Alexandre David : Partager sa pensée
On peut définir les objets autant par ce qu’ils sont que par ce qu’ils ne sont pas. C’est ce qu’évoquent ceux construits par ALEXANDRE DAVID. Sans bruit.
Certaines productions artistiques font émerger, avec une grande clarté, le sentiment que ce sont des objets nouveaux, des objets qui n’existaient pas avant, faisant désormais partie du monde. Il en est ainsi des sculptures d’Alexandre David installées dans la grande galerie de l’Oil de poisson. Les deux grands caissons, faits de minces feuilles de contre-plaqué de peuplier fixées au mur, "fonctionnent comme des tableaux", explique David. Le duo de sculptures suspendu dialogue dans l’espace et l’occupe avec beaucoup de justesse; le sol, les murs, le plafond: tout semble parfait. Plus efficaces encore que l’installation présentée au Musée d’art contemporain à l’automne 2002 – c’est aussi l’avis de l’artiste -, les récentes oeuvres d’Alexandre David n’en poursuivent pas moins un travail de sculpture entamé depuis plus de 10 ans. Des lignes, des angles, des plans avancent dans l’espace; ils s’intègrent à l’architecture. Le bois nu ne cache pas ses origines; les traits de crayon et les vis sont autant de traces du travail de l’artiste. Immenses armoires sans portes? Établis impossibles? Plutôt: rêveries d’atelier. Objets qui interrogent la volonté de définir, de nommer, de connaître, de communiquer aussi. Imposante et pourtant légère, une des pièces s’agrippe au mur et s’étend tout le long de ses 10 mètres telle une ligne de fuite se prolongeant vers le mur du fond. En face, la seconde pièce tutoie le plafond avec ses trois mètres de haut. Ces objets sont silencieux et radicalement simples. Ils commandent une appréciation esthétique, éprouvent notre rapport à l’espace. Mais, ces sculptures ne sont pas, comme on pourrait le penser d’emblée et tel que l’explique l’artiste, le résultat d’une structure préétablie comme le revendiquaient les artistes minimalistes des années 1960 qui tentaient – avec toute la pertinence que cela pouvait avoir à l’époque – d’exclure notamment l’aléatoire point de vue du sujet. Alexandre David fait davantage appel à ses intuitions: "Je les fais [ces sculptures] comme des tableaux, à tâtons, et de manière subjective. Il n’y a pas de système rigoureux. Je n’exclus pas la composition." C’est peut-être et probablement ce qui leur confère toute leur actualité.
Nous sommes étrangement touchés par ces sculptures aux lignes droites ravivées par le bois clair. Mais leur silence annoncé n’en est pas un. Elles nous entretiennent sur notre rapport aux oeuvres, sur la séparation entre les objets et nous, à propos des lieux possibles où porter notre concentration: l’un à l’extérieur de nous, l’autre à l’intérieur. "L’analogie entre les creux, les plans qui avancent, explique David, les ressemblances et les différences nous engagent dans une compréhension temporelle." Une expérience esthétique et, ultimement, une invitation à la méditation, à l’instar de l’artiste lui-même, qui trouve dans l’observation et l’attention une des motivations de son travail: "Je pose le regard sur le coin d’une maison ou sur la découpe de son toit contre le ciel. Je tente de me concentrer sur un objet dense et net pour contenir mes pensées qui se dispersent. Ça ne fonctionne jamais. L’ancrage recherché est un piège: l’objet fixé ouvre sur d’autres pensées […]." Et ces pensées en appellent d’autres… Si Alexandre David semble insatisfait de ses tentatives de concentration mentale, ses sculptures, quant à elles, nous ouvrent le chemin. Vraisemblablement, l’expérience esthétique pourrait ainsi se voir doublée d’une expérience de la plénitude propre à la méditation.
Jusqu’au 16 février
À l’Oil de poisson
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Bloc-notes
Trois vernissages à ne pas manquer
Ce vendredi 7 février de 17 h à 20 h a lieu l’inauguration de l’exposition des oeuvres récentes de François Chevalier chez Madeleine Lacerte. Chevalier expose une série de collagraphies, des variations autour de la figure de l’insecte et de nouvelles explorations du goudron. Incontournable. À quelques pas de là, au 191, rue Saint-Paul, la superbe Galerie Esthésio inaugure aussi le vendredi 7 février à compter de 17 h l’exposition des huiles de Brian Burke, un peintre de l’Île-du-Prince-Édouard à découvrir. Cette tournée se terminera par le vernissage de l’installation de Patrice Duchesne au Lieu. L’artiste du Saguenay nous promet une intervention. À compter de 20 h.
Animalité
À voir jusqu’au 10 février prochain, l’exposition thématique provenant de la collection Prêt d’oeuvres d’art du Musée du Québec à la galerie Trompe-l’oeil du cégep de Sainte-Foy. Dix-huit oeuvres d’autant d’artistes abordant nos différents rapports aux animaux: la consommation, les mythes, les rêves, la domestication… On y trouve notamment des oeuvres de Sylvain Bouthillette, d’Alain Laframboise et de Fabienne Lasserre.
Génie mécanique
Il faut voir les installations d’Edwin Van der Heide. La première, qu’il a réalisée avec Marnix de Nijs, dans le studio d’essai de Méduse, est une boîte de son installée au bout d’un bras rotatif pouvant aller jusqu’à 100 km/h. L’esthétique répond à la fonction et, avec un peu d’imagination, la chose fait l’effet d’un chien méchant en laisse… Pas facile pour certains; un jeu d’enfant pour d’autres. Un travail typiquement… masculin? À cela l’artiste répond: "But, women can enjoy it." Au studio d’Avatar, l’artiste hollandais a installé un écran de 40 haut-parleurs d’où sortent divers bruits urbains. Des centaines de fils minutieusement branchés: une installation impeccable au terme de laquelle on se félicite de fréquenter ces lieux d’expériences sensorielle et visuelle. Respectivement jusqu’au 12 et 14 février prochains à l’occasion du Mois Multi. Entrée libre.