Nelson Henricks : Planer à moitié
Agrandissements photographiques de cachets d’ecstasy: les oeuvres de NELSON HENRICKS multiplient les symboles. Mais l’exposition présentée à la Galerie Graff prend surtout son envol avec la vidéo Planétarium.
Voici une expo dont on ne pourra pas dire qu’elle est sans substance, même si elle est d’inégale intensité. Les photos, et en particulier la vidéo, que présente Nelson Henricks fourmillent de symboles qui semblent receler des significations multiples et motiver les liens entre les sens…
Mais qu’est-ce que le symbole de Superman avec son S stylisé, les mots LOVE ou SKY, ou encore la forme d’une tulipe (en provenance des Pays-Bas?) ont en commun? Les habitués des raves répondront facilement à cette question. Ce sont les marques, tels des poinçons d’ébénistes sur les meubles, apposées sur les comprimés d’ecstasy par leurs créateurs dans les labos underground. Nelson Henricks a photographié quelques-uns de ces cachets et nous parle des promesses – tenues ou non – annoncées par leur logo: plus de force et d’énergie, le septième ciel, plus d’amour…
Henricks documente donc un aspect de la culture populaire. Intéressante idée, mais l’artiste n’apprendra pas grand-chose aux habitués de ce type de divertissement. On dirait de plus des images issues d’un numéro spécial de la revue Colors, de Benetton, portant sur les drogues. Je n’ai rien contre cette excellente revue. Mais de la part d’un artiste aussi important que Henricks, je m’attendais à un commentaire plus profond sur le sujet. L’agrandissement de ces cachets, décrit dans le communiqué de presse comme une manière de rendre "l’effet d’amplification des sensations que procure leur absorption", n’est pas suffisant. Est-ce tout? Demi-buzz.
À ces photos, j’ai grandement préféré la vidéo Planétarium (réalisée en 2001). C’est un retour sur l’enfance, sur les questions que, petits, on se pose lorsque l’on découvre l’immensité de l’univers ou bien le phénomène de la mort. Images du ciel et d’avions qui côtoient une lampe de poche créant des effets inquiétants sous les draps, un petit récit donnant un mode emploi pour dormir, une toupie tournoyante… Cela part d’une jolie anecdote, remontant à 1969, alors que le père de l’artiste le hisse sur le toit d’une voiture pour qu’il puisse, au moyen de jumelles, mieux examiner la Lune nouvellement conquise par l’être humain. Le très grand rencontre le très petit. Et Henricks nous montre la pérennité de ces questions existentielles dans l’âge adulte. L’artiste poursuit ici avec une très grande richesse de signification des thèmes qui lui sont chers, entre autres ceux de l’absence et du mouvement. Une expo à voir pour la vidéo.
Vous pouvez aussi visiter le superbe site de l’artiste à l’adresse suivante: www.nelsonhenricks.com
Jusqu’au 15 mars
À la Galerie Graff
Regard sur les prix Louis-Comtois et Pierre-Ayot
Je me méfie des prix artistiques. C’est donc avec prudence que je me suis rendu à la maison de la culture Côte-des-Neiges voir l’exposition dressant un panorama des prix Louis-Comtois et Pierre-Ayot que, chaque année, la Ville de Montréal et l’Association des galeries d’art remettent à un artiste à mi-carrière et à un créateur de moins de 35 ans.
Permettez-moi de vous raconter une anecdote qui vous fera comprendre mes réticences.
J’avais à Paris une grand-tante qui, lorsque j’allais chez elle, me faisait dormir dans un bureau aux murs recouverts de livres. Ceux-ci n’avaient pas été achetés parce qu’elle était une fan de littérature, mais plutôt parce que tout appartement bourgeois se devait d’avoir des ouvrages pour tapisser son intérieur cossu. Ma grand-tante s’était donc procuré depuis les années 30 une multitude de livres qui, en fait, représentaient principalement la liste des récipiendaires des prix littéraires parisiens. Je dois avouer ma curiosité: le soir avant de m’endormir, je parcourais cette bulle historique. Hé bien, vous savez quoi? Plus de 90 % des grands écrivains réunis dans cette bibliothèque étaient tombés dans l’oubli! Ceux qui avaient connu la gloire dans les années 30, 40, 50 et 60 étaient pour la grande majorité retournés dans l’ombre. Inquiétant? Rassurant, en fait. Les prix remis à des artistes médiocres par complaisance ou manque de courage ne sont que rarement validés par l’histoire. Ouf!
Alors je dois dire ma méfiance vis-à-vis de ces prix Pierre-Ayot et Louis-Comtois qui, depuis sept années, sont remis à des artistes qui soumettent leur candidature en hommage à deux importants créateurs québécois. Pourtant… Plusieurs artistes dans cette expo ont de bonnes chances de rester dans notre histoire (si nous savons posséder plus de mémoire que maintenant). La photo d’Emmanuel Galland montrant son carnet d’adresses et le réseau que doit tisser un artiste pour réussir est toujours aussi pertinente. Les images de Nicolas Baier ou la vidéo de Nadine Norman sur son intervention Call Girl le sont aussi. Quant à la nouvelle acquisition, une photo d’Alain Paiement montrant à voir l’intérieur en surplomb d’une boulangerie, elle est tout simplement formidable. Tout aussi extraordinaires sont les empreintes épinglées de Roberto Pellegrinuzzi.
Je ferais cependant un reproche majeur à cette expo: ce ne sont pas toujours les oeuvres achetées par la Ville de Montréal à la suite de la remise des prix qui sont exhibées. C’est bien dommage car cela ne permet pas toujours au spectateur de se faire une juste idée de cette collection qui, finalement, dresse de ces deux prix un bilan plus que positif. En plus d’injecter de l’argent dans le milieu de l’art montréalais, qui a absolument besoin de plus de sources de revenus, ces deux prix donnent une visibilité certaine à des artistes malheureusement pas si connus du public ni de nos politiques. Les oeuvres collectionnées et exposées à la mairie permettent de compenser cela. À quelques exceptions près, voici une collection dont la Ville peut être fière.
Jusqu’au 23 février
À la maison de la culture Côte-des-Neiges