Carl Heywood : Bonbons pour yeux
Quand on n’aime pas trop se casser la tête à essayer de comprendre "le sens", mais plutôt se laisser caresser la rétine, les oeuvres de CARL HEYWOOD sont un véritable délice…
La notoriété attribuée à l’artiste canadien Carl Heywood s’est développée à travers plus de 160 expositions internationales à travers le monde. Récipiendaire de nombreux prix sur le plan international, il voit plusieurs de ses oeuvres faire maintenant partie de collections dont celles des Musée d’art moderne (MOMA), Musée Métropolitain de New York, Musée d’art moderne de Paris, Musée des beaux-arts du Canada, etc. Fortement inspirées par le cubisme de Braque et Picasso, certaines oeuvres rappellent aussi la période tardive de Riopelle et certaines oeuvres expressionnistes de Kandinsky. Diplômé de La Ontario College of Art, sous l’aile de l’artiste Fred Hagan, entre autres, il enseigne à son tour, depuis 1973, la gravure au Queen’s University à Kingston. Après avoir travaillé différentes techniques d’impressions telles l’eau forte, la lithographie et le bois gravé, il ne se consacre aujourd’hui qu’à la sérigraphie. Carpe Diem, titre de l’exposition présentée à la galerie d’art Jean-Claude Bergeron – titre également de quelques oeuvres -, regroupe plus de 20 sérigraphies récentes, en plus de l’accessibilité au portfolio de l’artiste.
À première vue abstraites, on y découvre vite une iconographie personnelle, un lexique d’images qui se renvoie les unes aux autres, s’additionnent comme pour laisser deviner des anecdotes reliées au quotidien de l’artiste, de ses rapports interpersonnels sur les plans amoureux, sociaux, voire avec la vie elle-même. La reconnaissance d’éléments de nourriture, carottes et autres légumes, d’animaux comme le poisson et le lapin, divers mécanismes, instruments de musique comme le contour d’une guitare, fleurs, éventails, etc., tous ces éléments fétiches, nous guident dans l’intimité de l’artiste, au coeur même de ses émotions.
C’est dans la cohabitation de deux courants totalement opposés, le formalisme et l’expressionniste, que la composition prend forme. Les jeux entre les formes géométriques stables et celles plus gestuelles, foisonnantes, semblent comploter des mondes à la fois chaotiques et ordonnés. Chacune des oeuvres comporte son auto-cohérence, compréhensible – comme les bonbons – seulement par les sens. L’artiste possède un certain génie dans sa façon d’assembler des éléments qui n’ont, de prime abord, rien en commun. Dans l’ensemble, la luminosité des couleurs est presque surnaturelle, attire l’oeil dans les profondeurs d’une densité impalpable, entre les jeux de transparence, d’opacité et de textures. Certains motifs rappellent la tapisserie, la maison chaleureuse, des environnements de souvenirs accumulés, parfois tendre, parfois non. La table, la cafetière, la pipe, les instruments nécessaires à son travail artistique que l’on retrouve dans son travail rappellent aussi les cafés, lieux traditionnels de rencontres et de réflexions entre artistes (je pense entre autres aux dadaïstes et aux automatistes). Ensemble, ces éléments évoquent le processus de création, des notions de rituel, un certain aspect mythique souvent associé à l’artiste.
Enfin, comme Juliette Binoche dans le film Chocolat, Carl Heywood réussit à répandre ses plaisirs, sauf qu’ici, seul le regard en personne peut savourer.
Jusqu’au 15 juin
À la Galerie Jean-Claude Bergeron
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