Serge Lemoyne : Le repos, les lauriers
La galerie Madeleine Lacerte expose une vingtaine d’oeuvres de Serge Lemoyne. On le retrouvera aussi au Musée de Lachine dans Pour ou contre l’art abstrait? et à Acton Vale, qui inaugurait récemment une place en son honneur. L’éclat posthume de Lemoyne.
La figure de l’artiste maudit n’est jamais très loin quand on pense à Serge Lemoyne (1941-1998). Très critique face à toutes les institutions, Lemoyne était un contestataire, "rebelle face au milieu de l’art, à la société et au pouvoir officiel, il a constamment milité pour une pratique artistique dégagée de quelque courant de pensée que ce soit", dixit le communiqué de presse. Si la galerie Madeleine Lacerte présente une vingtaine d’ oeuvres de Lemoyne en ce moment, c’est qu’on y a fait l’achat, en équipe avec la galerie montréalaise Yves Laroche, du fonds Serge-Lemoyne, comprenant des milliers d’oeuvres sur papier et sur toile ainsi que des estampes. Pour l’exposition de cet été chez Lacerte, on a sélectionné des oeuvres très colorées. Généralement, ce sont des oeuvres des années 70 et 80, plusieurs de la période Bleu-Blanc-Rouge et quelques superbes compositions et autres "super-positions" reprenant les motifs chers à l’artiste, triangles et autres formes géométriques où figurent les couleurs du club de hockey Canadien.
Somme toute, on connaît peu de chose sur cet artiste qui a été un des artistes d’avant-garde de sa génération. Un des seuls ouvrages substantiels consacrés au peintre, c’est un livre de Marcel Saint-Pierre, publié par le Musée du Québec en 1988. Mais depuis son décès en 1998, on a vu ses tableaux dans plusieurs expositions collectives. En 1999, ses oeuvres faisaient partie de l’exposition Déclics art et société, le Québec des années 1960 et 1970 au Musée de la civilisation et au MAC de Montréal. Lemoyne a transgressé, comme l’écrit Francine Couture dans la publication accompagnant l’exposition Déclics, les frontières des mondes culturels en utilisant en 1963, comme support pour Cap Canaveral, une planche à repasser…
Récemment, on a pu voir quelques oeuvres de Serge Lemoyne avec celles de Greg Curnoe au Musée du Québec, interrogeant sous la loupe de Carl Johnson leur nationalisme respectif. Les tableaux de Lemoyne ont aussi été présentés en mai dernier à la Kabat-Wrobel Gallery de Toronto et sont exposés actuellement au Musée de Lachine dans Pour ou contre l’art abstrait? en compagnie notamment de ceux de Claude Tousignant, Françoise Sullivan, Jean McEwen et Françoise Tounissoux. Est-ce le signe d’un engouement pour Lemoyne? Le 13 juin dernier, la municipalité d’Acton Vale inaugurait la place Serge-Lemoyne sur les lieux mêmes de sa maison, emportée par les flammes à la fin des années 90. Oui, cette même maison transformée par l’artiste, qui suscitait, il n’y a pas si longtemps, l’indignation du bon goût bourgeois, devient désormais le lieu d’un hommage. Ses cendres, selon les voeux de Lemoyne, ont été déposées à l’intérieur de l’oeuvre Hommage à Claude Gauvreau (poète et signataire du Refus global), oeuvre inachevée installée sur la place.
Jusqu’au 20 juillet
À la galerie Madeleine Lacerte
Voir calendrier Arts visuels
Pour ou contre l’art abstrait?
Jusqu’au 15 décembre
Musée de Lachine
Diane Dufresne sexpose
L’exposition des tableaux de Diane Dufresne au Petit Champlain n’est pas passée inaperçue. Ses fans ont été au rendez-vous; plusieurs amateurs d’art aussi. Il faut le dire, quand les artistes de la scène musicale ou littéraire se risquent à toucher aux arts visuels, ils sont attendus avec circonspection par le milieu de l’art. En fait, ils sont, plus souvent qu’autrement, tout simplement ignorés. De toute façon, le succès de ce genre d’entreprise n’a rien à faire de l’adhésion de l’intelligentsia. La réputation de la star assure à chacune de ses expositions un intérêt médiatique que bien des artistes en arts visuels n’auront jamais.
Cette production égale à bien des égards celles de nombreux créateurs – authentiques et honnêtes – qui se lancent en toute sincérité dans l’aventure de la peinture. Et les tableaux, eux? Ils nous ont semblé plutôt sages. Plusieurs se rapprochent de l’illustration et demeurent sans prétention et plutôt sympathiques. Mais surtout, ils sont étonnamment respectueux des conventions, à la fois dans la présentation, les formats, le traitement (même dans les tableaux les plus abstraits). Et puisque Diane Dufresne se réclame de l’automatisme, la réflexion suivante de Jean-Paul Riopelle nous permettra de conclure: "Les meilleurs peintres sont peut-être les peintres du dimanche. Il y a des peintres qui sont du dimanche tous les jours." Diane Dufresne Sexpose, au théâtre du Petit Champlain. Jusqu’au 11 août.