Alexandre David au MAC : Le monument moderne
… L’installation d’Alexandre David au Musée d’art contemporain (MAC) est une oeuvre radicale, d’une pureté et d’une simplicité déroutantes. L’exposition Génération Montréal, ville peinture offre un panorama pictural d’une vingtaine de jeunes artistes.
Est-ce un podium qui trône devant ce mur? Ou plutôt un socle sur lequel sera posée une sculpture? À moins qu’il ne s’agisse simplement d’une étagère de présentation attendant un artefact muséal? Non, ce n’est rien de tout cela, même si on pourrait le penser… L’installation d’Alexandre David au Musée d’art contemporain (MAC), composée principalement de parallélépipèdes blancs accrochés au mur, résiste à notre regard.
Voici une oeuvre radicale. D’une pureté et d’une simplicité déroutantes qui ne sont pas sans évoquer le parti pris des peintures blanches que Stéphane LaRue exposait dans la même salle du MAC au printemps 2001. Quelle mouche a donc piqué cette génération de créateurs? Quelle quête de pureté les motive? Mais est-ce bien de pureté dont parle David?
Même si Alexandre David ne veut pas trop que son travail soit comparé à celui des minimalistes (Carl Andre, Sol LeWitt, Robert Morris…) qui avaient créé dans les années 60 et 70 un art digne d’une épure, le rapprochement est inévitable. Son installation fait penser en particulier aux tablettes accrochées au mur de Donald Judd. Mais à la différence de LaRue et des minimalistes, David propose une oeuvre qui tisse des liens avec d’autres images, avec d’autres types de présentation: podium, socle et même sarcophage… On se demande bien ce que ces formes contiennent, mettent en valeur ou mettent au tombeau!
David réfléchit sur les recherches formalistes de toute une époque en les retournant comme une chaussette. À l’hermétisme de sens – que l’on a souvent reproché aux minimalistes – il oppose un réseau de liens et de sens possibles. Il interroge la signification culturelle de la pureté des formes modernes. Par exemple, les structures font penser à des maquettes de bâtiments; cette référence est appuyée par la présence à l’entrée et à la fin de l’installation de dessins photographiés représentant des structures architecturales.
C’est donc tout le projet moderniste – de la peinture abstraite à l’architecture géométrique (comme celle de Mies van der Rohe) – qu’il interroge. Son travail serait presque de l’ordre de la psychanalyse des formes. À la résistance interprétative minimaliste et moderne où tout est dans le "ici" et le "maintenant", David oppose la nécessité de l’interprétation par association. Les formes mènent à d’autres formes: celles que l’inconscient et l’histoire y projettent. Ses boîtes sont comme des blocs magiques emplis d’un sens à faire surgir.
David s’inscrit alors dans une autre tradition moderne qui veut exhiber – le mot est juste – les structures d’exposition de l’art mais aussi les enjeux de l’esthétique moderne. Avec ces socles-podiums, il montre comment les musées et les galeries donnent à voir, d’une manière qui est loin d’être neutre, les oeuvres qu’elles présentent. Le Français Daniel Buren est l’un des meilleurs exemples de cette attitude. Voilà une démarche importante. Elle tente de faire voir au spectateur comment le sens de l’oeuvre provient autant de ce qu’elle dit intrinsèquement que du cadre de présentation qui s’empare d’elle, mais auquel elle résiste parfois. Le travail de David est de cet ordre-là: entre association étonnante d’idées et résistance aux mécaniques habituelles de représentation de l’art et du social.
Jusqu’au 3 novembre
Musée d’art contemporain
Panorama pictural
Sur le boulevard Saint-Laurent, juste au-dessus de la Galerie Simon Blais, se tient une exposition de 20 artistes montréalais montée par Marc Séguin. Génération Montréal, ville peinture permet de voir deux récentes toiles de Séguin ainsi que celles de peintres eux aussi déjà bien reconnus, tels Sylvain Bouthillette ou Stéphanie Béliveau. Mais c’est avant tout pour montrer de la jeune peinture réalisée par de jeunes créateurs peu connus que Marc Séguin a voulu cette exposition. Quoique les oeuvres sont assez inégales et parfois trop centrées sur l’expression d’une angoisse existentielle un peu facile – défaut souvent présent chez de jeunes artistes qui veulent démontrer toute l’intensité de leur être et de leur travail -, cet événement permet néanmoins de faire un survol pictural d’une vingtaine d’artistes dont certains sont prometteurs.
Parmi ces créateurs moins reconnus, j’en retiendrais quelques-uns. Le travail d’Adrian Williams et surtout la pièce intitulée To Men She Has Loved with Only her Eyes (1 minute of them). Il s’agit d’une mosaïque de petits dessins ressemblant à des faïences hollandaises bleues sur fond blanc. Formidable est aussi sa pièce Sailor avec sa série de cerfs-volants. Certains pourront reprocher à Williams le fait qu’il travaille à la limite du décoratif. Mais il parvient toujours, entre autres par ses titres, à donner une profondeur psychologique supplémentaire à ses images. Moins originale est cependant la pièce Dreams of the Sleeping avec son faux gazon en fausse fourrure qui est d’un kitsch un peu trop vu.
Max Wyse, même s’il fait penser parfois à Léon Golub, présente un travail original avec des rencontres spatiales et narratives étonnantes. Là encore il y a un désir de créer un surplus d’émotion, mais les liens entre les différents éléments sont assez étonnants pour résister à une lecture trop simpliste.
Éliane Excoffier, dont nous avions déjà pu apprécier le travail photographique à la Galerie Observatoire 4, propose quant à elle une série de dessins réalisés avec du fusain et de la cire. Ils rappellent un peu la manière noire de Séguin tout en ayant un caractère bien marqué. J’ai aimé en particulier le dessin montrant une femme les bras écartés. D’une grande intensité, sans ostentation.
De Paul Zacharias, je retiendrais surtout la pièce I’m Afraid of the Dark without You Close to Me qui est la meilleure des peintures des trois qu’il expose. Plus épurée que les autres, elle montre un talent certain.
Jusqu’au 19 octobre
5420, boulevard Saint-Laurent, 2e et 3e étage
Du mercredi au samedi de 11 h à 18 h
à signaler
Le samedi 12 octobre, de 16 h à 18 h, il ne faut rater sous aucun prétexte le vernissage qui aura lieu à la Cinémathèque québécoise (335, boulevard De Maisonneuve Est). Sera inaugurée la présentation de trois installations de Michael Snow en provenance de la collection du Musée des beaux-arts d’Ottawa. Ces pièces seront exposées jusqu’au 27 octobre et accompagneront durant toute la semaine un cycle de présentation de films du célèbre artiste. Parmi les projections, notons, toujours ce 12 octobre, à 18 h 30, celle du film Région centrale, réalisé en 1971, et qui est une des grandes réalisations de l’artiste. Une occasion de faire un bilan de la carrière de Snow. Je vous en reparle bientôt.