Arts visuels

Entre les deux, mon cour balance : La chose n’est peut-être pas ce que vous croyez

Quand la balançoire fait objet d’observations provenant de plus de 30 points de vues différents, elle apparaît tout à coup moins anodine qu’elle n’en avait l’air jusqu’alors…

Je dois d’abord avouer ma fascination à l’idée que deux cordes et une planchette réunies puissent posséder tant de pouvoir accumulé dans la mémoire collective et interpeller autant l’imaginaire. Et pourtant, Entre les deux, mon cour balance présente 36 ouvres tantôt légères et festives, tantôt corsées et apportant un éventail de réflexions sur les rôles social, sentimental et spirituel de la balançoire. Présentée dans le contexte du Festival canadien des tulipes, cette exposition arrive à point, comme le veut la coutume russe d’installer les balançoires avec les foires, les cirques et autres attractions printanières inscrites dans la culture populaire du XIXe siècle.

Déjà au XVIIIe siècle, L’escarpolette de Jean-Honoré Fragonard témoignait des plaisirs mièvres, de rêveries dignes de romans Harlequin et du style rococo. Mais, derrière une certaine naïveté trompeuse se cache de petits chuchotements à l’oreille, des sous-entendus sentant le libertinage à plein nez. À cette époque, suffisait que l’on envoie une jeune femme se faire basculer sur une balançoire par un jeune homme, pour que mariage s’ensuive aussitôt, tout comme le démontre ce refrain bulgare "Rajna ira s’asseoir pour se balancer, quelqu’un viendra la renverser". Les ouvres …et autres contes de fée de Tuyen Dang et Pyrographe de Steven Spazuk vont, entre autres, en ce sens. Car, quoi de plus révélateur qu’une balançoire surmontée d’un voile de mariée ou une bougie, symbole par excellence du romantisme, inscrivant sur papier à même la flamme, des moments de plaisirs mouvementés…

La balançoire comporte également un rapport à la spiritualité et la magie comme dans cette coutume serbe, où, une femme mariée ayant des enfants et décidée de ne plus enfanter, n’avait qu’à se suspendre par les mains au linteau de sa porte, se balancer 3 fois et rentrer à la maison pour s’être convaincu de sa stérilité. Pour d’autres, la balançoire était vue comme une possibilité de protéger l’homme de plusieurs désagréments de la vie ou encore d’entrer en communication avec la divinité des cieux, question d’aider à faire passer leurs désirs et leurs rêves à la réalité. En somme, et selon la logique, la balançoire servait ni plus ni moins de rite de passage, pour changer son statut social ou encore se connecter à plus grand que soi par le simple recours à l’imagination.

Comme aujourd’hui les balançoires sont surtout utilisées par les enfants, certaines des ouvres relatent de souvenirs d’enfance, notamment de simples plaisirs vus par Isabelle Forget avec Élan et Étourdissements d’Huguette Poulin. Quant à Le voyeur de Michèle Provost, cette ouvre fait renaître, comme par magie, l’enfant qui se cache en chacun de nous.

Ainsi, fraîcheur et satisfaction des sens, et plus encore, vous donne rendez-vous dans un charmant univers concocté avec tout le sérieux d’un enfant et la sagesse de ne pas trop se prendre au sérieux.

Jusqu’au 8 juin
À la Galerie Montcalm
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