

Fonderie Darling : Construire sur la mémoire
Quartier Éphémère célèbre l’aboutissement d’un projet herculéen, à la (dé)mesure de ce regroupement de recycleurs urbains créé en France il y a 15 ans. Après avoir présenté des expositions et projets dans leur environnement naturel tels que Panique au Faubourg et Silophone, QÉ ressuscite l’ancienne Fonderie Darling, pour en faire un centre d’arts visuels qui lui servira de quartier général.
Catherine Hébert
Quartier Éphémère célèbre l’aboutissement d’un projet herculéen, à la (dé)mesure de ce regroupement de recycleurs urbains créé en France il y a 15 ans. Après avoir présenté des expositions et projets dans leur environnement naturel tels que Panique au Faubourg et Silophone, QÉ ressuscite l’ancienne Fonderie Darling, pour en faire un centre d’arts visuels qui lui servira de quartier général. La semaine dernière, Caroline Andrieux, directrice artistique, et Julien Belleteste, directeur général, inauguraient les lieux.
"La carcasse était pourrie, le toit fini, la pluie est tombée durant 10 ans à l’intérieur. Pourtant, c’était vraiment magnifique!" Dès sa première visite en 1996, Caroline Andrieux a eu le coup de foudre pour cette usine désaffectée du faubourg des Récollets, rebaptisé Cité du multimédia depuis. Convaincue du potentiel de ce bâtiment érigé en 1914 par les frères Darling, mais en friche depuis une décennie, l’historienne de l’art a convaincu la Société de développement de Montréal (SDM) de lui céder les lieux pour 15 ans. Seule condition posée: que Quartier Éphémère se charge de la restauration. L’organisme a soutiré 1,5 million de dollars à une ribambelle de subventionneurs et commanditaires, une cagnotte bien petite en regard des travaux à accomplir.
Heureusement, les architectes de l’Atelier in situ sont passés maîtres dans l’art de faire beaucoup avec peu. "Ils ont su épurer avec subtilité l’endroit et lui redonner sa prestance industrielle", assure Caroline Andrieux, qui n’en est pas à son premier projet d’envergure (en France, elle a participé au projet Hôpital éphémère, soit la transformation d’un hôpital de 40 hectares en centre d’art, à la suite duquel Quartier Éphémère a vu le jour). Vrai que le résultat est impressionnant. Ce qui frappe d’abord, c’est la superficie de l’ex-entreprise. Le coeur du bâtiment est constitué d’un espace multidisciplinaire de 5500 pieds carrés (qui accueillera des expositions et spectacles, dont le prochain de Michel Lemieux), avec un plafond de 40 pieds, tandis que la galerie d’art adjacente fait 1500 pieds carrés. L’espace dépouillé a conservé son cachet industriel, grâce à ses structures de béton souillées et son ancienne fournaise. Des fenêtres aux verres opaques assurent une diffusion harmonieuse de la lumière. "Moi, ce qui m’a séduite ici, c’est l’ampleur de cet espace clos comme on n’en fait plus. C’est pourquoi nous n’avons pas cherché à meubler, ou à cloisonner les lieux."
Un café à aire ouverte a été aménagé dans un coin (ouverture prévue le 5 juillet). D’ici au 4 août, les aficionados de caféine, d’architecture, d’art… ou des trois, pourront se délecter de l’exposition Ultra vide, qui regroupe des oeuvres de Patrick Beaulieu, Serge Provost, Michael Robinson, Carl Ruttan et Maria Sheriff, inspirées des éléments nécessaires à l’équilibre selon la philosophie du Tao, soit le métal, le bois, le feu, la terre et l’eau (le Cabinet d’eau de Robinson est particulièrement impressionnant, avec sa baignoire qui inonde le sol) .
Consciente d’avoir réussi un grand coup, Caroline Andrieux ne compte pas s’arrêter là. Elle reluque déjà un bâtiment adjacent, dans lequel elle veut construire 13 ateliers d’artistes et quatre ateliers de production, pour permettre aux créateurs de travailler sur place. "Si nous trouvons l’argent pour le rénover, la SDM pourrait harmoniser notre bail sur 20 ans!" s’enthousiasme-t-elle. Que la prise de possession soit d’une quinzaine ou d’une vingtaine d’années, ce sera certainement le moins éphémère des projets du Quartier…
Fonderie Darling, 745, rue Ottawa