ATSA : Avoir la flamme
Arts visuels

ATSA : Avoir la flamme

L’art engagé a-t-il encore lieu d’être? Oui, si l’on en croit le travail des artistes de l’Action terroriste socialement acceptable et leur expo: Mémoire vive.

Les interventions de l’Action terroriste socialement acceptable (ATSA) sont toujours un intelligent rappel que l’art peut avoir une fonction sociale. J’ai été très interpellé par leur Banque à bas installée durant l’hiver 97-98 pour venir en aide aux itinérants en leur procurant des chaussettes et des vêtements chauds, ou par leur camp de réfugiés (fin 98) pour nourrir ceux ayant faim dans nos villes riches.

Les fondateurs de l’ATSA, Annie Roy et Pierre Allard, reviennent, dans le cadre de l’expo Mémoire vive (au Centre d’histoire de Montréal), avec un sujet tout aussi brûlant: le Red Light situé autour du boulevard Saint-Laurent. Ils ont installé, sur la Main et les rues avoisinantes, 17 petites vitrines rouges copiant les anciennes boîtes d’alarme. Dans chacune d’elles est raconté un moment fort de l’histoire des incendies de ce quartier et, ainsi, de la vie de ceux qui y ont vécu: prostituées, danseuses nues, drogués, itinérants, mafieux, immigrants…

Mais que l’on comprenne bien le rapport de l’ATSA à l’histoire. Il ne s’agit pas de simplement se souvenir. "Il faut actualiser l’histoire, dit Annie Roy. Se servir du passé pour repenser le présent. Souvent, les villes tentent d’éliminer le district du Red Light, pourtant la vraie solution serait de l’intégrer, car chaque fois qu’on a voulu le faire disparaître, il s’est juste un peu déplacé…" Roy souhaite relancer le débat sur les maisons closes et sur les piqueries surveillées.

Bien sûr, le travail de l’ATSA pourra en laisser plus d’un dubitatif. L’intervention militante a-t-elle un impact réel auprès de la population et des gouvernements? Difficile à dire. Difficile aussi à quantifier. Les grandes marches pour la paix dans les années 60 et autres actions, comme le bed-in de John Lennon et Yoko Ono, ont-ils vraiment servi? Il serait stupide de vouloir appliquer aux diverses revendications populaires les règles de rendement de l’économique capitaliste. Manifester pour pousser la population à s’impliquer dans le processus démocratique et à avoir un regard critique vis-à-vis de son gouvernement et de ses institutions n’est jamais un processus rentable à court terme. De plus, c’est un travail toujours à refaire. "Mais nous sommes là pour faire réfléchir les gens", ajoute Annie Roy.

Et bien des artistes engagés ont gagné leur pari. Courbet avec ses Casseurs de pierre ou Turner avec son Bateau négrier ont participé à un éveil des consciences par rapport à la condition des ouvriers et des esclaves. Je ne peux prévoir si cette intervention de l’ATSA aura un impact, mais pour l’instant je peux dire qu’elle est un questionnement essentiel sur la place que nous, citoyens, donnons à la marginalité dans nos villes. Ces boîtes devraient rester sur place bien après la fin prévue de l’événement.

Information sur les lieux de présentation: www.atsa.qc.ca
Réservations pour une visite guidée: L’Autre Montréal, (514) 521-7802
Jusqu’au 2 septembre

David Elliott
Je dois dire mon malaise devant les tableaux de David Elliott; voici un travail pourtant techniquement impeccable et d’une grande sensibilité. Elliott produit depuis plus de 20 ans une peinture qui traite de la notion de mémoire, de l’intime – presque du secret. À un premier niveau, cela se voit par les images et symboles liés à sa vie, et présents dans ses peintures. Même sans entrer dans la biographie de l’artiste, ses juxtapositions d’images arrivent à donner au spectateur le sentiment d’un récit fragmenté, à reconstruire comme un souvenir. Cela peut faire penser, comme le dit Sylvie Gilbert dans son texte de présentation, au mécanisme du rêve. Néanmoins, en visitant cette expo, j’ai souvent eu une impression de déjà-vu qui a gâté mon plaisir.

Sa peinture est à l’évidence en lien direct avec l’esthétique de l’Américain James Rosenquist. Cela n’est pas un problème en soi, puisque beaucoup de créateurs travaillent sur la citation, produisant un discours critique sur leur source d’inspiration. Or, malgré le fait que certains critiques ont cru voir chez Elliott un apport considérable à l’art pop de Rosenquist, je n’ai pas senti dans ses tableaux un ajout pictural si marquant… Certes, Elliott investit la manière du peintre pop d’un contenu personnel, évitant ainsi le pastiche. Il ne vampirise pas Rosenquist comme le fait Jeff Koons, par exemple, dans ses plus récentes productions (et cela sans que la critique américaine n’ose le dire!). Mais je ne vois pas non plus ce qu’Elliott apporte de vraiment nouveau à l’art de Rosenquist: ni dans la manière de peindre un peu floue, ni dans l’accumulation des images de la culture populaire, ni même dans l’aspect panneau publicitaire de ses images… Son art a beau être intimiste, il n’est malheureusement pas assez personnel.

Jusqu’au 1er septembre
Au Centre Saidye Bronfman