Tournée des galeries : Laisser de glace
Arts visuels

Tournée des galeries : Laisser de glace

Elle est un peu gelée, la rentrée en arts visuels, a constaté notre critique lors d’un tour d’horizon des galeries. Heureusement, il y a une exposition à la Galerie Graff, Écho des ateliers, la bande dessinée vole la vedette.

Cet automne, la rentrée à Montréal avait été très lente à démarrer. Les saisons se suivent et se ressemblent. Ce n’est pas non plus un hiver très emballant qui vient de commencer. Certaines expositions qui semblaient bien prometteuses sur papier – dans le texte du communiqué de presse – n’ont pas tenu leurs promesses.

C’est le cas d’Are You Talking to Me, Conversation(s), à la Galerie de l’UQAM. En guise de dialogue(s) entre artistes, le visiteur a droit à une simple apposition d’oeuvres ayant quelques points communs. Cela reste souvent en surface, à un niveau de ressemblances thématiques ou formelles peu convaincantes. Un exemple, choisi par les commissaires: le tableau de Paul Béliveau où la forme circulaire d’un carrousel de diapositives fait écho au Colisée de Rome! En creusant bien, on peut toujours trouver des rapports entre bien des oeuvres… Mais ici, ces liens sont-ils si pertinents et vraiment d’un ordre structural? Heureusement, la qualité d’une ou deux pièces sauve la mise. Ces gravures de Gaucher réalisées dans les années 60 sont issues de sa rencontre avec la musique d’Anton Webern. Je ne suis pas un fan absolu de Gaucher, mais je dois dire que cette série est une très grande réussite, alliant une belle sobriété à une riche complexité – presque organique. Actuel. Certes, beaucoup de pièces de l’expo tournent autour de ce lien avec la musique (et le son) ou avec le thème du miroir, symbole d’un écho entre les oeuvres… Mais on est loin des correspondances baudelairiennes. La parution prochaine du catalogue permettra peut-être d’amplifier le dialogue entre ces oeuvres. Jusqu’au 15 mars.

Côté peinture et 2D, la rentrée ne casse pas non plus trois pattes à un canard. Un exemple: les tableaux du Torontois Clint Griffin chez Trois Points. L’artiste traite de l’omniprésence de la télé dans notre mémoire collective. Sujet pas très nouveau et sur lequel l’artiste – dit le communiqué de presse – ne pose pas de jugement… La manière de faire n’est pas non plus très originale: ce type de collage réel ou citationnel et de peinture un peu bâclée date un peu, et n’a plus la même force critique qu’il y a 20 ou 25 ans au moment de la bad painting. Même chez le grand René Blouin, les peintures de l’Ontarien David Urban et de sa femme Gina Rorai ne convainquent pas. C’est très conventionnel. Le premier utilise une peinture très beurrée sans que le propos des oeuvres ne le nécessite. La seconde semble vouloir imiter Bonnard… Dans les deux cas, on dirait un art nostalgique de la grande peinture moderne.

La présentation des dessins de l’artiste américain Raymond Pettibon, qui aurait pu pallier cette absence d’intensité, manque malheureusement d’ampleur. À la petite galerie M du B, F, H & g, les huit dessins épinglés sont un peu maigres pour un artiste qui d’habitude éblouit par l’abondance, le déferlement de sa production et de son propos souvent rageur… À voir – l’artiste a une force critique indéniable par rapport à l’américanité et à ses mythes religieux ou politiques et héroïques – en essayant d’imaginer des murs entiers ainsi couverts. Demi-réussite.

Écho des ateliers
Une expo à la Galerie Graff retiendra davantage l’attention. Cet Écho des ateliers – composé de la production de 19 artistes ayant travaillé dans le célèbre centre de conception graphique créé par Pierre Ayot en 1966 – ne montre pas que de bonnes oeuvres, mais il y a des surprises. C’est la bédé qui y vole la vedette avec Dominique Pétrin, Julie Doucet et Clark Ferguson. Je ne vous ferai pas le coup de l’art populaire détrônant le grand art. Mais ces artistes donnent à la gravure une dynamique et une force critique indéniables. De Doucet, le visiteur remarquera Le Mouvement lent avec des exercices à réaliser, comme celui composé d’étapes à suivre pour prendre un crayon dans sa main… Pétrin s’attaque quant à elle à la représentation proprette des jeunes filles dans nos sociétés (pour faire plaisir aux parents espérant ne pas avoir engendré une nouvelle Lolita?), et en particulier à la fausse ingénue Britney Spears qui, selon ce qu’elle dit dans une de ses chansons, n’est plus une petite gamine sans être tout à fait une femme (je vous laisse imaginer ce qu’elle faisait avec son ex-copain Justin!). Parlant fellation, le travail de Ferguson, Be Your Own Blow Up Doll, est aussi très drôle et très corrosif.

Une expo qui permet de revoir la formidable gravure Mare Serenitatis de Rober Racine (montrée en 99 chez René Blouin), mais aussi d’examiner une très étonnante pointe sèche de Serge Murphy intitulée Fossoyeur, martyr, boulanger – digne héritière du surréalisme -, ainsi que les interventions de Betty Goodwin, Raphaëlle de Groot…

Jusqu’au 15 février
À la Galerie Trois Points

Jusqu’au 15 février
À la Galerie René Blouin

Jusqu’au 22 février
À la Galerie M du B, F, H & g

Jusqu’au 8 février
À la Galerie Graff