Pascal Grandmaison : Images distillées
Le vidéaste PASCAL GRANDMAISON confirme éloquemment que less is more. Il signe à la Galerie B-312 une exposition culottée, constituée d’une vidéo riche de signification et d’une grande salle cernée de miroirs. Une oeuvre dont le public devient le héros…
Décidément, Pascal Grandmaison est l’un des vidéastes les plus originaux ces temps-ci au Canada. L’air de rien, avec des images où il semble qu’il n’y ait presque rien à voir, presque rien à entendre, presque rien de raconté, Grandmaison élabore une manière de faire riche et personnelle où il donne beaucoup à comprendre sur notre façon de nous voir et de nous représenter.
Après une exposition sur le portrait étonnante cet automne à la Galerie Vox, où le spectateur ne voyait que par fragments les individus scrutés par la caméra, dont il devait reconstruire l’image totale dans son esprit, Grandmaison est de retour à la Galerie B-312 avec encore une fois une présentation qui défie le regard. Une expo culottée, je dirais même… puisque la galerie est presque vide! Mais bon, que le néophyte ne crie pas au scandale. Pour reprendre le leitmotiv des célèbres architectes Mies van der Rohe et Buckminster Fuller (et, plus proche de nous, du galeriste René Blouin), tout l’art moderne (et même post-moderne) nous a montré plus d’une fois comment less is more…
Dans la grande salle de B-312, Grandmaison a installé simplement et uniquement un mur de miroirs! Encore un retour du minimalisme. Mais ici, un minimalisme branché, récupéré par la mode, revisité plus de 30 ans après son apparition alors que les années 60 et 70 sont encore une fois au goût du jour. Bien sûr, la galerie devient presque comme un studio de danse où les miroirs servent à vérifier la justesse des mouvements. Mais c’est surtout l’image du magasin hype qui vient en tête. L’espace industriel a été récupéré autant par les galeries d’art et les ateliers d’artistes que par le monde très in de la mode. Ces miroirs donnent à la galerie un look très cool. Les spectateurs et le milieu de l’art deviennent eux-mêmes le coeur de l’oeuvre. Le visiteur fera-t-il attention à ses mouvements et à ses gestes dans la galerie? Je vous conseille de bien vous habiller pour votre visite! S’y énonce un fait indéniable: la galerie d’art est devenu l’endroit où il faut se montrer. Vous comprendrez pourquoi je ne fais que rarement les vernissages… Pièce intéressante même si le propos n’est pas révolutionnaire.
J’ai grandement préféré la vidéo qui occupe l’espace de la petite salle de la galerie. Elle vient amplifier le sens de l’oeuvre de la grande salle. Mais elle est bien plus complexe dans sa signification. Cinq musiciens semblent jouer une partie d’une pièce musicale dont on n’entend jamais la totalité. La caméra suit les contours des corps, s’attache à un morceau de vêtement… Un micro cache un visage, un cadrage étrange coupe la face d’un autre. Le narcissisme d’un certain milieu musical se trouve cassé. Le spectateur est confronté à une difficulté de voir vraiment le monde qui lui est pourtant montré de si près, en gros plan.
Signalons que Grandmaison profite de cette expo pour lancer un disque réalisé avec Herri Kopter (Jérôme Minière) et un troisième artiste, le musicien Montag (on peut se familiariser avec son travail en allant sur le site www.montag.ca). Des extraits sonores de la vidéo de Grandmaison ont été repris par les compères et réorganisés pour produire un album intitulé Double. Un must. Attention: à déconseiller aux fashion victims. La musique de ce disque est vraiment originale.
Jusqu’au 29 mars
À la Galerie B-312
James Casebere
Les photos de l’artiste américain James Casebere sont bien belles. Un peu trop même. Impeccables de facture, soignées, léchées, proprettes, séduisantes et sophistiquées comme une pub, elles émerveillent comme l’image d’une maison de poupée dans un catalogue de jouets pour enfants. Constituées de petites maquettes créées par l’artiste, agrandies par la magie du dispositif photographique, elles renouent avec la fascination que nous pouvions avoir dans notre enfance pour les modèles réduits. Devant ces images d’espaces minuscules et magnifiés, le spectateur ressentira un peu de cette sensation d’un monde ordonné et bien rassurant que les maquettes d’architecture – dont il faut toujours se méfier – laissent entrevoir.
Le monde y semble si simple! Mais que nous racontent donc de plus profond ces images? On peut aussi y voir un sens presque religieux. Cela fait souvent penser à des églises cisterciennes ou à des catacombes. L’aspect solennel se retrouve même dans ces recréations de la maison néoclassique de Thomas Jefferson. Une critique de l’esthétique épurée, du puritanisme visuel qui traversent l’histoire de l’architecture et des images? Au bout du compte, c’est surtout l’aspect très esthétique de ces photos qui l’emporte.
L’esthétisation peut être un piège. Quoique je ne ferais pas une apologie absolue du crado, du crasseux, du mal fait… Cette esthétique, la publicité – Calvin Klein, entre autres – nous l’a montré, peut être aussi très superficielle. Mais j’acquiesce tout de même à la remarque de Roland Barthes (un des auteurs les plus actuels qui soient): "L’endroit le plus érotique d’un corps n’est-il pas là où le vêtement bâille?" Je suis donc resté assez froid devant ces images tirées à quatre épingles.
Jusqu’au 20 avril
Au Musée d’art contemporain