Art industriel : Regard d'acier
Arts visuels

Art industriel : Regard d’acier

Le Centre canadien d’architecture présente une exposition qui retrace l’intérêt de l’art contemporain pour le patrimoine industriel. Un regard critique sur ce mouvement marquant des années 70 et 80.

Le recyclage de l’architecture industrielle est à la mode. Ce phénomène a connu un essor spectaculaire depuis le milieu des années 70, alors que la crise économique laissait abandonnés maints entrepôts et usines. Lofts branchés aux plafonds surdimensionnés et portes de garage servant de devantures à des restaurants et commerces ont proliféré un peu partout. Même les galeries d’art ont repris le look, les locaux et les quartiers des anciennes manufactures. Les musées ont suivi. Le style "raffinerie" du Centre Beaubourg à Paris (construit en 77) en est un bon exemple, tout comme l’allure "usine désaffectée" du Palais de Tokyo, rouvert cette année.

Simple récupération bourgeoise pour donner un aspect plus brut et authentique au milieu de l’art? Ou véritables contestation et révolution esthétiques?

Le Centre canadien d’architecture (CCA) vient d’acquérir 51 épreuves argentiques qui représentent un important témoignage historique en ce qui a trait à la mise en valeur de cette architecture industrielle. Il s’agit de la série intitulée Les nouveaux parcs industriels près d’Irvine, Californie réalisée en 1974 par l’Américain Lewis Baltz. Ce dernier, avec les photographes Berd et Hilla Becher, Robert Adams, Henry Wessel, Joe Deal et Nicholas Nixon, a participé en 75 à l’expo New Topographics: Photographs of the Man-Altered Landscape. Très mal accueillie aux États-Unis, celle-ci a consacré une nouvelle esthétique froide, détaillée et presque archéologique. S’y énonce un regard critique vis-à-vis des transformations dues à l’industrialisation et à l’expansion du système de consommation avec ces centres commerciaux à perte de vue dans les banlieues. Mais s’y lit aussi une fascination pour la force physique et plastique de cette architecture industrielle.

Ces photos ont de plus des liens avec le minimalisme: répétition des formes géométriques, pans de mur vides de tout élément décoratif et surtout opaques à ce qu’ils contiennent, matériaux bruts… Ne serait-ce que parce qu’elles soulignent les sources de l’art minimal, ces images valent toute notre attention.

Jusqu’au 29 septembre
Salle octogonale du Centre canadien d’architecture
Les monuments aux pauvres
L’artiste montréalaise d’origine saskatchewanaise Nikki Middlemiss propose elle aussi une réflexion sur l’architecture dans une série de photos de corniches de maisons construites pour la classe populaire au début du 20e siècle. Elle y souligne le peu de considération donné à ce type de bâtiments; en effet, la plupart de ces éléments décoratifs disparaissent au fur et à mesure qu’ils se détériorent. Presque la moitié des façades photographiées par Middlemiss en sont déjà dépourvues. Même si ce type de questionnement n’est pas nouveau (on pense à Melvin Charney), la démarche est intelligemment présentée. J’ai par ailleurs beaucoup aimé les trois photos de stores blancs sur fond bleu qu’expose aussi Middlemiss; elles frôlent presque l’abstraction, mais proposent une relecture amusante de ce type d’art.

On profitera de cette visite chez Skol pour jeter un coup d’oeil dans la petite salle sur l’installation sonore de Patric Lacasse. Le dispositif est impeccable, mais le contenu n’est malheureusement pas à la hauteur de la réussite formelle. Le panneau mou et vibrant – le moulage d’une oreille (en négatif) – émet des sons composés d’une liste de noms de présidents et de premiers ministres qui nous a laissés perplexes…

Jusqu’au 14 septembre
Au Centre des arts actuels Skol