Art contemporain vietnamien : Diversité culturelle
Le Centre d’exposition de l’Université de Montréal se penche sur l’art du monde en présentant sept artistes vietnamiens contemporains. De quoi piquer notre curiosité.
Décidément, en art contemporain, l’heure est à la mondialisation. Depuis plusieurs années, des événements comme la Biennale de Venise ou la Documenta de Cassel donnent place à des artistes de toutes les régions du monde. Cette année, la Documenta a même organisé une série de colloques aux quatre coins de la planète.
Cette manière de faire poursuit une tendance qui a pris son envol avec Les Magiciens de la terre en 1989, au Centre Pompidou à Paris. Maintenant, Chinois, Japonais, Iraniens, Coréens, Nigériens, Cubains semblent être intégrés au milieu de l’art. Ou du moins, on fait comme si le lieu de création n’avait plus vraiment d’importance… À Montréal, le phénomène s’est fait aussi ressentir. Fin 2001, les Galeries Dazibao, La Centrale, Oboro, Optica mettaient à l’affiche l’art contemporain de l’Inde, puis en début d’année, ce fut le centre Saidye Bronfman qui ouvrait ses portes à l’art japonais actuel.
C’est au tour du Centre d’exposition de l’Université de Montréal de se pencher sur l’art du monde et de piquer notre curiosité, avec une présentation de sept artistes vietnamiens contemporains.
Les conservateurs de l’événement – Natalia Kraevskaia, Andrée Lemieux et Marcel Saint-Pierre – se sont rendus au Viêt Nam pour tâter le pouls de la création dans ce pays qui se remet de ses multiples guerres. Ils y ont trouvé un art folklorique et, étrangement, une esthétique poursuivant la tradition du réalisme soviétique. Mais ils y ont aussi apprécié une création émergente plus contemporaine. Celle-ci est presque totalement méconnue et les artistes qui ont été choisis exposent d’ailleurs pour la première fois au Canada.
Peu nombreux sont en effet les artistes vietnamiens à avoir reçu une reconnaissance en dehors de leur pays. On peut bien sûr citer Jun Nguyen-Hatsushiba avec ses vidéos, photos et installations présentées, entre autres, à la Triennale de Yokohama ou à la Biennale de São Paulo, et qui d’ailleurs aurait pu trouver sa place dans cette expo; aussi, l’écrivaine, réalisatrice et compositrice Trinh T. Minh-Ha qui s’est fait surtout connaître par ses films en 16 mm traitant de post-colonialisme et de post-féminisme. Mais le premier a fait ses études en arts aux États-Unis et la seconde vit en Californie.
Je dois avouer que cette présentation au Centre d’exposition de l’Université de Montréal est inégale, l’ensemble des pièces n’étant pas de même niveau esthétique. Néanmoins, elle est à voir car, comme le dit si justement Andrée Lemieux – commissaire de l’expo mais aussi directrice du Centre d’exposition -, elle nous confronte à une question essentielle: "Comment, en art, est-il possible de ne pas faire comme les Américains et les Européens, de ne pas non plus perpétuer uniquement le folklore, et malgré tout de réaliser de l’art contemporain " Pas facile de ne pas se laisser avaler pas les normes esthétiques ou intellectuelles de l’art occidental. Pas facile pour le spectateur ou même le critique de vraiment sortir de ses habitudes perceptives et de s’ouvrir à des normes visuelles différentes, et cela, sans tomber dans la condescendance ou dans l’émerveillement un peu naïf.
Ayant réfléchi à cette question, le visiteur appréciera les portraits de Le Quang Ha qui sont au croisement de la tradition et de l’art actuel. Réalisés avec de la laque – entre trois et douze couches qu’il faut laisser sécher et polir selon une vieille méthode -, ses visages ont des qualités proches de certains Francis Bacon. On remarquera également les gouaches et les encres chinoises de Nguyen Van Cuong qui font penser à l’art des expressionnistes allemands et à leur ton parfois très critique vis-à-vis du capitalisme. Un des dessins intitulé Karaoke montre le portrait de Banjamin Franklin venant d’un billet de banque américain. La devise In God we trust y est inscrite comme un motif décoratif ou comme une phrase d’un discours politique qui aurait perdu son sens pour n’être plus qu’un son répété par des perroquets ayant bien appris leur leçon.
Mais de toutes les oeuvres exposées, la plus spectaculaire et la plus originale est sans nul doute celle de Nguyen Minh Phuong. Son installation de 120 troncs d’arbres recouverts de tissus multicolores – que l’on peut admirer devant et derrière le bâtiment du chemin de la Côte-Sainte-Catherine – souhaite rendre compte de la diversité de la population du Viêt Nam qui rassemble une cinquantaine de groupes ethniques différents… Cette installation, autant dans son contenu que dans sa forme, est celle qui rompt le plus avec l’image conventionnelle du Viêt Nam.
Jusqu’au 22 septembre
Au Centre d’exposition de l’Université de Montréal
À signaler
– Ce soir, jeudi 29 août, à partir de 17 h, à l’Espace VOX – situé dans le Marché Bonsecours – aura lieu le vernissage de l’expo du photographe vancouverois Roy Arden. Monté par la commissaire Marnie Fleming, cet événement permettra de voir des oeuvres réalisées entre 1985 et 2000 et faisant "allusion à la rapidité des changements technologiques en Colombie-Britannique ainsi qu’à leurs coûts humains". Art engagé en vue… L’artiste donnera une conférence ce même soir à partir de 18 h.
– Le sixième symposium de la Fondation Derouin se poursuit jusqu’au 8 septembre à Val-David. Cette année, le titre est Espace et densité. Du jeudi au dimanche, le visiteur aura accès aux oeuvres in situ réalisées par Jérôme Fortin, Nathalie Levasseur, Sonia Robertson, ainsi que par le duo composé d’Andrée-Anne Dupuis et de Laurent Lamarche. L’événement atteindra son point culminant le 7 septembre, à 14 h, dans une conférence de l’historien Yvan Lamonde intitulée Culture et américanité. Une table ronde suivra. Y seront présents: François-Marc Gagnon, historien de l’art et directeur de l’Institut de recherche en art canadien, Michel Gonneville, compositeur de musique contemporaine, et Pierre Nepveu, écrivain.
Renseignements: (819) 322-7167
Erratum
La semaine dernière, des erreurs se sont glissées dans notre texte à propos de l’exposition sur les arts indisciplinés au Musée du Château Dufresne, à laquelle participait entre autres l’artiste Richard Greaves (et non Graves). La photo publiée était celle d’une oeuvre sans titre de Félicien Lévesque (et non d’Honoré Hunt), réalisée entre 1980-1985. Nos excuses auprès des deux artistes.