Jessica Diamond : La mécanique des fluides
Arts visuels

Jessica Diamond : La mécanique des fluides

Dans le cadre de son projet Zone libre qui donne carte blanche à de jeunes artistes contemporains, le Musée des beaux-arts de Montréal présente les oeuvres de l’artiste américaine JESSICA DIAMOND. Un regard à la fois poétique et  politique.

C’est l’artiste américaine Jessica Diamond qui est la quatrième invitée du conservateur Stéphane Aquin dans le cadre du projet Zone libre au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM).

Zone libre permet à des artistes contemporains de présenter leurs recherches visuelles. Au cours de sa carrière de plus de 20 ans, Jessica Diamond a développé un regard à la fois poétique et politique (critiquant la mainmise de l’argent sur notre monde et aussi sur l’art) très efficace, qui justifie totalement l’attention que lui porte le Musée.

Malheureusement, voilà une expo qui aurait pu être envoûtante, mais qui rate son objectif. Au MBAM, Diamond souhaitait offrir une expérience très sensuelle, réfléchissant sur les mystères de la vie et des attirances physiques. Mais son expo intitulée Éros (pluie) est tout juste mystico-sexuelle.

Diamond – affirme le communiqué de presse – s’inspire "d’un manuel de météorologie taoïste du 19e siècle dans lequel l’éclatement des nuages sous forme de pluie se veut une métaphore de l’orgasme humain". Certes, il est vrai que la pluie ou l’orage peuvent exalter le corps et lui transmettre des états de moiteur et de tension presque électrique. Cependant, dans ces peintures murales presque immatérielles, sans texture et désincarnées, il ne reste de ces expériences-là que des nuages prenant la forme de fentes ou de phallus. Le bleu très profond du ciel devient alors, selon l’artiste, "comme un espace à pénétrer"…

Même la première pièce – une des meilleures -, qui montre des nuages laiteux formant un point d’interrogation, avec quelques invaginations, est trop forcée. Dans le même genre d’idée – mais bien plus réussie -, citons une photo montrée lors de l’exposition Cosmos dans ce même Musée des beaux-arts. L’image, signée Sarah Holt, donnait à voir la lune, captée du pont d’un voilier, et qui, grâce à l’aide du mouvement des vagues et de quelque mystère (naturel?), avait inscrit le mot Why sur la pellicule photographique. Ce Why dans le ciel obscur avait une résonance bien plus inquiétante que ces quelques formes génitales que le ciel semble prendre pour Diamond.

Jusqu’au 26 janvier
Au Musée des beaux-arts

Toucher le réel
Trois photos. Juste trois photos? Yan Giguère, qui nous a habitués à des constellations ou des séries d’images dans ses expositions, a choisi cette fois d’épurer sa présentation. À la Galerie B-312, il montre trois images très réussies dont une absolument exceptionnelle. À elle seule, elle aurait pu constituer l’exposition.

En effet, la plus surprenante des trois images est sans conteste celle montrant des planches de contreplaqué. Qu’un simple panneau de plywood devienne une photo si merveilleuse, voilà qui tient presque du prodige et montre l’habileté de l’artiste. Au premier coup d’oeil, cela miroite comme de la soie. On s’approche et les noeuds du bois sont comme les points saillants d’un texte en braille. Que lire dans cette image?

Yan Giguère participe avec brio à cette esthétique photographique actuelle au Québec (avec Nicolas Baier, Alain Paiement…) qui pose un regard à la fois réaliste et poétique sur notre quotidien. En photo, il y a souvent une perte de la matérialité tactile des objets montrés due au fini uniforme de la surface du papier photographique. Plusieurs artistes très picturalistes ont tenté d’y remédier par des jeux de texture en surface de l’image. Giguère ramène ici encore plus de réel dans l’acte photographique en faisant sentir une gamme de textures inusitées.

L’image de personnages faisant de la luge est aussi un moment de bonheur où la nature nous offre de perdre pied. Ce cliché est un digne héritier du travail de Raymonde April. Dans le désordre de la chute, on ne sait plus à qui appartiennent les pieds et les mains que l’on voit. On se prend même un moment à imaginer que c’est nous, spectateurs, qui sommes plongés dans ce tourbillon de neige et de corps!

Jusqu’au 9 novembre
À la Galerie B-312

Résistance du signe
La peintre Stéphanie Béliveau a un talent certain. Et son actuel solo à la maison de la culture Côte-des-Neiges permet de confirmer ce jugement. Mais je dois aussi dire que devant ses tableaux, j’ai souvent l’impression que l’artiste cherche à insuffler un sens narratif à une peinture qui n’a pas nécessairement besoin de ce détour-là. Un tableau intitulé État de choc montre un homme effondré sur le sol; un autre, L’Exode, donne à voir une femme portant des baluchons…

Du coup, son travail prend souvent un aspect littéral et illustratif. Et ce n’est pas uniquement à cause du choix de ses titres.

C’est pourquoi, dans cette expo, j’ai préféré une série de petites oeuvres aux titres plus énigmatiques et aux poses plus intrigantes. Les personnages y montrent des gestuelles presque dénuées de sens, mais qui parlent d’une peinture résistant au littéraire.

Jusqu’au 17 novembre
À la maison de la culture Côte-des-Neiges