Art Throb : Absolument kitsch
Avec l’exposition Art Throb, à la Galerie Articule, les commissaires JO-ANNE BALCAEN et PETER HOBBS proposent une vision de la culture populaire et de ses aspects les plus obsédants en donnant une lecture kitsch du monde.
Périodiquement, quelqu’un, quelque part – un artiste, un critique, un commissaire d’exposition -, refait pour la énième fois la découverte du kitsch. Quel émerveillement! Quelle surprise! Comme si personne n’avait lu sur le sujet le texte de Clement Greenberg de 1939 ou le livre d’Abraham Moles de 1971. Alors, cette personne trouve au quétaine des valeurs cachées, un sens plus profond, des qualités ironiques… Et parfois même une structure de résistance et un sens politique dignes des plus grands révolutionnaires! C’est à nouveau le cas avec l’exposition Art Throb, qui a lieu ces jours-ci à la Galerie Articule.
Les commissaires Jo-Anne Balcaen et Peter Hobbs proposent une vision de la culture populaire et de ses aspects les plus obsédants qui, en fait, tourne vite en une lecture du monde kitsch. L’espace de la galerie est peuplé de portraits de Marilyn Monroe (version Andy Warhol) recréés avec des jeux Ultra Bright, de livres Harlequin portant le mot "amour" dans leur titre, de cendriers et d’assiettes souvenirs de voyage aux motifs plus cuculs la praline les uns que les autres.
Quoi de neuf dans le beau monde du kitsch? Pas grand-chose, toujours la même lecture qui refait surface. Hobbs, parlant des fans et autres groupies qui collectionnent tout de leurs idoles, cite Henry Jenkins qui prétend que ceux-ci "transgressent le goût bourgeois et perturbent les hiérarchies culturelles dominantes". Ainsi, ils seraient perçus comme "anormaux et menaçants", et seraient donc "tenus à l’écart afin d’éviter de polluer la culture officiellement approuvée". Il faudrait pourtant souligner comment la culture kitsch, celle des groupies ou des collectionneurs (de timbres-poste, de chromos, de porcelaines représentant des bergères et leurs moutons…), mime les codes bourgeois – et même religieux – dominants sans trop se poser de questions. Cette culture populaire est plus une intériorisation de l’idolâtrie mystique, de l’héroïsme bourgeois et de la culture normalisée par le pouvoir qu’un acte sacrilège. Elle est plus constructrice de reliques qu’iconoclaste. Le fan, comme tout "kitschificateur", peut devenir pervers en souhaitant plus de son idole (par exemple en l’imitant à l’excès, en voulant coucher avec celle-ci ou en voulant la tuer), mais c’est un risque que le saint ou le héros connaissent aussi. Il s’agit symboliquement davantage d’un acte de totale sanctification que d’un geste de destruction.
Parmi les pièces présentées, Evergon, avec son installation In Fiction All Men Wear White Jockeys, tire un peu mieux son épingle du jeu. Sa collection de Jocks placée dans des sachets de plastique dans lesquels est incluse la photo d’un homme est assez réussie. On dirait le butin d’un cleptomane ayant subtilisé les supports athlétiques de tous ses camarades de classe ou, pire encore, de celui d’un tueur en série. Ses images d’animaux portant eux aussi des jockstraps font quant à elles tout juste sourire. Intrigante est la pièce de Shari Hatt qui montre comment sa mère admiratrice d’Elvis Presley ressemblait à celui-ci… L’amour ne rend pas aveugle, il transforme en caméléon. À voir uniquement pour ces deux pièces.
Jusqu’au 16 juin
À la Galerie Articule
Pour la galerie
L’artiste est un des nouveaux prophètes du monde moderne. Son atelier (comme ceux de Brancusi ou de Bacon) est parfois le sujet d’une fascination digne de celle que l’on pouvait avoir autrefois pour le lieu de retraite d’un saint. Sarla Voyer, à la maison de la culture Frontenac, joue avec ce phénomène d’adoration. Elle va jusqu’à exposer une reconstitution de son appartement. Ici cependant, l’intérieur en est presque complètement vide, en attente du futur de la carrière de cette artiste et de sa mythologie créatrice personnelle. Seules des feuilles de papier blanc composent les murs de cet espace. Sa maison est comme une page blanche en attente d’être remplie. Le visiteur se trouve plongé dans l’espace de l’artiste et doit essayer de le sentir, de le recomposer, de le réanimer et de lui inventer des usages. La part d’imagination dans ce phénomène d’adoration se trouve ici très soulignée.
Voyer semble aussi faire un commentaire sur l’espace de la galerie. Lorsque l’on voit cet appartement dans cet espace, on ne peut que penser à la disproportion entre les lieux d’exposition et les espaces où nous vivons. L’art, dans ses proportions gigantesques, semble aujourd’hui fait pour le musée. Il a été, dans son histoire – de l’art religieux jusqu’à l’art officiel -, majoritairement pensé ainsi. C’est là que l’on peut réaliser comment, avec l’impressionnisme, le tableau de petit et moyen format est devenu la consécration d’un mode de vie bourgeois et de l’art comme marchandise facilement transportable et monnayable. Voyer nous donne à réfléchir sur la spatialité de l’art actuel, sur sa place dans l’espace social.
Jusqu’au 15 juin
À la maison de la culture Frontenac
à signaler
La troisième édition de l’événement Mutek, dédié à la musique électronique et à la création sonore, aura lieu à Montréal du 29 mai au 2 juin. Un volet visuel composé de vidéos et de films discutant des liens entre le son et l’image est ajouté cette année. C’est Nicole Gingras et Éric Mattson qui le superviseront. Ils ont sélectionné 31 oeuvres, proposées en 4 programmes au Cinéma Parallèle du Complexe Ex-Centris (3536, boulevard Saint-Laurent) entre le 29 mai et le 6 juin. Notons qu’une section sera réservée à 13 vidéos d’artistes et compositeurs autrichiens avec des images de Michaela Schwentner, Tinhoko et Michaela Grill, et des musiques de Radian, H. Kulisch et Pure. Pour plus d’information, consultez le site www.mutek.ca.