Paul Landon : Autoportrait de l’artiste absent
Au Centre de diffusion d’art multidisciplinaire Dare-Dare, l’artiste PAUL LANDON a conçu une installation vidéo et sonore intitulée Inside. Inquiétant.
Paul Landon signe chez Dare-Dare, avec son installation vidéo et sonore intitulée Inside, une oeuvre très proche du dispositif visuel développé avec brio depuis quelques années par l’artiste Claire Savoie: espaces épurés presque vides, petits écrans vidéo enchâssés dans des murs blancs… Étroite parenté qui se poursuit dans les thèmes abordés: difficulté de voir, d’entendre, de saisir par nos sens et notre corps un monde pourtant bien présent.
Décrivons la chose. Ici, quatre écrans placés au centre de quatre murs montrent, en accéléré, le panorama vidéo d’un espace très semblable (le même certainement) à celui où nous nous trouvons. Y siège l’artiste Paul Landon lui-même. On aperçoit son visage ou son corps, la pièce où il se trouve ainsi qu’une porte entrouverte (celle par laquelle on est entré dans la salle). Belle mise en abyme. L’image va cependant trop vite pour que nous puissions vraiment voir. On regarde alors plus attentivement, on imagine qu’il se passe quelque chose dans cet espace ou derrière cette porte… On tourne la tête vers chacun des écrans. On perd presque la tête à interroger ces images qui défilent et se défilent à notre regard scrutateur. Mais rien ne survient. Notre regard est bel et bien en déroute.
Dans son installation, Landon nie la fonction scopique, examinatrice, observatrice de la caméra vidéo. Ici, pas d’arrêt sur image, pas de grossissement d’un détail – comme dans cette célèbre scène du film Blade Runner – qui feraient croire que la technologie permet de mieux voir, d’enregistrer le réel et de le revoir à satiété et avec précision.
Voici un dispositif inquiétant, presque policier. On a le sentiment que tout cela pointe en fait vers une disparition, celle de l’artiste. Entrevu dans la bande vidéo, il est absent de la galerie, remplacé par nous, spectateurs. Que conclure?
L’art moderne a souvent été décrit (entre autres par Roland Barthes, dans un célèbre texte de 1968) comme l’époque de la disparition de l’auteur. Cette disparition symbolique signifie que le détenteur du sens de l’oeuvre n’est plus maintenant l’artiste mais bien plus le lecteur ou le spectateur qui doivent interpréter une oeuvre aux sens multiples et mystérieux. En arts visuels, ce phénomène a été contesté par plusieurs. Concrètement, les réalisations collectives en équipes de deux (par exemple, Picasso et Braque au moment du cubisme travaillant ensemble et ne signant pas leurs tableaux) ou en groupes (dadaïsme, surréalisme ou les presque anonymes Guerilla Girls) ont existé parallèlement à une surmédiatisation du nom de l’artiste et de son génie, ainsi qu’à sa capacité de livrer un message original sur le monde.
Cette disparition de l’auteur est peut-être plus marquée dans une des tendances formelles de l’art. La récupération du système de production industriel, autant en art abstrait (hard edge) que dans les installations (comme dans le minimalisme), signale un désir de rendre l’art immatériel. Comme un reste des images divines byzantines réalisées par aucune main d’homme… Simultanément, un art très personnel, texturé, où parfois la main de l’artiste est très présente (parfois même comme une empreinte, chez Pollock), a néanmoins existé. Landon se concentre sur cette manière de faire très froide et très impersonnelle de l’art et nous en montre les rouages. Il nous oblige alors à nous regarder voir.
Jusqu’au 14 décembre
Au Centre de diffusion d’art multidisciplinaire Dare-Dare
Pierre Dorion
Je dois avouer mon malaise devant les plus récentes toiles de Pierre Dorion exposées à la Galerie René Blouin. Une partie de sa production poursuit une tendance de plus en plus kitsch qui me semble ne pas toujours exprimer l’écart critique nécessaire à ce type de manière. Déjà en 98, certains tableaux figuratifs qu’il avait exposés chez Blouin m’avaient semblé une forme de nostalgie du classicisme pictural et d’un réalisme méticuleux (entre autres dans certaines toiles plus religieuses). Heureusement, en 2000, Dorion avait montré au public ses recherches sur l’abstraction et une multitude de petits formats travaillés avec une manière chaude et très personnelle.
Pour cette expo, son art reprend un tournant hyperréaliste froid. Ici, il s’approche dangereusement de la figuration narrative de certains peintres français, avec une touche de néo-pop en plus. Ces toiles font souvent penser à des détails de toiles de Jacques Monory et de Peter Klasen dans les années 60-70.
Heureusement, deux toutes petites huiles sur panneau sauvent la mise. Les tableaux Boutons d’or et Impatientes sont des constellations picturales merveilleuses qui montrent la capacité de l’artiste à produire avec presque rien des effets visuels innovateurs. En comparaison, ce tournesol et ce baigneur qui trônent pas très loin semblent dignes des illustrations de livres pour enfants.
Jusqu’au 21 décembre
À la Galerie René Blouin
À signaler
Avant-hier, à l’hôtel de ville de Montréal, étaient décernées deux importantes récompenses dans le milieu des arts: le prix Louis-Comtois, qui marque l’apport en art contemporain d’un artiste en mi-carrière, était remis pour 2002 au photographe Alain Paiement; quant au prix Pierre-Ayot, qui souligne la création d’un artiste de la relève, il était octroyé à Michel de Broin pour son travail installatif presque inclassable.
Cette année, le jury était présidé par Serge Tousignant, artiste photographe. Il était accompagné dans sa sélection de Stéphane Aquin, conservateur de l’art contemporain au Musée des beaux-arts, Josée Bélisle, conservatrice de la collection permanente au Musée d’art contemporain, Serge Fisette, directeur de la revue Espace, et Pierre Leblanc, sculpteur. Pour plus de renseignements: www.ville.montreal.qc.ca/culture.