Armand Vaillancourt : La force des choses
Arts visuels

Armand Vaillancourt : La force des choses

La galerie Esthésio expose une quarantaine d’oeuvres d’ARMAND VAILLANCOURT. Des pièces des années 1960 à aujourd’hui, sorties tout droit de son atelier. Vous connaissez le personnage? Découvrez son oeuvre.

Le torse nu, sculptant l’arbre de la rue Durocher dans les années 1950 ou vêtu d’une armure du XVe siècle, défendant la controversée murale de Jordi Bonet au Grand Théâtre de Québec en 1971, "le sculpteur Armand Vaillancourt, avec ses cheveux longs, sa barbe, son pantalon de cuir et son langage direct, incarne l’artiste marginal et contestataire", peut-on lire sous la plume de Marcel Fournier dans Déclics, art et société. Le Québec des années 1960 et 1970. Photographié en compagnie de Bono, chanteur de U2, en 1987 à San Francisco ou bien avec Leonard Cohen en 1991 à Montréal, Armand Vaillancourt demeure une figure unique du monde de l’art. Par-delà son engagement social, ses prises de positions nationalistes ou celles contre la mondialisation lors du Sommet des Amériques en avril 2001, c’est d’abord sa sculpture qui l’a fait connaître. Dans les années 1950, il a élaboré un nouveau langage formel avec ses contemporains, Robert Roussil notamment, à la suite des Louis Archambault et Charles Daudelin. Son oeuvre compte pas moins de 3000 sculptures de fonte, de bronze ou de bois. On lui doit plusieurs oeuvres publiques monumentales, un art où Vaillancourt a innové en sculptant in situ l’orme de la rue Durocher, abîmé par une tempête, comme le relate John K. Grande dans un des rares ouvrages consacrés à l’artiste, Jouer avec le feu, publié en 2001 dans sa version française. Cet arbre qu’il a sculpté pendant deux ans le rendra célèbre et il est désormais installé au Musée national des beaux-arts du Québec.

Armand Vaillancourt a aujourd’hui plus de 70 ans et aucun musée ne lui a encore consacré de rétrospective importante, hormis une mini-rétrospective au Musée des beaux-arts de Sherbrooke en 2000. "On trouvait cela étrange qu’il n’y ait pas eu d’exposition récente avec des sculptures d’Armand Vaillancourt, précise la galeriste Maude Lévesque. On l’a contacté et, au fil des rencontres, il nous a fait confiance." L’exposition chez Esthésio n’a pas de prétentions rétrospectives, mais elle effectue un retour appréciable sur l’oeuvre d’un des plus importants sculpteurs québécois vivants. Des oeuvres sorties directement de l’atelier de l’artiste que les deux jeunes galeristes Maude Lévesque et Pascal Champoux, aussi audacieux que persévérants, ont sélectionnées. Avec 17 sculptures de dimensions moyennes réalisées dans les années 1960, 1970 et 1980, l’entreprise permet d’envisager les oeuvres sculpturales dans ce qu’elles ont d’historique. Une quinzaine d’estampes sont aussi exposées, dont certaines qui ne laissent pas indifférent, ainsi que 11 acryliques récents, des oeuvres gestuelles égales au travail pictural du sculpteur. Certaines de ses oeuvres récentes, dont un tableau réalisé pour Amnistie internationale, sont dans leur iconographie explicitement politiques et, paradoxalement, peut-être moins subversives. Mais, comme le rappelle Maude Lévesque, "les oeuvres des années 1960 sont aussi politiques!" Elles traversent d’ailleurs très bien le temps, ces sculptures abstraites où on perçoit toujours un même souci de ne jamais se conformer et de ne correspondre à aucun canon. La sculpture chez Armand Vaillancourt, c’est l’énergie de la force brute, un travail de la matière, un travail très physique aussi. Les sculptures élaborées à partir d’assemblages de styromousse -procédé qu’il a été le premier à utiliser -, souvent brûlées et coulées dans le bronze, conservent les traces du matériau d’origine qui contrecarrent la noblesse du bronze. Ces sculptures s’approprient la pérennité des matériaux avec une insolence qui fait encore son effet. Une des pièces exposées sur la rue Saint-Paul, Mes 18 années sur la ferme (1964), 18 fragments de fonte coulés sur une longue tige de métal boulonnée, nous amène au coeur de l’activité artistique du sculpteur né à Black Lake. Elle ouvre aussi une porte sur l’univers de la sculpture – plus précisément sur la sculpture moderne – et nous offre une connaissance directe et immédiate de la réalité.

Jusqu’au 30 juin

À la galerie Esthésio

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Bloc-notes
Les Fleurs du mal
Installer des photographies dans le jardin de Saint-Roch: l’idée est excellente. Si la présentation apparaît d’abord très conventionnelle – chaque photo laminée est montée sur un lutrin -, le "dispositif", inspiré des fiches descriptives de plantes, s’avère pourtant des plus efficaces: les gens s’arrêtent et regardent les photos! L’endroit est fréquenté, couloir urbain pour les uns, lieu de récréation pour les autres; tous s’y arrêtent un moment. Les Fleurs du mal réfèrent, bien entendu, au recueil de poèmes de Baudelaire. Une soixantaine d’artistes en proposent leur interprétation. Nos photographies préférées? Celle de Branka Kopecki où une fleur sort tant bien que mal du béton, celle d’Alexandre David où les fleurs sont dans l’ornementation d’une maison banale du centre-ville et, pour d’autres raisons, le cabinet aux motifs exubérants de l’artiste finlandaise Eija Keskinen. À voir au jardin de Saint-Roch, jusqu’au 13 juillet.