Enrique Jezik et Teresa Margolles : La liberté ou la mort!
Arts visuels

Enrique Jezik et Teresa Margolles : La liberté ou la mort!

ENRIQUE JEZIK et TERESA MARGOLLES, participants à l’échange Québec-Mexique LASCAS, exposent deux oeuvres percutantes à l’Oil de poisson: une carte du Canada tronquée et des vapeurs de cadavre.

L’artiste mexicain Enrique Jezik arrive au Québec sous les traits de l’artiste libérateur. Référendum 2002, c’est une intervention unilatérale faite à coup de scie mécanique directement sur les cimaises de la galerie de l’Oil de poisson. Aussi simple qu’efficace: une carte du Canada dessinée au mur sur laquelle l’artiste a découpé la partie représentant le Québec et l’a déposée quelque part dans l’océan Atlantique… "What you see is what you see", comme nous le rappelle la maxime classique du minimalisme. C’est l’aspect matériel de l’oeuvre qui nous intéressera le plus. Sous le mur blanc, on découvre l’envers du décor: des pans de laine isolante gisant par terre, les structures de métal, les planches de bois dévoilées par l’intervention de l’artiste! Une partie du mur caché qui se révélerait, on s’en doute, la même partout… Malgré le discours politique primaire ou peut-être même justement parce que cette prise de position est manifeste et sans ambiguïté, l’oeuvre produit un superbe impact. Elle suscite la discussion. On pourra s’interroger sur la pertinence et les dangers de l’appropriation. Sans compter que nous savons que la pensée progressiste et l’indépendance du Québec ne forment pas toujours un couple uni…

Accompagne Référendum, un ensemble d’humidificateurs blancs déposés au sol qui dégage une odeur nauséabonde, s’apparentant à celle du formol et du vinaigre, une odeur qui monte au nez dès notre entrée dans l’espace: c’est L’Eau de Mexico selon Teresa Margolles. Mais ce n’est pas l’eau que boivent les habitants de la mégapole, mais plutôt de l’eau usée provenant d’une… morgue de Mexico. Difficile. Cependant, ce n’est que lorsque l’on apprend de quoi il s’agit qu’on est vraiment outré. Teresa Margolles utilise souvent des vêtements, des morceaux de chair et autres restes humains. Singulière préoccupation; étranges matériaux. L’Eau de Mexico est une proposition peut-être moins évidente que Référendum 2002, mais n’en est pas moins fondamentalement politique. Membre du groupe SEMEFO, un groupe de death métal rock et de performance underground, Teresa Margolles travaille depuis une dizaine d’années à partir de restes humains et exhume son matériel le plus souvent à la morgue, ce lieu baromètre des inégalités sociales et de la violence politique: assassinés, accidentés, morts abandonnés, sans famille et autres corps destinés à la fausse commune s’y retrouvent, tel qu’on pouvait le lire dans un texte paru dans le numéro 104 de la revue Parachute. Quand on pense que lors de la 7e Biennale de La Havane en novembre 2000, Teresa Margolles a étendu de la graisse de cadavre sur des murs de bâtiments de la capitale cubaine, réjouissons-nous de n’en avoir ici que les vapeurs.

Jusqu’au 29 septembre

À l’Oil de poisson

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Bloc-notes
Jana Sterbak à la Biennale de Venise
Bonne occasion pour souligner la nomination de cette artiste à la prochaine Biennale de Venise dont ce sera la 50e édition à l’été 2003. Parce que l’oeuvre de Teresa Margolles, dont nous parlons plus haut, nous a rappelé cette fameuse pièce qui a fait connaître Sterbak, Vanitas, robe de chair pour albinos anorexique (1987), une robe faite de morceaux de viande, dont l’achat par le Musée des beaux-arts du Canada avait presque des odeurs de scandale. Intéressant aussi de souligner cette nomination, puisque dans sa déclaration à l’annonce de sa sélection, Jana Sterbak, artiste montréalaise d’origine tchèque, rappelle qu’il est rare que quelqu’un qui n’est pas originaire d’un pays le représente dans un événement d’envergure comme la Biennale de Venise: "Cette situation reflète bien la tolérance multiculturelle et les sentiments démocratiques très concrets qui font partie intégrante de la perspective canadienne." Plus loin, on peut lire: "Ma vision de ce pays est étroitement liée à l’héritage laissé par Pierre Elliott Trudeau…" Cela nous rappelle qu’il serait vraiment "dommage", malgré les fantasmes d’Enrique Jezik, d’amputer le plus meilleur pays du monde…

Des performances, encore des performances
La Rencontre internationale de performance de Québec 2002 se termine en fin de semaine. Les quatre prochains jours, soit du 12 au 15 septembre, c’est l’Autre Caserne de Limoilou qui accueille des artistes qui viennent – vraiment – des quatre coins du monde. Même si parfois il faut s’armer de patience, on y passe le plus souvent de très bons moments. Troublant, poétique, exigeant. Dès 20 h chaque soir.

Quotidien et autres considérations
Les ateliers de la Mezzanine sis au complexe Méduse inaugurent leur espace d’exposition avec la présentation des oeuvres de Steven Neill. Décloisonnement, échange, ces ateliers sont un espace de création dont on a pu apprécier à plusieurs reprises les productions. À voir, jusqu’au 20 septembre.