Lise Labrie : Madame la banquise
Chose promise, chose due: LISE LABRIE a transformé l’espace d’exposition de la Chambre blanche en banquise imaginaire. La force symbolique du phoque.
"Ça raconte une histoire. L’histoire, c’est la métamorphose de la femme en phoque…", lance Lise Labrie. Cette résidence de trois semaines à la Chambre blanche, elle l’envisageait d’abord comme une résidence "intérieure". Elle sera la première surprise de voir s’incarner son idée et se déployer une confortable et chaleureuse banquise plus invitante que l’hiver réel et aride. La fiction a ses avantages! Mais avec une douzaine d’oeuvres d’intégration à l’architecture en poche, on ne sera guère étonné de constater que Lise Labrie parvient à ses fins. Délibérément minimale, utilisant peu de signes, assemblant des matériaux simples, l’installation n’en est pas moins des plus efficaces. Narrative, cette étrange scénographie, c’est aussi un tableau dans lequel on entre et qu’on parcourt comme un poisson dans l’eau. En introduction, une galerie de portraits de l’artiste nous accueille. Diverses variations dans la position du phoque ont été imprimées sur acétate. Puis, l’espace raconte sa métamorphose: au fond, un grand plastique noir recouvre une partie du sol, c’est une étendue d’eau froide et profonde. Un miroir déposé par terre devient un trou dans la glace pour respirer; quelques couvertures de survie et la couleur d’aluminium se gorge de lumière. Puis, la banquise des banquises, un divan blanc nous invite: c’est l’endroit idéal pour se prélasser. Tout près, un manteau de peau de phoque: c’est la preuve du processus de mue. La boucle est bouclée.
L’artiste du Bic s’intéresse à l’archéologie, à l’ethnologie, à l’histoire. Certes, son approche est profondément empreinte de ses recherches – à la fois de ses lectures de récits de voyages dans le Grand-Nord et de la mythologie inuite – mais le résultat n’a rien de didactique. Il s’avère davantage poétique et dans un esprit qui se rapproche de la production de l’artiste de Saskatchewan Edward Poitras. On retrouve dans l’art et la culture autochtone la récurrence de la figure animale comme alter ego. Récemment, lors d’une performance au Mois Multi, après avoir disposé des glaçons sur une peau de phoque et ouvert le plastique scellant une pièce de viande, Lise Labrie invitait les spectateurs à goûter du phoque cru: transgression d’un tabou, choc de culture, défi au processus digestif aussi! On retrouvera aussi les artefacts de cette performance sur la banquise de la Chambre blanche: un traîneau de bois, un ulu (le couteau traditionnel utilisé par les femmes inuites). Bien entendu, il n’y a pas ici de place pour un discours moralisateur (oubliez Brigitte Bardot et la lutte contre la chasse aux bébés phoques), mais c’est une production qui ouvre sur la figure du phoque comme un symbole de l’inconscient, ou du moins de "cette part de l’inconscient issue du refoulement, comme l’écrivent Chevalier et Gheerbrant dans le Dictionnaire des symboles, soigneusement tenue en laisse par Protée, mais capable comme son maître de toutes les métamorphoses". Il n’y a qu’un pas pour imaginer, comme le racontent les auteurs, les femelles phoques se transformant en femmes ravissantes sur les rives du Saint-Laurent. On repart, les mots de Lise Labrie en tête: "[…] Être au nord de soi-même. À l’intérieur de sa géographie imaginaire. Maîtresse de mes expéditions nordiques. Mon espace mental construit son pont de glace […]."
Jusqu’au 9 mars
vernissage le vendredi 21 février dès 17 h
À la Chambre blanche
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Safe Art
Odette Théberge poursuit la démarche qui a marqué son travail durant les dernières années: dessins, pastel, acrylique. Ses approches de la surface et de la couleur sont autant de relents de son expérience en estampes. Odette Théberge a toujours peint avec ses mains, ses doigts. Après une interruption forcée attribuable à la toxicité des pigments – moment pendant lequel elle s’est consacrée au dessin d’observation -, elle a repris récemment son travail de peintre munie de masque et de gants. Depuis, ses tableaux abstraits sont peuplés de feuilles finement dessinées. Théberge les envisage comme un prolongement des mouvements du corps, des Émouvances, dont est tiré d’ailleurs le titre de l’exposition qui regroupe une quarantaine de pièces. Nos préférées sont les pastels récents, avec des rouges écarlates et des bleus très profonds. Mais cette production récente rappelle surtout à quel point la peinture peut être de l’ordre de la nécessité. Vernissage le dimanche 23 février à 13 h en présence de l’artiste. L’exposition se poursuit jusqu’au 19 mars à la Galerie Estampe-Plus.
Vernissages et lancement
En plus de l’inauguration des expositions des oeuvres récentes de Paul Lacroix et de Yannick Pouliot chez Vu le vendredi 21 février, les Éditions Inter procéderont au lancement du numéro 83 de la revue. Inter s’associe pour l’occasion à l’Oil de poisson où aura lieu le lancement. À compter de 20 h.