Pierre Ardouvin et Rodolphe Huguet : Objets d'art
Arts visuels

Pierre Ardouvin et Rodolphe Huguet : Objets d’art

Il n’y a peut-être pas de grandes stars de l’art contemporain invitées à cette seconde présentation de la Manif d’art mais, à coup sûr, de très bons artistes, dont PIERRE ARDOUVIN et RODOLPHE HUGUET. Les invités d’abord.

Ils sont tous les deux français. Mais ça, c’est une coïncidence. Ils ont tous les deux déjà présenté leur travail au Québec à l’Oil de poisson: Ardouvin en 2000 et Huguet en 2001. Cela relève peut-être moins du hasard, mais l’important, c’est leur contribution à cet événement d’art actuel où le thème du bonheur s’écarte de toute forme d’attitude débonnaire. D’abord l’objet. Une voiture carbonisée que Pierre Ardouvin décrit en ces termes: "L’image de la voiture brûlée est une image médiatisée, associée à une image de révolte urbaine." Mille fois vue, presque banale, tellement qu’elle se confond avec d’autres si on n’y regarde pas de plus près… Mais dans les mains de Pierre Ardouvin, elle se transforme. Une voiture gravite lentement sur un pont tournant dans un pièce obscure, une musique joue (Holidays de Michel Polnareff diffusée à l’envers) et une source lumineuse éclaire l’intérieur de l’auto. La voiture (pas sa photographie, ni son image!) devient, dans cet environnement, l’actrice d’un récit où chacun projette sa propre histoire: "Ce qui m’intéresse, explique Ardouvin, c’est de prendre un espace avec un nombre réduit d’éléments et qu’on soit transporté dans un autre espace mental." Mais encore, comme on peut le lire dans le texte Une archéologie du peu (M19-revue MAP, coédité par le Palais de Tokyo et le Mouvement d’action plastique): "Pas de critique frontale du "système" de la part de l’artiste qui a une façon bien à lui de tenir les formes, voire de les rendre, telles qu’elles sont ou presque, avec juste ce qu’il faut pour jouer le jeu de l’art." Pour Ardouvin, cette simplicité est déterminante: "Tous les éléments sont lisibles. Mais il n’y a pas d’effet spectaculaire. On peut tout identifier. C’est l’ensemble qui crée une chose non identifiable." Le travail de Pierre Ardouvin est à la fois articulé et réfléchi, mais surtout formellement accompli. Peut-être parce qu’il demeure fondé sur une intuition et une attention vis-à-vis de la matière.

Dessins, tissages, photographies, affiches: leur importance est relative. La signature de Rodolphe Huguet, artiste nomade à plusieurs égards, c’est de ne pas en avoir ou d’en porter et d’en transporter plusieurs: "Les idées trouvent le bon support." Son travail est le produit de ses multiples collaborations – Huguet est souvent aidé d’artisans – et surtout tributaire d’un certain hasard: "L’art, c’est d’abord la rencontre. La rencontre des gens, des pays." Dans la grande salle disposée dans des lieux différents, on trouve quatre propositions de l’artiste originaire de Nîmes. Des affiches, qu’on peut rapporter avec soi, et des pièces ont été réalisées lors d’un séjour en Inde en 1999. Inspiré d’une miniature indienne du XVIIe siècle, Huguet a réalisé avec un graphiste local une grande mosaïque de papier sur laquelle des corps s’entrelaçant forment un éléphant. Une des modifications apportées par l’artiste: tous les hommes ont pris son visage (!) et toutes les femmes celui de Miss Monde 1999, qui était indienne et occupait l’espace médiatique lors de son périple sur le sous-continent. Rien de moins! Produits également lors de ce séjour en Inde, les tapis tissés à la main et gravés de dessins de squelettes inspirés du Kama Sutra étonnent par l’audace et la simplicité des moyens. "La représentation du squelette n’existe quasiment pas en Inde", précise Huguet. Et pourtant, ici, rien ne s’apparente à une provocation gratuite, même que les tapis possèdent une certaine charge spirituelle. Ce n’est pas tout. Huguet voulait faire pour l’occasion une pièce plus explicitement critique d’une certaine vision du bonheur: au mur, il a fixé un millier de crochets qui forment un YES formé des symboles du yen, de l’euro et du dollar. Généreux.

Jusqu’au 31 mai

À l’Espace GM Développement

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Bloc-notes
Le bonheur menacé?
La Manif d’art, c’est aussi – et heureusement – quelque 23 collaborateurs, dont le Lieu, qui inaugure ce vendredi l’installation-action de Jean-Luc André. L’artiste et théoricien en art contemporain arrive avec La Brigade du bonheur, une "organisation de résistance populaire contre la chienlit du boyau dont la pestilence ruine tout espoir de bonheur hygiénique". Jeudi 8 mai, 17 h.

Jean Gaudreau à la Galerie Lacroix
La dernière production de Jean Gaudreau est convaincante. Ce n’est pas étonnant quand on pense à toutes ces années de pratique (sûrement plus d’une quinzaine), à sa détermination inébranlable et à son attachement à la peinture. On reconnaît sa fougue, le mouvement et les couleurs qui lui sont propres; le tout est dorénavant doublé de structures géométriques stimulantes et efficaces. Il a travaillé récemment avec le Cirque du Soleil dont l’univers coïncide avec les trapézistes et autres figures mouvantes dans sa peinture. La vingtaine de tableaux occupe bien les deux étages de la Galerie Lacroix, qui offre pour la première fois toutes ses cimaises à un seul artiste. Du bon Gaudreau. Lieux magiques, jusqu’au 16 mai. Une performance de Christiane Bélanger aura lieu à la Galerie le vendredi 9 mai à 20 h.