Benoit Woo : Problème d’anatomie
On voudrait bien que ce soit de la fiction, de la mise en scène. Mais, il n’en est rien. Être voyeur chez Vu.
Les photographies de Benoit Woo sont bel et bien les témoins d’explorations intimes où il met à l’épreuve les limites de son propre corps, jouant sur son identité sexuelle. Des sujets proprement féminins: défloration, menstruation, allaitement, autant de "rituels" qu’il s’approprie en travesti et dont il fait un étalage. Il presse le bout d’un de ses seins avec une épingle à linge de bois pour y faire sortir du lait (sic) ou bien nous montre l’incursion qu’il expérimente avec un godemiché (également en bois) qu’on imagine tout droit sorti du XIXe siècle… Tantôt, il se fait plus soft, en photographiant des poupées, ou bien nous propose un autoportrait en androgyne au repos; une pose bien méritée! Tout cela est – on en conviendra entre nous – "un peu" tordu. Certaines photographies nous apparaissent difficilement supportables et l’est encore davantage la bande vidéo où on le voit en pleine action. Mais, cela, c’est notre point de vue de spectateur. Pour lui, il en est autrement: "On a tendance à croire que c’est difficile, mais c’est une douleur agréable…" explique le principal intéressé. Inutile de préciser que Benoit Woo parvient, par ce travail d’exhibition, à transgresser les tabous et les préjugés. Il ne veut surtout pas choquer ou provoquer. Comme on peut le lire dans le communiqué: "Sa démarche révèle la différence qui existe entre notre être social et notre individualité privée…" Présenter ce travail photographique a exigé qu’il "mette son ego de côté". Pour lui, c’était une de ses tâches principales.
Techniquement impeccables, ces grandes photographies noir et blanc témoignent avec une volonté d’exactitude de divers rituels qu’il nous dévoile: "Ce sont des sujets intimes, précise-t-il, mais j’ai essayé d’avoir un traitement proche de l’image scientifique. […] Je prends la photographie comme un moyen efficace et direct." Il utilise la photographie "parce qu’elle est censée montrer des choses vraies". Elle est en quelque sorte la trace de ses performances. Cet artiste d’origine chinoise vit et travaille à Québec et poursuit des études universitaires multidisciplinaires après avoir terminé depuis 1994 des études en photographie au Collègue Dawson de Montréal. Il signe, sous le pseudonyme de Marie-Ève (sa propre Rrose Sélavy?), un texte où il explique comment il "joue à la maison". "J’ai repris contact avec certains souvenirs d’enfance. J’ai laissé mes fantasmes grandir et prendre formes. C’est à la fois personnel et ça relève aussi des archétypes." Mariette Bouillet – qui a réalisé un court métrage sur l’histoire de la famille Woo et de la communauté chinoise à Québec intitulé Mister Woo – écrivait dans la revue Inter en 1999: "Il ne s’agit pas de la contemplation narcissique de l’artiste de sa propre image, mais de l’évocation même de l’indéfini, de l’ambivalence du trouble identitaire." Outre la qualité des tirages qu’il a réalisés dans les laboratoires de Vu, ses photographies témoignent d’un engagement personnel exceptionnel et son travail s’inscrit à la fois dans les problématiques récentes de l’art (tout cela invite à lire Mauvais Genres. Érotisme, Pornographie, Art contemporain, de Dominique Baqué, paru aux éditions Regard). Son travail de performance s’inscrit dans la tradition puisque Woo utilise son corps en digne descendant des artistes du body art, avec au surplus une charge autobiographique et un abandon teinté d’une certaine candeur.
Jusqu’au 10 novembre
Chez Vu
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Bloc-notes
Bleu chez Rouje
À l’autre extrémité du spectre des possibles qu’offre la photographie, Jocelyn Michel, formé lui aussi au Collège Dawson, expose ses explorations chez Rouje. Photographe pour Voir Montréal, Hour et L’Actualité, Jocelyn Michel fait partie de la nouvelle génération de photographes. Non seulement ils photographient, mais ils prennent en charge les retouches et la conception graphique de l’image. Michel nous propose des images réalisées avec le logiciel Photoshop. "Ce sont des constructions dans la veine publicitaire, explique-t-il, des exercices visuels et des montages esthétiques. Mais, pour moi, ça reste des oeuvres." Un travail d’exploration personnelle, très léché mais percutant qui témoigne de l’utilisation de la technologie de pointe autant à l’égard du traitement de l’image que de son impression. Leur prochaine escale: dans le hall de l’agence publicitaire Cossette. Pour les mordus de Photoshop et cie. Bleu se poursuit jusqu’au 3 novembre.
Du Temps pour soi
Elmyna Bouchard est une des artistes de la "relève" en estampes au Québec. La galerie Madeleine Lacerte présente ses travaux récents. Vernissage, le vendredi 25 octobre à 17 h. L’exposition se poursuit jusqu’au 14 novembre.