Sylvain Bouthillette : Sortez-moi de moi
La rencontre fortuite entre SYLVAIN BOUTHILLETTE et un écureuil albinos dans le parc Lafontaine deviendra une des pièces maîtresses de son étrange bestiaire. Il ne cherche pas le sacré, il le trouve…
Le petit animal blanc, Sylvain Bouthillette en a multiplié l’image par le truchement de l’ordinateur. Nouvelle image venant augmenter la réalité, cela ne fait pas de doute, tant cette photographie s’impose avec tout ce qu’elle a d’énigmatique, par son caractère aussi incongru que familier. Mais ce n’est pas tout, il y a aussi dans cette nouvelle série un chat handicapé posant sur un lit, un gorille de plastique noir se présentant comme Mahakala, une des versions courroucées du dalaï-lama… Les pièces de Bouthillette, photographies, assemblages et autres délibérations plastiques, s’étalent dans l’espace de l’Oil de poisson, espace tout désigné pour recevoir cette première exposition solo des oeuvres de l’artiste à Québec. Il était temps. Bouthillette a participé à plusieurs expositions collectives importantes. En 1996 et en 1998, il exposait à Artifice; en 1997, il participait à De fougue et de passion au Musée d’art contemporain, exposition regroupant des oeuvres-phares de la relève. Enfin, le Musée du Québec a acquis quelques-unes de ses oeuvres dans sa collection de prêts d’oeuvres d’art.
"Sylvain, Sylvain, Sylvain…" Au centre de l’espace, une petite pyramide de haut-parleurs s’inspire des stupas tibétains (monuments commémoratifs hindous) d’où on entend ce faux mantra, prénom de l’artiste répété par lui-même: "C’est la mise à mort de mon ego!" dira Bouthillette en rigolant. Ces oeuvres sont dotées de maintes possibilités de lecture et leur fréquentation n’en élucidera pas entièrement le sens. C’est bon signe. On aime les univers loin des évidences. Et fort heureusement, la facture trash des oeuvres, l’iconographie pop ainsi que l’humour (noir?) de Bouthillette neutralisent toute possibilité de dérive ésotérique. Ici et là sur les photographies, des points de couleurs et de lumière flottent autour des têtes ou aux premiers plans, faisant basculer les images dans des zones plus cosmiques. Peintures, photographies ou sculptures, comme chez beaucoup d’artistes, Bouthillette y a recours lorsque son propos l’exige. Deux têtes de clown de bois peint de couleurs criardes tournoient lentement de gauche à droite. Si on s’approche de l’une d’entre elles, on entend des soupirs… C’est de l’énergie sexuelle qu’il est question. Cette énergie, rappelle Bouthillette, partage la même source universelle que l’énergie créatrice.
Si les figures animales dominent son travail depuis le tout début – corneille, lièvre ou caribou dans cette dernière production -, elles partagent toutes une même condition marginale. Mais pourquoi autant d’animaux? Pas pour le symbolisme, comme l’explique l’artiste, mais "pour exclure toute tentation de narration…" Ainsi, les motivations de Bouthillette, qu’elles soient liées à la quête de l’éveil, à la méditation, à la recherche d’une "pratique artistique qui se situe au-delà du processus intellectuel, mais qui adresse le problème ultime de l’existence: se libérer de la souffrance quelle que soit sa forme", ne se donnent pas de manière manifeste. C’est ainsi que le travail de Bouthillette, avec profondeur et désinvolture, fera son chemin en traçant des sillons là où il n’y avait rien avant.
Jusqu’au 6 avril
À l’Oil de poisson
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