World Press Photo : La force des images
Arts visuels

World Press Photo : La force des images

Le célèbre et très respecté concours du World Press Photo expose ses lauréats toutes catégories à la Maison de la culture Plateau-Mont-Royal. À travers les 200 images sélectionnées, le public peut faire un véritable survol des tendances actuelles en photojournalisme.

Le photojournalisme peut-il vraiment avoir un impact profond sur le public? Une image peut-elle réellement conscientiser les gens à des situations de famine ou de guerre qui ont lieu à l’autre bout de la planète ou même simplement à des conditions de pauvreté ou de détresse existant dans leur propre pays? Pour le photographe et journaliste danois Eric Refner, cela ne fait aucun doute: "Je ne ferais pas ce métier si je ne croyais pas en la force des images et même à leur impact sur le plan politique."

Refner est le grand gagnant du célèbre et très respecté concours du World Press Photo – organisme créé en 1955 aux Pays-Bas – dont on peut voir les lauréats toutes catégories à la Maison de la culture Plateau-Mont-Royal. À travers les 200 photos qui ont été sélectionnées parmi un total de 49 000 proposées par 4000 photographes provenant de 123 pays, ce concours permet de voir où en est ce genre d’image qui a malheureusement de nos jours moins la côte dans les journaux et les revues après de belles époques comme celle de la guerre du Viêt Nam.

Les médias eurent droit alors à une grande liberté et publièrent des images-chocs ayant fait l’histoire, comme cette photographie de Nick Ut montrant une petite fille de neuf ans – Phan Thi Kim Phuc – fuyant nue et le corps brûlé son village bombardé au napalm à la suite des ordres de l’armée américaine. Depuis, le gouvernement des États-Unis a retenu sa leçon et contrôle mieux les médias, appelant même ceux-ci à un devoir de censure patriotique!

Et puis, les journaux télévisés n’ont-ils pas dévalorisé un peu plus ce type d’image? "Je crois que c’est encore la photo qui produit les meilleures images documentaires des événements se déroulant à travers le monde et que ce sont elles qui resteront dans la mémoire collective. La photo, par sa nature d’image fixe, permet aux spectateurs d’être confrontés et de réfléchir plus sérieusement aux incidents qui surviennent", de dire Refner.

Il faut dire que celui-ci prend son métier très au sérieux. Pour réaliser son image lauréate, il a passé deux semaines dans le camp surpeuplé de Jalozaï au Pakistan où 80 000 Afghans ont trouvé refuge dans des conditions de vie abominables. Sa photo primée montre le corps d’un petit garçon mort de déshydratation que l’on prépare pour ses funérailles. Au moment où de plus en plus d’artistes s’inspirent de la photo documentaire – Rineke Dijkstra, Andreas Gursky, Richard Billingham… -, il est bon d’aller voir de plus près ce que ce genre photographique produit comme images. À voir cette photo de ce garçonnet, j’ai pensé aux effrayants clichés d’Andres Serranno sur la morgue. Bien que Refner ne se considère pas comme un artiste, on se doit de reconnaître les grandes qualités de son travail.

On ne pourra cependant pas dire la même chose de toutes les images présentées à la Maison de la culture Plateau-Mont-Royal. Certaines catégories proposées par le World Press Photo, comme celle qui concerne les sports, me semblent l’occasion de produire des images tout juste distrayantes. D’autres frôlent l’exotisme.

L’amateur qui apprécie le photojournalisme sait comment ce genre a ses limites, tourné trop souvent vers des catastrophes hors du monde occidental. En faisant le tour de cette expo, le visiteur remarquera comment le malheur est représenté comme étant de l’ordre de l’ailleurs: Algérie, Inde, Palestine, Mexique… De telles images sont-elles là pour nous réconforter et nous dire que nous sommes du bon côté de la planète?

Une stupéfiante surprise cependant nous attend dans cette présentation: les insoutenables images de Richard Drew et David Surowiecki. Celles-ci, prises au téléobjectif, montrent des individus qui, le 11 septembre 2001, ont sauté du World Trade Center en feu, préférant s’écraser au sol que mourir brûlés par les flammes ou étouffés par la fumée… Ces deux photos doivent nous faire penser à un article paru peu après le 11 septembre dans le journal Le Monde dans lequel son auteur, Michel Guerrin, se demandait pourquoi les médias avaient si peu montré les blessés et les morts de cette tragédie. Pourtant, ces mêmes médias – surtout télé – n’hésitent guère à exhiber les images des morts du tiers-monde… Signe d’une Amérique qui s’autocensure, qui ne veut pas se représenter vaincue et qui préfère aux images de ses morts celles de ses pompiers, policiers ou même citoyens sortant vivants des ruines fumantes?

Alors on se dit qu’en effet, les images ont vraiment un impact et que le choix de celles qui font les machettes n’est jamais totalement le fruit du hasard.

Pour obtenir plus d’information sur ce concours et ses gagnants, on peut visiter le site www.worldpressphoto.nl/winnerList.jsp.
Jusqu’au 29 septembre
Maison de la culture Plateau-Mont-Royal

à signaler
Ce soir, 12 septembre, de 19 h à 21 h a lieu le vernissage de l’exposition Au regard du paysage montée par le commissaire torontois Gregory Salzman au Centre des arts Saidye Bronfman (5170, avenue Côte-Sainte-Catherine). Un événement qui s’annonce très intéressant avec des oeuvres de 16 photographes connus du Canada et de l’étranger: Jean-Marc Bustamante, Stan Douglas, Felix Gonzalez-Torres, Rodney Graham, Roni Horn, Geoffrey James, Sherrie Levine