Alain Paiement : Chantier photographique
ALAIN PAIEMENT inaugure une nouvelle série d’expositions sur les liens entre la photo et l’architecture. Un événement qui inverse l’usage habituel du médium photographique.
La semaine dernière, le Centre canadien d’architecture (CCA) a inauguré une nouvelle série d’expositions intitulée Tangent e. C’est un commissaire invité, l’Allemand Hubertus von Amelunxen (surtout connu pour une impressionnante liste d’écrits sur la photographie), qui sera en charge de cet événement. Dans la salle octogonale du CCA défileront donc au cours des prochains mois les artistes Victor Burgin, Dieter Appelt et Naoja Hatakeyama, qui viendront établir un dialogue entre leur pratique artistique et les collections du Centre.
Pour l’instant, c’est à l’artiste québécois Alain Paiement qu’incombe la tâche d’ouvrir le bal avec une installation photo.
De quoi s’agit-il? C’est avant tout le statut de la photographie qui est ici interrogé. Cette invention, qui, à l’origine, a été perçue comme un moyen de conserver pour la postérité la mémoire des grands hommes et des grandes réalisations de l’Humanité, est dans le cadre de cette expo plutôt prise dans son potentiel d’invention, dans sa capacité à être un outil pour imaginer le monde. Une inversion majeure de l’usage de ce médium, qui en défie la vision courante dans la population. Au lieu de nous obliger à regarder vers le passé d’une manière nostalgique, la photo est ici prise comme un moyen de réfléchir l’avenir. Et cette vision pourrait aussi s’appliquer à l’architecture. Au lieu de servir à conserver dans la pierre, le marbre ou le béton l’incarnation d’une époque, elle se veut un moteur pour redonner au présent une intensité de vie et de création.
Autant dans les images que Paiement a choisies dans la fabuleuse collection de photos du CCA que dans les photos qu’il a réalisées pour l’occasion, se dit un monde en chantier, où le devenir et le projet l’emportent sur la réalisation. Des images montrant des projets et des constructions en chantier parlent de cela: amorces d’un des piliers de la tour Eiffel ou d’une travée du pont sur le Forth en Écosse, maquette en cours d’élaboration du Monument à la IIIe Internationale…
Certes, cette expo est moins curieuse que celle que Paiement présentait l’an dernier à la Galerie de l’UQAM. L’artiste nous montrait alors une vision comme prise du ciel de son appartement et de son entourage. Sa présentation au CCA semblera au premier coup d’oeil un peu plus sage… Pour une expo qui parle de formes en devenir et d’espaces réinventés, je dirais même que le dispositif visuel est un peu sec. Le spectateur prendra un certain temps avant de dépasser cet aspect un peu rébarbatif et très muséal, pour enfin se laisser toucher par la subtile réflexion du projet où Paiement propose au moins deux photos de grande valeur (Spiroscope et Fractal Palace).
C’est néanmoins l’un des points que le CCA devra considérer avec attention pour les expos futures. L’archive peut avoir tendance à assécher un dispositif visuel.
Jusqu’au 9 novembre
Au Centre canadien d’architecture
Nuit blanche
Atmosphère angoissante à la Galerie Skol. Michael A. Robinson y a installé une expo intitulée Sweet Dreams mais qui tient plutôt du cauchemar. Au premier coup d’oeil, cela ressemble au vidéo de Yoko Ono et John Lennon pour la chanson Imagine. Dans la galerie, tout est en blanc! Mais ne cherchez pas ici un tapis en laine de mouton ou des rideaux vaporeux prêts à s’envoler au vent… L’atmosphère générale tient plus de l’hôpital (presque psychiatrique) que du paradis. Robinson a réalisé une installation d’objets hétéroclites, hybrides et parfois presque innommables. Dans la petite salle de Skol, le visiteur trouvera un monde presque reconnaissable: un lit où trône un mannequin (presque vivant et digne de George Segal) au visage d’un blanc crayeux, des béquilles, une chaise roulante… Le tout parlant de maladie et de convalescence. Mais dans la grande salle, c’est plus énigmatique. Un écran donne bien à voir un vidéo avec un patient et une infirmière, mais le reste est composé d’un immense cube aux entrailles remplies de plus petits parallélépipèdes rectangles, de dessins avec des formes géométriques, de bas-reliefs protéiformes…
Bien sûr, l’amateur éclairé y trouvera des points communs avec l’esthétique dandy, narcissique et phallocentrique de Matthew Barney avec son cycle Cremaster (du nom du muscle qui régule la montée et la descente des testicules): narrativité onirique et presque surréaliste, accumulations d’objets et de médiums divers, place importante accordée à un vidéo sans dialogues… Avec, bien sûr, des moyens moins importants, Robinson plonge dans cette manière bien actuelle qui consiste à vouloir faire une oeuvre totale (presque wagnérienne) englobant tous les médiums et tous les genres, même l’art abstrait…
Jusqu’au 10 mai
À la Galerie Skol
Prix Graff
C’est à l’extraordinaire trio de Québec BGL qu’a été remis le prix Graff 2003. Jasmin Bilodeau, Sébastien Giguère et Nicolas Laverdière réalisent depuis huit ans des installations. Le public montréalais se rappellera entre autres leur merveilleuse intervention À l’abri des arbres, montée en 2001 au Musée d’art contemporain.
Le jury était composé de Marie-Ève Charron (critique d’art), Nycole Paquin (historienne de l’art et professeure à l’UQAM), Pierre Landry (conservateur au Musée d’art contemporain), Serge Fisette (directeur de la revue Espace) et Claire Savoie (artiste, récipiendaire du prix Graff en 2002).
À signaler
C’est le Salon du printemps: 17 galeries, dont deux de Toronto (SPIN et Christopher Cutts) et 38 artistes, dont Jérôme Fortin, Ed Pien, Michael Merril, Janieta Eyre et Michel Goulet, seront présents au quatrième étage de l’hôtel Delta Montréal (475, avenue du Président-Kennedy). Organisée par l’Association des galeries d’art contemporain, cette deuxième édition de l’événement aura lieu du 1er au 4 mai. Renseignements: 861-2345.