Manif d'art 2 : À la bonheur!
Arts visuels

Manif d’art 2 : À la bonheur!

Des oeuvres percutantes réalisées avec une économie de moyens, des environnements surprenants, de la bonne peinture: sexualité, univers domestique et autres friandises. La Manif d’art, c’est le bonheur et sa critique.

Cette deuxième présentation de la Manif d’art de Québec promet de prendre sa place comme événement d’envergure en art actuel. Elle est encore jeune, mais se positionne déjà dans l’univers des biennales par l’effervescence du milieu artistique d’ici. Parce qu’elle prend des risques aussi, en présentant de jeunes productions qui côtoient des invités de marque. Une dynamique que l’on doit à une organisation tenue de main de maître par Claude Bélanger, impliqué depuis la première présentation, et à l’engagement du commissaire Bernard Lamarche, qui voit déjà l’événement "comme un show de calibre international". Critique d’art au Devoir, Bernard Lamarche a invité pour la grande exposition générale quelque 20 artistes reconnus qui occupent un superbe et vaste espace au centre-ville; des artistes du Québec, du Canada, des États-Unis et de l’Europe.

Si la première Manif, ayant pour thème Ornementation, affichait des désirs d’attirer le grand public avec un sujet accrocheur, certaines oeuvres en révélaient, contre toute attente, le potentiel critique. Cette seconde présentation ne fera pas exception. On s’en doute, le thème Bonheur et simulacres n’est pas envisagé que dans son seul sens positif et incontestable. Comme on peut le lire sous la plume du commissaire, "un sujet aussi insaisissable n’allait pas de soi étant donné la forte tendance de l’art actuel à la critique, à ce que certains ont même identifié comme de la morosité vu le goût répandu pour le pathos ou encore la remise en cause des repères courants. Dans de telles circonstances, traiter du bonheur ne tombe pas sous le sens. Encore moins si l’on considère l’actualité peu réjouissante dans le monde. Le danger court de se faire taxer d’aveuglement face aux enjeux politiques et sociaux actuels, donc d’ignorer l’état présent du monde". Cela s’incarne dans une sélection qui n’a rien d’un manifeste: des oeuvres qui abordent les questions du bonheur d’une manière souvent indirecte, par la bande. "Tout ce à quoi on pense quand on pense au bonheur, félicité, consommation, biens matériels, explique le commissaire, j’ai choisi de les effleurer, pas de toucher à des trucs trop évidents."

On se réjouit de voir réunies, dans la sélection de la grande exposition, des oeuvres de François Chevalier, des pièces de Jocelyn Robert, cet artiste de Québec plus reconnu sur la scène internationale que dans son propre pays. On y trouve de la peinture aussi, dont les superbes tableaux du Montréalais David Elliott et ceux de Gabriel Routhier. Plusieurs oeuvres sont attendues, notamment la nouvelle installation de la Montréalaise Claire Savoie; Holidays, la voiture calcinée de Pierre Ardouvin (qui en présente d’ailleurs quelques-unes actuellement au Palais de Tokyo à Paris); l’installation du Danois Olafur Eliasson (qui a été notamment du Symposium de l’Abitibi-Témiscamingue à Amos et sera à la Biennale de Venise l’été prochain). Dans cette grande exposition, un des propositions qui apparaît d’emblée comme une des plus intéressantes est celle du Français Rodolphe Huguet: sept grands tapis tissés à la main en Inde et dont les motifs sont un délicat kama soutra de squelettes… Enfin, avec Cumulous, la Montréalaise Karilee Fuglem fait beaucoup avec presque rien en suspendant, en guise de nuages, des centaines de sacs de plastique.

Les 20 000 pi2 de surface, ces artistes reconnus les partagent sans hiérarchie avec une douzaine d’artistes de la relève. Un volet de la Manif d’art accorde une place avantageuse à la jeune génération d’artistes. À plus forte raison, leurs productions, comme le souligne le commissaire, se comparent aux productions d’artistes reconnus. Mais encore, la sélection représente bien la dynamique des différentes régions du Québec. On y trouve des artistes de l’Abitibi, du Saguenay, de Montréal et de Québec. Le volet sur la relève prend aussi en compte différents types de productions. On se réjouit d’y voir notamment réunis Mathieu Dumont de Rouyn-Noranda et Fred Laforge de Chicoutimi. En ce qui concerne les artistes de Québec, on pourra assister à des performances des Fermières obsédées, qui dérouleront un tapis rouge de leur cru, voir une installation de Martin Bureau qui en profite pour rallier ses productions picturale et vidéo, et le duo Cooke-Sasseville fera tourner les têtes avec une étrange machine au va-et-vient explicite installée dans une cuisine vraisemblablement réelle. Enfin, quelle belle occasion pour présenter Le Courtisan de Yannick Pouliot, un cabinet-fusée remarquable qui exalte la joie et la désinvolture. On pourra également y voir un studio d’enregistrement fonctionnel signé Samuel Roy-Bois, une murale de Chantal Séguin, une oeuvre publique de Christine St-Maur…

Il faut aussi compter l’apport de 23 collaborateurs (ils étaient une dizaine à la première Manif) allant des centres d’artistes au Musée national des beaux-arts du Québec où on présentera des performances de l’artiste d’origine torontoise Diane Borsato. Autre moment important de l’événement, Le Bonheur vif de penser l’art, un colloque concocté par le sociologue Guy Sioui-Durand sous forme de grands entretiens et de commandos nomades de penseurs et d’artistes qui visiteront autant les expositions et les ateliers d’artistes que la Taverne Jos Dion… Au Lieu, l’artiste français Jean-Luc André propose une installation "publique internationale simultanée" à l’Oil de poisson, Casse-tête de Jean-Marc Mathieu-Lajoie est très attendu et, chez Vu, on découvrira les photographies de Marcel Blouin, Le Paradis des framboises, qui traitent littéralement du bonheur. La Manif d’art 2, comme à la première présentation, investit différents lieux, dont l’Église Saint-Roch, où on pourra voir une intervention in situ de Martin Boisseau, et aussi les grandes fenêtres du Holiday Inn. Sans compter l’exposition internationale d’art postal concoctée par Jean-Claude Gagnon, à la Bibliothèque Gabrielle-Roy. L’étendue géographique, la diversité des productions et l’abondance des créateurs réunis ne permettent pas de tout embrasser dans un seul texte, mais tout cela invite, d’ores et déjà, à "plonger dans l’art actuel à Québec"…

Jusqu’au 31 mai

À l’Espace GM Développement et en d’autres lieux
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