Melvin Charney : Maître-à-danser
La production photographique de MELVIN CHARNEY présentée à la Maison Hamel-Bruneau nous introduit au coeur de l’oeuvre de l’artiste.
Les architectes redoutent l’artiste, les artistes se méfient de l’architecte. Selon Melvin Charney, c’est la "bureaucratisation de notre existence" qui rend difficile d’être à la fois l’un et l’autre… Le ton est donné. En fait, cette ambiguïté nous ravit. Mais surtout, les oeuvres de Melvin Charney qu’on croyait austères et hermétiques se révèlent, à la fréquentation de son travail photographique, aussi émouvantes que critiques. "On pense à travers les images, rappelle-t-il. Concevoir l’absence, photographier un non-objet […], rendre visible la mentalité des lieux", c’est l’approche de la photographie privilégiée par Melvin Charney et dont témoigne avec intensité la quarantaine de pièces rassemblées à Sainte-Foy. Les grandes photographies peintes à l’acrylique et au pastel sont le produit d’une maîtrise du médium et d’une sensibilité rares. Et quel dessin! Réalisées au cours des dernières années, les mises en scène sur fond de photographies de presse ou de clichés pris par l’artiste montrent tantôt des immeubles fuyant la ville, tantôt des logements en quête d’espaces. Elles sont plus que des préludes à ses sculptures, dont quelques-unes font partie de l’exposition. Ses pièces tridimensionnelles s’apparentent à des figures humaines en marche, doubles d’aluminium de notre condition urbaine. Les photographies des années 1950, celles des rues du Vieux-Montréal ou du Temple de Poséidon en Sicile témoignent de la disparition du patrimoine architectural, du savant comme du vernaculaire: "La rénovation urbaine, c’est l’effacement urbain", dira Melvin Charney.
Villes en fuite, cette excellente exposition itinérante organisée par le Musée d’art contemporain de Montréal, amorce sa tournée canadienne ici et se rendra notamment au Musée canadien de la photographie contemporaine à Ottawa et au Yukon Arts Centre. "Figure incontournable sur la scène de l’art contemporain", Melvin Charney a représenté le Canada à la Biennale de Venise de 1986 et il participait, en 2000, à la septième exposition internationale d’architecture de la Biennale. En 1996, il recevait le prix Paul-Émile-Borduas. Plusieurs de ses oeuvres ont marqué notre histoire de l’art. Les Maisons de la rue Sherbrooke, une façade de bois, paradigme de la rue-spectacle dénonçant la destruction du patrimoine urbain, a été démantelée sous l’ordre de Jean Drapeau – comme d’ailleurs toutes les oeuvres de l’événement Corridart – avant l’ouverture même des Jeux olympiques en 1976. Autres pièces marquantes: Le Trésor de Trois-Rivières (1975), projet inspiré d’une maison modeste démolie en 1974, les sculptures du Square Berri et le jardin du Centre canadien d’architecture. Les interventions urbaines de Melvin Charney suscitent souvent le débat, et pour cause: il ne craint ni les réflexions-chocs, ni la controverse. Coeurs sensibles s’abstenir: celui dont le principal objet de réflexion est depuis quatre décennies l’art dans l’environnement urbain affirme que l’art public est terminé parce qu’il faut que cet art ressemble à de l’art! C’est ainsi que l’oeuvre et la réflexion de Melvin Charney sont plus qu’une invitation à revoir certaines idées reçues, elles mettent en branle tout un processus qui s’apparente à ce qu’écrivait Michel Foucault: "Travailler, c’est penser ce qu’on ne pouvait penser avant."
Jusqu’au 18 mai
À la Maison Hamel-Bruneau
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Bloc-notes
Paul Lacroix et Nicole Jolicoeur chez Vu
Les expositions de Paul Lacroix sont toujours des plus attendues. Dans sa production récente, il poursuit son travail de photogramme. L’amitié de longue date avec l’artiste montréalaise Nicole Jolicoeur a motivé ce duo. On retrouvera des traces d’échanges d’images, de conversations et de lettres dans certaines pièces. Quoique la cohabitation ne soit pas ici des plus convaincantes, certains photogrammes en rouge et noir de Paul Lacroix transportent comme toujours. Dans l’espace européen, Yannick Pouliot expose une série de photographies de couloirs d’hôpitaux. Moins spectaculaire que Le Courtisan (2002), cette production est porteuse d’une certaine critique sociale et s’envisage comme un des jalons signifiants dans sa jeune production. Jusqu’au 16 mars.
Galerie des arts visuels
Quelques jours pour voir Tétines marines, trois sympathiques îles échouées à la Galerie des arts visuels de l’Université Laval. Celle de Jacques Thisdel raconte sa vie en "Thisdélie" par de petites saynètes, comme autant de livres ouverts. Louis Bergeron a créé une île aux allures post-nucléaires pour un Québec indépendant (extraits radio à l’appui). Celle d’Aline Martineau, dans la tradition de l’architecture utopique, complète le trio de ces "archipels imaginaires". À voir jusqu’au 9 mars.
Vernissages
L’Oil de poisson accueille Tout est parfait du peintre montréalais Sylvain Bouthillette et, dans la petite galerie, Walk This Way I, Walk This Way II de Lisa Liedgren. Le vernissage a lieu le vendredi 7 mars à 20 h. À ne pas manquer également, l’exposition des sculptures de Laurent Gagnon à la galerie Trompe-l’oeil. Le vernissage se déroule le mardi 11 mars à 17 h. Fibrille se poursuit jusqu’au 4 avril.