Grands maîtres anciens de Raphaël à Tiepolo : La belle histoire
Arts visuels

Grands maîtres anciens de Raphaël à Tiepolo : La belle histoire

En échange d’un gentleman’s agreement, le Musée de Budapest propose de prêter, le temps d’une expo, un ensemble assez exceptionnel de ses tableaux anciens. Plusieurs des plus grands noms de l’art sont donc présents à travers leurs chefs-d’oeuvre.

Tout a commencé par un tableau volé en 1944. Et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agissait d’un tableau de la Renaissance italienne, Les Noces de Cana, réalisé par le célèbre Giorgio Vasari, peintre du 16e siècle, surtout connu en tant qu’un des fondateurs de l’histoire de l’art. Cette peinture disparaît du Musée des beaux-arts de Budapest pour se retrouver dans un magasin d’antiquités de l’État communiste… Un acheteur l’apporte au Canada. Et en 1963, la fille de ce particulier en fait don au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). Le Musée de Budapest proteste.

En 1998, une des premières décisions du tout nouveau et jeune directeur du MBAM, Guy Cogeval, est de rendre cette oeuvre à son musée hongrois. L’histoire aurait donc pu finir là. Mais en échange de ce gentleman’s agreement – selon la belle expression de monsieur Cogeval -, le Musée de Budapest propose de prêter, le temps d’une expo, un ensemble assez exceptionnel de ses tableaux anciens.

Plusieurs oeuvres de la Renaissance, du maniérisme et du baroque sont donc actuellement à Montréal, au MBA, jusqu’au 4 août. Raphaël, Titien, Tintoret, Véronèse, Annibal Carrache, Sasseta, Giovanni Antonio, surnommé Sodoma à cause de ses pratiques sexuelles… Plusieurs grands noms de l’art sont présents avec, souvent, des pièces de grande qualité. Dès l’entrée, le crucifix aux formes découpées de Lorenzo Monaco ouvre avec magnificence cette expo. Par la suite, il y a des pièces surprenantes comme cette Pietà de Jacopo da Montagnana où l’expression du visage de la Vierge est terrifiante; ou bien cette Judith de Johann Liss exhibant un Holopherne décapité et sanguinolent comme un quartier de boeuf fraîchement tranché.

Une expo qui se justifie – comme cela fut dit lors de la conférence de presse – par le fait que c’est une occasion rare de voir de grands maîtres anciens à Montréal? À une époque où les gens voyagent beaucoup et où le Louvre se visite presque comme Disneyland, ce n’est pas un argument totalement satisfaisant.

Malgré le haut niveau des oeuvres présentées, ce qui en fait une expo remarquable, il manque ici un regard plus théorique sur l’art. Nous ne referons pas ici le débat sur ce que doit être l’histoire de l’art. Disons seulement que cette expo est trop académique et didactique dans ses textes de présentation. Sans aller dans une psychanalyse de l’art, le conservateur de l’expo, Hilliard T. Goldfarb, qui est aussi le conservateur en chef adjoint et le conservateur des maîtres anciens au MBAM, aurait dû profiter de cette occasion pour nous donner une lecture plus personnelle de l’époque et ne pas uniquement se réfugier derrière des considérations sorties d’un dictionnaire de l’art. Les professeurs d’histoire de l’art qui emmèneront leurs étudiants en visite et les néophytes s’en réjouiront. Les amateurs plus éclairés regretteront que cela s’arrête là. Bien sûr, toutes les expositions ne peuvent être du calibre de l’intelligence raffinée de l’événement Hitchcock, qui a eu lieu l’an dernier au MBA. On ne peut pas toujours demander le niveau d’analyse de Michael Baxandall, d’Anthony Blunt ou d’un historien moins connu comme Wilfred Blunt. Cet ensemble aurait permis néanmoins bien des réflexions, comme par exemple sur la place et les gestuelles du corps dans l’art de cette époque.

Signalons que le design très original de cette expo est une grande réussite. Robert H. Anderson, qui a signé la présentation visuelle de l’ensemble, a effectué un travail d’une grande sensibilité.

Jusqu’au 4 août
Musée des beaux-arts de Montréal

Biennale de Montréal 2002
La Biennale de Montréal a annoncé sa programmation. Cette troisième édition, qui sera sous le seul commissariat de son directeur Claude Gosselin, portera le titre de Plaisirs, passions, émotions. Ce thème permettra aux artistes de parler "de la vie, de celle qu’on vit en privé et de celle qu’on partage avec les amis, la famille et la société", mais aussi "des rapports interpersonnels et d’engagements sociaux". Je surveillerais avec attention ce dernier point pour voir comment les artistes actuels arrivent à intervenir dans le politique. De plus, un sous-thème "comme en filigrane" sera très présent cette année: le dessin. Voilà une belle idée puisque, à l’évidence, il y a un retour très marqué de cette pratique en art contemporain. Ayant moi-même souligné cette tendance, je ne peux que me réjouir de cette place donnée au dessin dans la prochaine Biennale.

Une liste – presque définitive – d’artistes a été annoncée. Parmi la trentaine de créateurs, on retrouve le Sino-Américain Cai Guo-Qiang, les Canadiens Marcel Dzama et Ed Pien, les Français Corinne Marchetti, Bruno Peinado, Jean-Luc Verna et Fabien Verschaere, les Américaines Colette et Kiki Smith… Une forte présence mexicaine est à noter cette année: Daniel Guzman, Cisco Jiménez, le duo Torolab (formé de Raul et Marcela Cardenas), Pablo Vargas-Lugo. À ce groupe devraient s’ajouter – nous promet Claude Gosselin – quelques jeunes artistes québécois. Cela serait plus que bienvenu puisque, pour l’instant, on n’y retrouve que David Blatherwick, François Morelli et Alain Paiement, qui ne sont pas vraiment des nouveaux venus dans le milieu. Notons qu’un hommage à Betty Goodwin est aussi prévu. La Biennale de Montréal aura lieu du 26 septembre au 3 novembre à la Cité Multimédia, dans le Vieux-Montréal. Pour plus d’information, on peut visiter le site: www.ciac.ca.