Sam Taylor-Wood : Références artistiques
Arts visuels

Sam Taylor-Wood : Références artistiques

À 35 ans, l’artiste anglaise Sam Taylor-Wood a déjà une longue expérience et plusieurs prix prestigieux derrière elle. Le Musée d’art contemporain présente une exposition qui nous montre les points forts et les points faible de sa  production.

Voici une expo qui pose problème. Visuellement, c’est très fort. Certaines oeuvres sélectionnées occupent l’espace des salles de Musée d’art contemporain avec une présence que l’on voit rarement. Il faut dire qu’à 35 ans, l’artiste anglaise Sam Taylor-Wood a déjà une longue expérience: récipiendaire du célèbre Turner Prize, prix de l’artiste la plus prometteuse à la Biennale de Venise en 97, membre des Young British Artists (YBA) qui se firent connaître par la très spectaculaire exposition Sensation

Malgré l’indéniable qualité des dispositifs visuels développés par Taylor-Wood au cours de sa carrière, je dois dire mon agacement devant l’usage très répétitif qu’elle fait des citations. Cela fait penser aux années 80, dans ce qu’elles avaient de plus superficiel.

Je ne vois pas toujours en quoi ces reprises ajoutent de la signification réelle à la lecture des oeuvres ainsi citées ou même aux oeuvres ainsi créées. Là, dans telle photo, Taylor-Wood utilise le Christ mort (avec son corps vu en raccourci) de Mantegna; ici, dans telle autre cliché, elle récupère le Christ au tombeau (vu de côté) d’Holbein. Se rajoutent ailleurs une citation de la Pietà de Michel-Ange et une autre de La Vénus au miroir de Vélasquez… Le sujet de la Dernière Cène est aussi repris avec une femme, les bras ouverts en croix, entourée d’une douzaine d’individus. S’il s’agit d’une lecture féministe, elle est un peu simple…

Et cela ne s’arrête pas là: sa série des Soliloquy – amorcée en 1988 par une réactualisation de la Mort de Chatterton du peintre Henry Wallis – a la structure très remarquable des retables, avec une grande image surmontant une bande visuelle. Un art très pratique pour les profs d’histoire de l’art ou d’art au cégep afin d’exercer leurs étudiants à reconnaître les grands maîtres… Une photo d’un paysage très romantique côtoie une vidéo montrant une nature (très) morte, incarnée par un panier de fruits se décomposant en accéléré (durant 3 minutes 44) et qui reprend une idée qu’entre autres le cinéaste Peter Greenaway a développée dans son film A Zed and Two Noughts. Côté cinéma, la critique a souvent vu, avec raison, comment les vidéos et films de Taylor-Wood évoquent Cassavetes et Scorsese. À ce dernier, elle rend d’ailleurs clairement hommage puisque son immense photo XV Seconds porte aussi le sous-titre After Scorsese et ce, même si l’esthétique générale nous ramène encore à Greenaway – mais cette fois à celui du Ventre de l’architecte…

Voici donc un art du clin d’oeil qui frôle souvent le name-dropping. Les vedettes des médias se côtoient d’ailleurs dans ses plus récentes oeuvres: la chanteuse Marianne Faithfull, l’acteur anglais Ray Winstone… Voilà une oeuvre très branchée. Taylor-Wood a réalisé le clip d’Elton John pour sa chanson I Want Love avec l’acteur Robert Downey Jr. Le même Elton John posant d’ailleurs dans l’image XV Seconds, la photo la plus grande du monde (20 m x 281 m). Doit-on y voir le signe d’un art académique bourgeois très branché qui a des références et qui sait bien citer les classiques? Mariée au très influent marchand d’art Jay Jopling (fils du ministre lord Jopling), qui représente plusieurs des YBA, Taylor-Wood ne semble pas embêtée par le réseau culturel très sophistiqué et très riche qui entoure son travail.

Elle justifie la place qu’elle accorde aux vedettes dans ses oeuvres en répondant que "tous les artistes, de la Renaissance jusqu’à Gainsborough, ont eu recours à des individus importants dans la société de leur temps comme sujets. Je pense que les gens d’aujourd’hui sont un peu désabusés à cet égard"… Il faudrait pourtant ne pas oublier comment l’art a essayé de se libérer des donateurs et autres patrons riches qui y avaient recours comme faire-valoir. Il ne faudrait pas non plus oublier comment un des grands apports de l’art moderne – depuis au moins Courbet – a été de se détourner des grands sujets et des grands de ce monde pour aller vers le banal, le quotidien et le peuple afin de traiter de la condition humaine…

Pourtant, malgré ce défaut majeur, certaines pièces de Taylor-Wood sont totalement réussies. Telle la vidéo Brontosaurus montrant un homme flambant nu qui danse au ralenti, son sexe exécutant une chorégraphie étrange. Ce type d’image est totalement inusité dans la présentation du corps masculin en art et est très contemporain du travail du danseur et chorégraphe Boris Charmatz. Le tout est accompagné d’une musique qui vous sera peut-être familière, un adagio de Samuel Barber qu’Oliver Stone a utilisé dans Platoon et David Lynch dans Elephant Man, deux films où l’identité masculine héroïque se trouve déconstruite. Le film Third Party, qui recrée l’ambiance très décousue d’une soirée, est aussi impeccable. Ne serait-ce que pour ces deux réalisations, voilà une expo à expérimenter.

Jusqu’au 12 janvier
Au Musée d’art contemporain

La force du dessin
Ed Pien – un des artistes qui a le mieux tiré son épingle du jeu à la Biennale de Montréal cette année – propose, à la Galerie Pierre-François Ouellette, une expo de dessins. Voilà qui pourrait presque faire de l’ombre à cette Biennale portant sur le même sujet. Parmi les cinq artistes invités par Pien, retenons le Néerlandais Roland Sohier, artiste dans la cinquantaine qui réalise un art au croisement de Félicien Rops et de James Ensor. Sa danse macabre, tout à fait décadente, est très 19e siècle, et très fin de siècle.

L’Ontarien Christopher Lori nous présente, comme souvent Pien sait le faire, une vision de l’enfance un peu moins angélique. Des gamins y tuent des monstres et s’adonnent à des jeux ayant des connotations sexuelles. Il s’agit d’esquisses pour un film d’animation qui promet. Quant à Pien lui-même, il exhibe deux séries: des Rites cannibales et des Fairy Girls mettant en scène des êtres toujours aussi fabuleux.

Jusqu’au 27 octobre
À la Galerie Pierre-François Ouellette

à signaler
Voilà un encan à ne pas rater. Pour sa quatrième édition, la Vente de garage photo fera aussi place à des peintures, des sculptures et des dessins. L ‘amateur pourra se procurer pour une bouchée de pain (pour certaines oeuvres, les enchères débuteront à 2 dollars!) des oeuvres d’artistes aussi connus que Peter Krausz, Gilbert Duclos, Marc Séguin, Tshi… De nombreux jeunes artistes prometteurs seront aussi de la fête: Siphay Southidara (Yso), Éliane Excoffier… On pourra voir les oeuvres le 18 octobre, entre 18 h et 22 h et les 19 et 20 octobre, entre midi et 18 h. On se rend au 305, rue de Bellechasse, métro Rosemont. Renseignements: 844-5922.