Mémoire vive : Histoire de cochers
Arts visuels

Mémoire vive : Histoire de cochers

Comment se construit la mémoire? Comment existe-t-elle dans la trame urbaine? Et comment se transmet-elle au sein des communautés? Voilà des questions que pose l’exposition Mémoire vive au Centre d’histoire de Montréal.

Commençons par une petite histoire. Elle est racontée par un conducteur de calèche à des touristes de passage dans notre cité. À propos de l’édifice Aldred, dans le Vieux-Montréal, construit entre 1929 et 1931 par Barrott et Blackader, le cocher raconte que son "architecte est venu à Montréal en premier pour proposer la construction de l’Empire State Building mais son offre a été refusée. Les Sulpiciens ne voulaient pas de bâtisses qui soient plus hautes que la basilique Notre-Dame ou l’oratoire Saint-Joseph. On ne pouvait pas regarder Dieu d’en haut"! Histoire totalement fausse?

L’exposition Mémoire vive, présentée tout l’été au Centre d’histoire de Montréal, situé place d’Youville, en collaboration avec le centre d’artistes Dare-dare, est pleine de ces petites histoires, légendes, anecdotes, témoignages, souvenirs… Ici, on peut entendre un pompier, Roger Bourchard, contant les péripéties de son travail; là est écrit le récit d’une esclave noire, Marie-Joseph Angélique, condamnée injustement à mort pour l’incendie qui en 1734 ravagea un tiers de notre ville… Ailleurs, on peut lire toutes les autres histoires recueillies pas Ani Deschênes auprès de cochers montréalais. À travers elles se dessine une représentation de notre société. Comme en psychanalyse, elles énoncent un symptôme très profond. Ce récit sur l’immeuble Aldred ne nous dit-il pas comment le Québec a le sentiment d’avoir été empêché de grandir à cause de l’Église?

Comment se construit la mémoire? Comment existe-t-elle dans la trame urbaine? Comment se transmet-elle au sein des communautés? Ce sont ces questions bien pertinentes que pose l’exposition initiée par l’artiste Raphaëlle de Groot. On pourrait aussi se demander comment se constituent l’oubli, les omissions et les transformations de l’histoire. Un projet d’une grande intelligence, et ce, même si toutes les participations ne sont pas d’égale force. Quoique pour juger définitivement du projet, il faudra tenir compte des performances que les artistes effectueront tout l’été – voir le site . Elles sont le coeur de l’événement et je vous glisserai un mot dans les semaines à venir sur les interventions urbaines de l’Action Terroriste Socialement Acceptable, de VLAN paysages, de Denis Lessard…

Voilà une expo qui demandera au visiteur d’être attentif à chaque texte de présentation, de prendre son temps pour se laisser imbiber par des histoires ou même pour en raconter soi-même puisque l’artiste Caroline Boileau demande aux gens de lui livrer oralement – ou par écrit – leurs souvenirs "au sujet de l’eau, du sang et du lait en rapport avec un endroit particulier de la ville". La cité devient alors comme un corps nourrissant ou au contraire agressant ses citoyens. Belle métaphore. J’attends avec impatience les histoires que Boileau va recueillir et choisir de nous raconter à son tour. Avec le travail de Deschênes cette intervention me semble une des plus intéressantes de l’ensemble.

Plus faible est cependant l’intervention d’Internationale Virologie Numismatique qui tourne autour de la statue de l’amiral Horatio Nelson dont l’original trônait sur la place Jacques-Cartier jusqu’en 97. L’oeuvre du début du 19e siècle maintenant au Centre d’histoire a été ornée par cette Internationale du virus de l’argent d’un socle doré… Quelques images, dont une tirée du film avec Vivien Leigh et Laurence Olivier sur Lady Hamilton, qui fut la maîtresse du célèbre guerrier anglais, accompagnent le tout. Pas très convaincant. Mathieu Beauséjour nous a habitués à des pièces plus insidieuses que cela. Quoiqu’il nous promet une performance plus éclatante… À suivre.

Jusqu’au 22 septembre
Au Centre d’histoire de Montréal

Nouvel espace HLM
Belle initiative d’un artiste et d’un architecte. Manuel Bujold et Alessandro Mangiarotti ouvrent rue Saint-Urbain un nouvel espace d’exposition. Même si pour l’instant l’aménagement de l’endroit n’est pas terminé, il est prometteur. Une belle ribambelle d’artistes font partie des débuts de cette aventure: Éric Aubertin, Éliane Excoffier, les frères Carlos et Jason Sanchez

Lors de sa visite, le spectateur pourra apprécier en particulier les photos floues de fleurs en plastique réalisées par Michel Nguyen. Certes, elles font penser aux images de Jack Pierson mais on y sent malgré tout un regard certain. John Londono montre quant à lui des boîtes lumineuses, des photos et même un ciné-parc miniature composé de projections de diapos sur un petit écran devant lequel sont posées des petites voitures d’enfants… S’y énonce l’émerveillement devant l’image. Signalons aussi Taila Khampo qui propose des peintures très bien maîtrisées montrant des ponts.

En plus de cette exposition, Bujold et Mangiarotti lancent un concours. Ils proposent à des architectes (mais aussi à des artistes) d’intervenir dans des lieux publics à Montréal. Bujold souhaite dénoncer le manque de vision de la Ville quant à son programme architectural. Ce concours de maquettes permettra de réfléchir sur l’espace urbain. Les quatre gagnants seront annoncés cet automne. Pour participer on peut se renseigner en écrivant à [email protected].

Jusqu’au 15 juin
Au 3915-17-19, rue Saint Urbain