Suzor-Coté, 1869-1937, Lumière et matière : Mon vingtième siècle
Arts visuels

Suzor-Coté, 1869-1937, Lumière et matière : Mon vingtième siècle

Retour sur notre patrimoine oblige, l’exposition rétrospective de Suzor-Coté nous fait connaître l’oeuvre d’un grand artiste d’ici. Bonheur tranquille et rivières en  débâcle.

Au moment où, dans les années 1920, Suzor-Coté peignait ses nus pudiques, Pablo Picasso avait déjà peint les Demoiselles d’Avigon (1907); à New York, Marcel Duchamp avait déjà présenté son urinoir à l’Armory Show de 1917; et Max Beckmann (auquel le Centre Pompidou consacre une importante et fascinante exposition cet automne), troublé par son expérience de la Première Guerre, peignait avec fougue et violence, le trouble et le doute. Mais, oubliez tout cela. Suzor-Coté, "c’est le peintre du bonheur", pour reprendre une expression du commissaire de l’exposition, Laurier Lacroix, qui a fait un travail remarquable et qui signe les textes d’un imposant volume de 383 pages sur le peintre d’Arthabaska. Peintre du bonheur donc, Suzor-Coté. Un peintre talentueux, ambitieux et fier qui a marqué le début du XXe siècle et qu’on identifie, avec la commodité des catégories, comme un peintre post-impressionniste, un peintre du portrait, de la nature, du paysage. Et c’est d’ailleurs cette dernière catégorie qui suscite le plus d’intérêt, parce que c’est dans ses nombreux tableaux inspirés de la région d’Arthabaska, où il est né en 1869, qu’on retrouve toute la modernité de son oeuvre: son attention pour la matière picturale, sa capacité à observer la nature, à peindre en plein air, en rendant avec beaucoup de poésie les ombres bleutées sur la neige, la froideur de l’eau d’une rivière en débâcle, un coucher de soleil de janvier; l’hiver. Ces nombreux paysages hivernaux valent à eux seuls une visite au Musée, bien davantage que les nus dont l’intérêt nous semble incertain.

On appréciera donc les 140 oeuvres qui nous plongent dans l’univers de Suzor-Coté. Passage obligé, on verra plusieurs tableaux académiques, plusieurs oeuvres réalisées lors de ses séjours à Paris, pendant lesquels d’ailleurs il a exposé au Salon (notamment à celui de 1901) où son passage sera souligné par une mention d’honneur. Lumière et matière nous fait certes apprécier sa peinture, l’attachement à Arthabaska dont il a peint les paysans, réalisant une galerie de portraits que nous découvrons sur les cimaises du musée de la Grande Allée. Cette dernière exposition sur un des précurseurs de la modernité au Québec et au Canada fait "avancer la connaissance", comme le soulignait John R. Porter, le directeur du Musée du Québec. Mais, il faut bien avouer que le Musée du Québec présente souvent des expositions d’oeuvres du début du siècle et a manifestement un faible pour une certaine peinture, qu’on pense seulement à l’exposition de Tissot ou à celles des chefs-d’oeuvre impressionnistes du Musée des beaux-arts du Canada. Ces expositions sont devenues monnaie courante quoiqu’il s’agisse quand même ici, il faut en convenir, comme on l’a souvent dit à propos de Suzor-Coté, d’un peintre du terroir. Mais, parfois, on se demande si les musées ne sont pas peut-être en train d’épuiser l’art du début du XXe siècle… En fait, un "certain XXe siècle". Pas celui des expressionnistes allemands ou celui des surréalistes. La preuve? Le Musée du Québec présentera à nouveau du Rodin au printemps 2005 avec La Rencontre de deux destins: Camille Claudel et Auguste Rodin, comme on l’annonçait en grande pompe récemment, en mettant de l’avant cette fois – histoire de stimuler l’intérêt pour les oeuvres provenant en grande partie du Musée Rodin de Paris – la vie personnelle des artistes.

Jusqu’au 5 janvier 2003
Au Musée du Québec
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