de Peter Fianu – propose une réflexion sur les espaces ouverts et fermés, sur le public et le privé. Cet atelier écrit très justement dans son texte de présentation que "la paroi peut être l’écran qui protège notre intimité", mais aussi "un instrument d’exclusion et d’isolement, une barrière entre l’individu et le communautaire, un moyen de privilégier la possession par rapport au partage. La réponse à la violence de la paroi est sa transgression".
Signalons que la revue Convergence publie dans son numéro 13 un dossier complet sur cette expo. On y retrouvera des entrevues avec les architectes.
Jusqu’au 15 septembre
Au Centre canadien d’architecture
AfricAméricA à la SAT
Jusqu’au 27 avril, à l’espace de la SAT (Société des arts technologiques), au 305, rue Sainte-Catherine Ouest, a lieu un forum multiculturel d’art contemporain, AfricAméricA. Le visiteur y trouvera, entre autres, une pièce d’un artiste de Trinité-et-Tobago, Christopher Cozier, discutant de l’impact du colonialisme sur les pays du tiers-monde. Sa pièce The Attack of the Sandwich Man, composée de sandwichs de pains tranchés enveloppés bien proprement dans du papier, nous parle de l’impact de la culture anglaise et américaine sur le reste de la planète, dans toutes les activités quotidiennes, même dans les habitudes alimentaires. Y sont aussi exposés les artistes Jack Beng-Thi, Maxence Denis, Carolina Écheverria, Adriana Gonzalez Brun, Barbara Prézeau, Roberto Stephenson, Jane Wade. Le vernissage aura lieu samedi à partir de 16 h. Info: (514) 286-0060 ou www.sat.qc.ca