Herzog et de Meuron : Cabinet de curiosités
Récipiendaires en 2001 du prix Pritzker – la plus importante récompense en architecture -, Jacques Herzog et Pierre de Meuron dirigent une firme qui compte plus de 150 collaborateurs réalisant des projets à travers le monde. Le Centre canadien d’architecture donne un aperçu de leur carrière avec une surprenante exposition.
Herzog et de Meuron, ça vous dit quelque chose? C’est une des agences d’architectes les plus courues à l’heure actuelle. Le Musée Tate Modern, qui a ouvert ses portes en 2000 à Londres, c’est eux. Le Musée Young à San Francisco, le prochain magasin Prada à Tokyo, ainsi que l’immense stade de soccer à Munich qui ouvrira en 2005, c’est eux aussi.
Récipiendaires en 2001 du prix Pritzker – la plus importante récompense en architecture qui, depuis 1979, a couronné la carrière des plus grands, tel Philip Johnson -, Jacques Herzog et Pierre de Meuron, tous deux âgés de 52 ans, ont fondé il y a 23 ans une firme qui compte maintenant plus de 150 collaborateurs réalisant des projets à travers le monde. Cela va de petites réalisations, comme l’atelier de l’artiste André Gursky à Düsseldorf ou celui de Remy Zaugg à Mulhouse, à de prestigieux chantiers, tels le Laban Dance Center à Londres ou le très reconnu vignoble Dominus en Californie.
Belle carrière. Mais quel style et quelle attitude se dégagent de leurs réalisations?
L’exposition qu’ils ont montée au Centre canadien d’architecture, avec le commissaire Philip Ursprung, veut montrer leur processus de création. Large mandat!
Ici, ce n’est pas l’architecture elle-même qui est exhibée, mais des liens formels entre leurs bâtiments et des courants artistiques ou des objets naturels. Par exemple, une toute petite maquette de bois côtoie un reliquaire du Moyen Âge, une sculpture de Giacometti et une collection d’insectes… Un univers des formes plutôt que des formes dans l’univers. De toute façon, selon les propos d’Herzog et de Meuron dans le catalogue, "l’architecture ne peut être exposée (…) car l’expérience du lieu reste primordiale". Ils ajoutent: "Tout notre travail repose sur cette idée." Et cela même si "les constructions mieux rendues en photographie s’imposent désormais sur le marché".
Vous n’y verrez donc que peu de photos des bâtiments construits, de plans ou de maquettes finales. Et quand il y a des photos, ce sont celles de photographes célèbres qui offrent leur vision personnelle des bâtiments. Cela donne des résultats parfois étranges, comme cette image signée Jeff Wall montrant le Dominus Winery. Dans un champ, ressemblant à un cimetière de soldats américains en France, se profile au loin une presque imperceptible structure de pierres. Une vision qui ne permet pas une évaluation de la pertinence de l’intervention. Il semblerait que le système de construction – des roches retenues dans un treillis de métal – permette des éclairages inusités… Mais je n’ai pas pu voir un document me permettant d’en juger.
Voilà une exposition qui veut sortir des sentiers battus. Mais la présentation, très proche de l’installation artistique, est-elle une tentative de résister au monde de l’image actue, ou une manière d’accentuer l’aura artistique de leurs créations qui jouent aussi, parfois, selon les règles de l’industrie commerciale branchée? L’art (minimaliste, conceptuel ou land art) qui sert ici de référence n’est pas une garantie de la qualité de vie dans ces bâtiments.
Cette façon de tisser des liens entre divers objets n’est certes pas nouvelle. Elle évoque une idée 100 fois utilisée, celle du cabinet de curiosités. Il ne s’agit donc pas d’une expo qui nous permettra de juger de la qualité de leur architecture. Et cela, même si plusieurs éléments – principalement dans les vidéos avant l’entrée dans les salles – énoncent une prise de position intelligente.
Le désir des deux architectes de faire un travail continuellement in situ, une architecture s’adaptant totalement au lieu où elle se réalise, est des plus nobles. Voilà qui change du geste divin de l’architecte moderne qui parachutait dans une ville un bâtiment normalisé.
La salle la plus réussie est celle dédiée à la Bibliothèque d’Eberswalde et à l’usine de Ricola-Europe. Là on peut vraiment juger de l’originalité des projets. Des exemples des panneaux extérieurs couverts d’images sélectionnées par le photographe Thomas Ruff y sont exposés. Très surprenant.
Jusqu’au 6 avril 2003
Au Centre canadien d’architecture
L’art à l’ère de la mondialisation
Faudrait-il se laisser abuser? À la Société des arts technologiques (S.A.T.), 305, rue Sainte-Catherine Ouest, aura lieu le samedi 16 novembre – de 9 h à 13 h – un colloque au titre original. Intitulé Abus mutuel, ou négocier la survivance, cet événement permettra de réfléchir sur "notre rapport aux modèles et au réseau traditionnel de diffusion dans un contexte de mondialisation des marchés et de propension au nationalisme culturel". Tout un programme!
J’ai bien hâte de voir quelles stratégies nous proposeront les divers participants pour franchir le mur du silence du réseau économico-artistique entre les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Pour en discuter, les commissaires de l’événement, François Dion et Marie-Josée Lafortune, ont invité des membres de réseaux parallèles: l’artiste et commissaire d’expositions québécois Emmanuel Galland, l’artiste de Saskatoon Lori Blondeau, l’historienne de l’art française Catherine Grout, le critique d’art mexicain Cuauthémoc Médina, ainsi que la théoricienne de Toronto Randolphe Jeanne. Et comme il est question de réseaux et de mondialisation, le colloque sera diffusé sur le Web. Les internautes pourront poser des questions en direct. Renseignements: www.optica.ca.