Yannick Pouliot : Les paradis artificiels
Arts visuels

Yannick Pouliot : Les paradis artificiels

On pourrait commenter plusieurs des oeuvres de l’exposition des finissants en arts visuels de l’Université Laval tant elles méritent toutes le détour. Mais un choix s’impose: Le Courtisan de YANNICK POULIOT. Joie, ivresse et  exaltation.

L’oeuvre fait l’unanimité. Le Courtisan, c’est une tour exiguë apparemment banale dans laquelle nous sommes invités à entrer, un à un, pour découvrir une majestueuse pièce octogonale. Quand la petite porte se referme, la marche nuptiale des Noces de Figaro de Mozart nous propulse au XVIIIe siècle. Au sol, un parquet de merisier reprend un de ceux de Versailles. Autour de nous, les murs blancs s’élancent vers le haut plafond de 16 pieds jusqu’au lustre qui éclaire la pièce étroite. Sur les murs, des volutes et autres fleurs ont été modelées par l’artiste selon des motifs inspirés à même ceux du célèbre château, haut lieu symbolique du pouvoir souverain. "Je voulais faire un monde parfait et clos, explique Yannick Pouliot. C’est une réorganisation de choses que tout le monde connaît, poursuit-il. La musique, le décor… nous partageons tous ces codes culturels." Finissant au baccalauréat en arts visuels à l’Université Laval, Yannick Pouliot a tout confectionné lui-même (admirablement) et on ne peut que lui tirer notre chapeau: "Je suis le bourreau et le roi, le concepteur et l’artisan!" À ces mots, on perçoit combien l’oeuvre est empreinte de toute la personnalité de l’artiste, déjà libre d’influence.

Ainsi, ce n’est pas toujours par le scandale, ni par la provocation qu’on laisse sa marque. L’art n’a pas non plus à être ascétique, difficile. Il peut être généreux, joyeux, émouvoir. Cependant, il faut le faire avec force, précision, et cela, radicalement. Mais aussi, comme le pense le courtisan lui-même: "Dans le monde de l’art, comme dans le monde réel, il manque de joie. Il y a des sentiments qu’on ne ressent plus, comme l’exaltation." C’est ainsi à un pur moment de ravissement que nous convie l’artiste. Cette fusée à voyager dans le temps produit un effet presque cinématographique: "C’est un pied de nez aux images virtuelles sophistiquées", poursuit Yannick Pouliot. L’oeuvre s’apparente en effet à ce qu’on attend de la réalité virtuelle; expérience de surcroît solitaire. Ici, c’est tout le corps qui est convié: de la tête aux pieds.

Le Courtisan est un projet majestueux, sans être pompeux et encore moins kitsch. Et c’est aussi là que réside toute la réussite de Yannick Pouliot: il offre au spectateur une expérience totale et authentique. On est si souvent en contact avec des oeuvres chez qui la critique passe par l’ironie. Il nous semble parfois que toutes ces oeuvres kitsch qui se protègent sous la dérision finiront un jour par miner notre sensibilité. Là – enfin! -, on a affaire à une oeuvre où l’artiste considère avec beaucoup d’égard le spectateur dont le coeur et l’esprit sont charmés. Cela peut paraître étrange, mais les gens se sentent choyés au sortir de la tour, ne demandant qu’à renouveler l’expérience. C’est un grand moment de joie, sans mièvrerie aucune. Parce qu’il s’agit aussi d’une joie terrible, comme si nous étions au bord d’un précipice: on se laisse, confiant, porter par le vent tout en sachant la chute probable. Tout près de nous, il y a la fin annoncée, comme une sorte de décadence imminente. C’est là que loge toute la charge critique et politique de l’oeuvre. Sans compter, – on ne peut l’ignorer -, que cette tour blanche en forme de salle de bal condensée, c’est aussi un tombeau…

Jusqu’au 2 juin
À l’École des arts visuels
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Bloc-notes

Le trio improbable
Au Centre d’exposition de Baie-Saint-Paul, on présente actuellement Le Trio improbable. Ce trio a été formé à la suite de l’invitation du peintre Pierre Harvey, d’une petite fille de cinq ans ainsi que d’un patient fréquentant Les Impatients (les ateliers d’art-thérapie de la Fondation pour l’art thérapeutique et l’art brut du Québec). Résultat de rencontres hebdomadaires des trois partenaires, dessins et autres oeuvres sur toiles nous attendent au Centre d’exposition. Un livre ainsi qu’un court film, diffusé sur place, ont aussi été réalisés sur les travaux du trio. Jusqu’au 8 juin 2002.

Guy Labbé chez Linda Verge
Il a depuis longtemps délaissé la peinture réaliste, qu’il maîtrisait avec brio, pour un art de vibration, de lumière et de couleur peuplé d’arbres et d’étangs. On retient la belle citation d’Eugène Delacroix qui accompagne son exposition: "Il y a deux choses que l’expérience doit apprendre: la première, c’est qu’il faut beaucoup corriger; la seconde, c’est qu’il ne faut pas trop corriger". Huiles de Guy Labbé, jusqu’au 6 juin.

Isabelle Dubois chez Rouje
Finissante au deuxième cycle en arts visuels à l’Université Laval, Dubois expose de grands tableaux sur lesquels des corps schématisés sont suspendus dans des étendues monochromes. À voir, jusqu’au 2 juin prochain.