Martin Bureau et Cooke-Sasseville : Avoir du chien
Si vous n’avez pas encore mis les pieds à l’Espace GM Développement, il est grand temps d’y aller. La Manif d’art 2 donne une place de choix à la relève. Retour sur deux installations: celles de MARTIN BUREAU et de COOKE-SASSEVILLE.
Martin Bureau fait partie du volet relève de la Manif d’art. S’il est un jeune artiste, il n’en est pas pour autant à ses premières expositions. Déjà, en 1999, il faisait partie d’un collectif sur la relève au Musée régional de Rimouski… La relève est donc une notion souvent mouvante, déterminée ici en fonction de l’âge (avoir moins de 30 ans). Tant mieux si cela donne une éternelle jeunesse au travail du récipiendaire du dernier prix Événement attribué par Videre lors de la remise des Prix d’excellence de la culture de la Ville de Québec. Avec Queue (se courir après la), Martin Bureau rallie pour la première fois ses deux passions, peinture et vidéo, et invite le public à entrer dans une niche géante où l’architecture des cimaises reprend celle de l’habitat du meilleur ami de l’homme. À l’intérieur: une bande vidéo projetée sur un tableau, à la fois surface peinte et écran. C’est ainsi que la course d’un chien immobilisée par le pinceau de Bureau s’active sous la superposition de l’image filmée, alternant avec un portrait d’une tête de chien apparaissant au centre. En écho, la bande sonore donne vie à l’animal. Chaque fois que la vidéo prend fin, le tableau réapparaît, immobile, sous l’éclairage du projecteur. Se distinguent alors des pans de couleurs métalliques, nouvelle audace du peintre (un des tableaux présentés cet hiver à la Galerie De Bellefeuille déconcertait par l’utilisation de peinture argentée). Le dispositif élémentaire de Queue (se courir après la) est utilisé avec finesse et nous amène avec aisance au coeur des propriétés des images peintes et vidéo.
Avec leur installation provocante, Cooke-Sasseville tirent aussi leur épingle du jeu. Refusant de présenter leur sculpture (parce qu’il s’agit de cela) dans l’objectivité de l’espace d’exposition, ils présentent leur machine à se reproduire dans une… cuisine. Ils tentent ainsi de lui donner une dimension sociologique en présentant l’objet cinétique où s’enfilent des couples de sexes féminins et masculins, avec en arrière plan la vaisselle à laver… Cette mise en scène suspend toute tentation d’appréciation de l’objet pour lui-même. Normalisation de l’acte sexuel? Banalisation de la sexualité? Commentaire sur les technologies de reproduction? Ce n’est pas clair et ce n’est pas si important d’en fixer le sens: "Some day soon you’ll stop searching for meaning", comme le dit si bien le titre d’une exposition de Karilee Fuglem, une des artistes participant aussi à la Manif. Une chose est sûre, la machine de Cooke-Sasseville agit en intrus, un peu comme les extraterrestres introduits dans les photographies de Charlie White – un artiste américain dont une des oeuvres est exposée à l’Espace GM Développement. À leur façon, les propositions de Cooke-Sasseville et de Martin Bureau interrogent le bonheur, thème de la Manif d’art. Les premiers en montrent un aspect canonique, le second, sa vaine (?) quête. Dans les deux cas, l’intérêt qu’ils suscitent demeure l’intensité et la présence de leurs propositions.
Jusqu’au 31 mai
À l’Espace GM Développement
Voir calendrier Arts visuels
Midi-rencontre avec Martin Bureau
le 28 mai à 11 h 45
À l’Espace GM Développpement
Bloc-notes
Infiniment bleu
Bleu est aussi votre couleur préférée? Cela n’a rien d’excentrique, c’est la couleur préférée de la moitié des Occidentaux. C’est un des trucs qu’on apprend en visitant l’exposition Infiniment bleu au Musée de la civilisation. L’exposition touffue est axée sur les émotions que suscite la couleur. Elle permet de faire un tour d’horizon des diverses utilisations et significations de la couleur bleue dans trois jardins et autant de sections: les bleus sous-marin, terrestre et céleste. Non, il n’y a pas de tableau d’Yves Klein, ni d’échantillon de son fameux IKB (International Klein Blue), mais tout de même quelques oeuvres d’art, dont une sculpture – bleue – de Salvador Dali et des tableaux de Clarence Gagnon, de Guido Molinari et de Marcelle Ferron.
Il y a aussi beaucoup d’uniformes, de robes de soirée, de jeans, de vestes Mao. Même les casques bleus de l’ONU s’y retrouvent. L’étalage de tous ces costumes (l’exposition est notamment commanditée par Hugo Boss) constitue autant d’exemples des changements de la signification du bleu. Mais tout cela se prend en hors-d’oeuvre parce que les objets suscitant un véritable intérêt demeurent les fascinants minéraux d’où sont extraits les pigments bleus (azurite, turquoise, cobalt, lapis lazuli), voire la vitrine de dizaines de papillons comme autant d’exemples des multiples bleus qu’on retrouve dans la nature. Une invitation à faire un saut au Musée de la civilisation, d’autant plus que la grande exposition de l’été, Gratia Dei, les chemins du Moyen Âge, débutera très bientôt. Une publication accompagne l’exposition. Jusqu’au 16 septembre.