Jean-Marc Mathieu-Lajoie – Casse-tête : Jouer le jeu
Arts visuels

Jean-Marc Mathieu-Lajoie – Casse-tête : Jouer le jeu

Depuis 28 ans, il les collectionne, les accumule, les assemble. La Tour de Babel de Bruegel l’ancien ou Superman, les casse-tête de JEAN-MARC MATHIEU-LAJOIE font surface. Impressionnants.

Les puzzles sont une véritable passion pour Jean-Marc Mathieu-Lajoie. Il en a des milliers dans son atelier: des images de chats, des reproductions d’oeuvres d’art, des paysages, des photographies du pape. Après des décennies de patient travail, Lajoie présente une partie de sa production à l’Oil de poisson. Un ensemble élaboré à l’abri des regards (un seul collage a été exposé chez Rouje en 2000). "C’est comme si j’avais été emprisonné avec des casse-tête pendant 20 ans!" explique-t-il. Des années pendant lesquelles il fait une trouvaille déterminante: "J’ai découvert des matrices communes et des emporte-pièce correspondants entre les casse-tête. Je me suis alors rendu compte des possibilités énormes!" De quoi, en effet, l’occuper pendant des années, aux cours desquelles il élabore un système qui lui permet de faire des collages uniques, intercalant çà et là des morceaux qui modifient les images initiales. Pas de découpage, mais une tâche minutieuse et patiente que l’ancien étudiant de l’École des beaux-arts de Québec (diplômé au début des années 1970) a élaborée en catimini. Sans prétention, la proposition de Jean-Marc Mathieu-Lajoie impressionne par la somme de travail. D’ailleurs, cette production est aussi une oeuvre collective, puisque depuis 1975 – et probablement pour longtemps encore -, des dizaines de personnes travaillent sous sa supervision à assembler ses casse-tête acquis dans les marchés aux puces comme dans les grands magasins new-yorkais.

Neuf casse-tête identiques représentants la Tour de Babel de Bruegel deviennent, une fois assemblés, une grande fresque lumineuse et fort à propos, dans ce contexte d’après-guerre ayant eu lieu sur le territoire de l’ancienne Mésopotamie, au coeur de la mythique Babylone. Le grand casse-tête reproduisant le célèbre tableau de Goya Le 2 mai (1814), une oeuvre commémorant le début de l’insurrection espagnole de 1808, Lajoie le travaille depuis 1984. L’organisation de l’espace de l’oeuvre n’a presque pas été altérée, mais à quelques endroits des morceaux de puzzle ont été échangés: "La composition est tellement forte que tu ne peux pas jouer avec!" explique Lajoie. "C’est là qu’on reconnaît les grands maîtres…" poursuit-il. Ces choix d’images, se sont aussi des hommages. Elles côtoient – l’univers du puzzle le commande – des propositions, comme Les Trois Chats, qu’il faut dénicher dans un fouillis de couleur; ou celle, plus humoristique, du portrait de Jean-Paul II en déconfiture. Dans tous les cas, le résultat est visuellement riche, et suffisamment inventif et personnel pour honorer ces produits industriels d’un nouveau statut.

Jusqu’au 31 mai

À l’Oil de poisson

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Bloc-notes
Manif d’art: quatre expositions à voir
Pouch pouch
Engramme reçoit Sylvie Laliberté. Ceux qui aiment ne seront pas déçus; ceux qui détestent vont probablement abhorrer encore davantage. Dans un camp comme dans l’autre, allez-y! Oubliez les petits bancs enfantins, oubliez le "dispositif installatif" qui n’en est pas vraiment un. Ce qu’il faut voir, outre deux dessins, c’est la bande vidéo, art dans lequel Sylvie Laliberté excelle. Comme toujours, elle s’adresse directement à la caméra et en profite pour donner sa définition du bonheur, alternant cabotinages et discours savants sur le thème de la Manif, qu’elle ne se prive pas, au détour, de bien savonner.

Corps étranger
Au Studio d’essai de Méduse, deux propositions de Paul Démarinis (San Francisco) et Diane Landry (Québec). Landry a installé sous une tente de plastique un robot dont les mouvements lents et incessants donnent corps à la chose. Le dispositif n’est pas en apparence sophistiqué et demeure à l’écart de toute esthétique futuriste et positiviste. Diane Landry parvient avec cet abri, dont on peut voir l’intérieur sur un écran, à humaniser la technologie et, franchement, à faire de cet amalgame de matériaux pauvres et high-tech un objet aux qualités sculpturales.

Vos experts en gestion des utopies
Chez Vu, Doyon-Rivest se font les chantres de l’autopromotion. Le premier est d’abord musicien (Motocross); le second, directeur artistique dans une agence de publicité. L’omniprésence de leur logo rappelle que le monde de l’art, à l’instar de celui de la publicité, en est un de stratégies visuelles. Bon. Leurs photographies, au demeurant intéressantes (on l’avait constaté lors de leur première expo à l’Oil de poisson en 2001), il faut les chercher derrière l’étalage de quelques centaines de trophées adressés à Doyon-Rivest et une enceinte reprenant – encore – le nom du duo. Ce n’est pas tant l’absence de profondeur qui ennuie, mais l’ironie et la parodie, quand elles ne sont pas doublées d’un véritable intérêt formel (plastique, spatial), peuvent entraîner une certaine lassitude. À voir aussi chez Vu, mais dans un registre plus sobre et moins discursif, les photographies de Marcel Blouin.

Le projet tic
Diane Borsato (Torontoise vivant à New York) investit, en collaboration avec des artistes et des comédiens, les cellules de l’ancienne prison du Musée national des beaux-arts du Québec. Des performances ont lieu du 16 au 18 mai dès 13 h.

Vernissage
Fabriquez, c’est le titre de l’invitante exposition des finissantes de l’École des arts visuels de l’Université Laval. Sur la quarantaine de jeunes artistes, on y fait souvent de sérieuses découvertes et les vernissages y sont le plus souvent mémorables. Le 15 mai à 17 h au 255, boul. Charest Est.