Manon De Pauw : Artistes, vos papiers!
Une installation vidéo de MANON DE PAUW au centre DARE-DARE souligne avec force l’impact du milieu de l’art, et en particulier des centres d’artistes, dans le processus de création.
Travailler, c’est trop dur? À la galerie DARE-DARE, on a doublé la cadence de production. Le centre d’artistes semble totalement envahi par les bureaux. Ici, une table de travail a été ajoutée; là, des classeurs de rangement ont été installés. Des papiers sont répandus partout, signe d’un travail débordant.
L’artiste Manon De Pauw a pris possession de la galerie et l’utilise comme matériau d’exposition. Voilà un sujet qui semble dans l’air. Il n’y a pas longtemps, Michael Merrill montrait dans ses petits tableaux exposés à la Galerie Sylviane Poirier art contemporain tous les lieux et institutions muséales où il avait travaillé. À l’échelle internationale, Maurizio Cattelan a littéralement scotché sur un mur son galeriste milanais qui, du coup, devenait l’artefact de l’exposition qu’il fallait interroger et réfléchir. Une autre fois, Cattelan a demandé à son galeriste parisien, Emmanuel Perrotin, de porter un costume de lapin très phallique durant toute la durée de l’exposition… Bref, le lieu de monstration de l’oeuvre et les gens qui y travaillent constituent un sujet de plus en plus important.
Dans cette officine dédoublée de la galerie, De Pauw a installé deux projections vidéo. Un de ces vidéos donne à voir Marianne Thibeault et Jean-Pierre Caissie, respectivement coordonnatrice administrative et coordonnateur artistique du centre de diffusion d’art multidisciplinaire DARE-DARE. En demandant à ces deux intervenants du milieu de participer à son vidéo, De Pauw a réalisé une forme de portrait social du milieu de l’art.
Comment une oeuvre est-elle produite? Non, je ne parle pas des origines de la création, de la genèse du génie, des sources d’inspiration… Je ne me hasarderais pas à émettre une réflexion poético-théorique pour expliquer de tels mystères. La culture bourgeoise et les romantiques ont inventé toute une mythologie autour du processus créateur et de la valeur incalculable de l’oeuvre d’art. Cela nous éloignerait du vrai débat. De Pauw nous amène plutôt à questionner les conditions d’énonciation et de possibilité de l’oeuvre. Elle nous ramène à des questions plus terre à terre, à des questions plus sociologiques, certes, mais d’une grande importance. Si on effectuait une lecture d’inspiration marxiste, on pourrait bien sûr dire que les conditions de production sont déterminantes des changements sociaux ainsi qu’artistiques.
De Pauw semble parler des contraintes de la création. De plus en plus de créateurs sentent la nécessité de travailler et de s’impliquer dans des centres d’artistes comme DARE-DARE, Skol ou Clark. Ils y font le travail de demandes de subvention, d’élaboration de la programmation, de mise en circulation de l’information auprès des membres: ce travail des centres d’artistes est essentiel au milieu de l’art d’ici. Les artistes sont aussi confrontés à une autonomisation de leur carrière. De plus en plus parmi eux se représentent sans galerie et doivent donc gérer tous les aspects de leur carrière.
C’est certainement l’un des points soulevés dans le deuxième vidéo fabriqué par De Pauw et qui est projeté sur le sol. On y voit l’artiste se rouler dans un amoncellement de papiers dans une salle de la galerie DARE-DARE. Tombe-t-elle en narcolepsie ou bien étouffée sous le poids de la paperasserie? Autre mise en abyme qui réfléchit une autre image du milieu de l’art. Au-delà d’une vision poétisée et très jolie de l’acte créateur existe un travail de terrain très contraignant.
Une idée pas si révolutionnaire. Mais une présentation visuelle et une démonstration impeccables.
Jusqu’au 17 mai
À la galerie DARE-DARE
À signaler
Les années 60 s’en viennent… Retour vers le futur!
La semaine dernière, au 36e étage du très moderne Hôtel Champlain, avait lieu l’annonce d’un événement majeur qui se déroulera sur plus de trois ans à travers le Canada: sept grands musées se sont unis pour mettre sur pied un cycle majeur d’expositions sur les arts dans les années 60.
Cela commence cet automne. Dès le 2 octobre, au Musée des beaux-arts de Montréal, seront montrés les liens entre les arts de cette époque et la notion de village global qu’avait alors développée Marshall McLuhan. Cet événement sera accompagné au Musée McCord d’un colloque intitulé Les années 60 – Substance et apparence (les 6, 7 et 8 novembre). Puis, en septembre 2004, le Centre canadien d’architecture (CCA) proposera l’expo Montréal voit grand. Elle portera sur l’impressionnante transformation architectonique de notre ville: Place Ville-Marie, Place Bonaventure, Expo 67, scandale autour d’Habitat 67…
L’événement se poursuivra à Ottawa, en 2005. À l’hiver, le Musée des beaux-arts du Canada "mettra en valeur l’abondance de l’expression artistique au Canada". Cette expo sera précédée au printemps de deux présentations, une au Musée canadien des civilisations et l’autre au Musée canadien de la photographie contemporaine. Même Vancouver sera de la partie. La Vancouver Art Gallery traitera fin 2004 de l’architecture du Canadien Arthur Erickson et de ses projets réalisés entre 1963 et 1974.