Robert Duchesnay : Un homme, une femme
Arts visuels

Robert Duchesnay : Un homme, une femme

Dans ses photographies, ROBERT DUCHESNAY côtoie Grand Bob, figure condensée du père et du fils, son double à la tête d’ours et des mannequins en guise de famille. Ténébreuses  fictions.

"Tout est faux et tout est vrai […]. C’est l’histoire d’un couple… En fait, je raconte mon histoire. J’observe mes copains et mes copines aussi", explique Duchesnay. Comme l’écrit Céline Mayrand, ce sont "des histoires personnelles dépersonnalisées". Rien d’anecdotique, ni de pathétique dans cette série de photographies. De la prise de vue à l’impression, tout est réalisé par Robert Duchesnay. Des photographies prises le plus souvent à la tombée du jour parce que "la nuit, je peux contrôler mon éclairage et avoir des idées noires…" L’univers de l’artiste montréalais se rapproche, comme l’écrivait encore Céline Mayrand – qui signe aussi le texte accompagnant cette exposition -, de l’univers "scabreux" de David Lynch, de "l’indolence" des personnages de Godard, du "suspense" des films d’Hitchcock… Il s’agit toutefois de photographie dans le sens le plus classique du terme et, encore, d’une photographie traditionnelle qui "s’inscrit dans la marginalité de la pratique actuelle". Un homme à la tête d’ours revient de la chasse avec un éléphant en guise de trophée; l’artiste se brûle les mains devant une femme mannequin impassible; Grand Bob a une érection lumineuse quand il n’est pas assailli d’un coup de marteau par l’artiste lui-même… Les compositions sont pensées et repensées. Et quel résultat! La présentation et la facture classique impeccables – les photos sont imprimées sur le meilleur papier – nous introduisent dans cet univers troublant, autodérisoire, où les récits personnels sont rapidement transcendés, devenant autant de véhicules de l’inconscient, où de multiples couches de sens latentes émergent. Plus on y pense, plus ces photographies ont quelque chose d’inquiétant…

Ces "rituels de l’antisocial", comme le dit le titre, ce sont le plus souvent des diptyques, dont les titres – La Surprise, Le Projet, L’Ingénieur, Le Voisin, etc. – marquent divers moments de la vie d’un couple: du début de l’amour à la rupture. Une vision pessimiste de la vie à deux? "C’est de l’humour noir. Noir et blanc!" de rétorquer un Robert Duchesnay qui, manifestement, s’amuse à élaborer ces mises en scène où il est tout à la fois: le maître d’oeuvre, le photographié, le fils, le père. D’abord peintre – c’est lui qui a peint le Grand Bob et les autres éléments des décors qu’on trouve dans ses photographies -, Robert Duchesnay s’adonne à la photographie depuis une dizaine d’années. Cette dernière production est moins virulente que celle de 1997, où on assistait au massacre d’un ours en peluche, dont il a ici conservé… la tête. "Cette tête d’ours sur un corps d’homme, c’est l’Autre. Je vais le chercher quand je ne veux pas être moi." Tout, dans ce travail photographique, où l’implication de l’artiste est considérable, est franchement assumé et longuement réfléchi. "Je ne veux pas aller où on est déjà allé. Je veux aller ailleurs. Je veux me bousculer!" Il y parvient, non sans conduire cependant, comme l’écrivait Manon Morin en 1997, à la déréliction. Cet "état de l’homme qui se sent abandonné, isolé, privé de tout secours divin".

Jusqu’au 20 avril

Chez Vu

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Bloc-notes
Une histoire vraie qui n’existe pas
Également exposées chez Vu, quatre grandes photographies de Branka Kopecki. Des scènes de rue, paysages urbains où des indices nous ramènent à la surface, au mur écran sur lequel ont été projetées les images. Un clou, une prise électrique déjouent la transparence de la représentation et en montrent le dispositif. Une fois le truc découvert, on s’y promène comme des grands. Jusqu’au 20 avril.

Nouvelles images du Nouveau Monde
Les nouvelles images, vidéos d’art, animations numériques et oeuvres interactives font partie du festival de cinéma panaméricain depuis la toute première édition. Depuis quatre ans, Fabrice Montal concocte notamment cette programmation souvent audacieuse. Premier programme: la rétrospective de Vidéo d’art brésilien pendant laquelle pas moins de neuf morceaux seront présentés. Une "occasion très rare" de voir de la vidéo brésilienne, comme le souligne Montal. Mais encore, il y aura plusieurs premières mondiales, canadiennes et québécoises. Des vidéos exceptionnelles, nous dit-on, comme le dernier film du Torontois Mike Hoolbooms, Tom, présenté dans le programme Drames gais/destins universels, mais aussi des productions locales, notamment une bande d’Odile Trépanier présentée dans le programme Moi et le monde et un très beau film, dit-on, de Nicolas Roy, Léo. Enfin, le programme Pictural Pixel, "davantage grand public", explique Montal, se veut à l’image du festival qui désire dorénavant se distinguer en s’intéressant particulièrement aux nouveaux supports du film. Les 3, 4 et 5 avril à la Salle Multi de Méduse (entrée: 5 $).