Jayce Salloum : Bras long, manches retroussées
Arts visuels

Jayce Salloum : Bras long, manches retroussées

Il faut certainement avoir le bras long pour toucher le fond des choses et en ressortir avec l’essentiel.

Petit-fils d’immigrants libanais, Jayce Salloum, né en Colombie-Britannique, débute sa carrière en 1975, année de guerre civile au Liban. Ses oeuvres ont été exposées en Amérique du Nord, en Europe, au Japon et au Brésil, et font parties, entre autres, des collections du Musée d’art moderne de New York, du Centre Georges Pompidou de Paris et du Musée des beaux-arts du Canada. Salloum exploite différents médiums comme l’installation, la vidéo, la photographie et y intègre généralement le langage verbal ou écrit.

S’intéressant aux contextes historique, social, politique et culturel, le travail de l’artiste comporte un aspect documentaire, traite de questions telles l’exil, le transitoire, les représentations ethnographiques, l’identité, etc. Salloum travaille également avec ses tripes, questions d’aller au-delà de la conscience journalistique et de contribuer aux changements nécessaires à la condition humaine. D’ailleurs, Up to the south, vidéo présentée en 1994 à Paris, aura contribué, l’année suivante, à la libération de Soha Bechara, ancienne combattante de la résistance nationale libanaise, emprisonnée pendant plus de dix ans au Liban. 1e partie: de ceci, de cela offre justement une entrevue avec l’héroïne…

Mais, revenons au début, au moment où l’on entre à la galerie 101. Le rez-de-chaussée est désert, à part un subtil téléviseur suspendu de façon à ne pas révéler tout de suite ses images. À l’écran, il y a Annexe ii: nuages, une vue aérienne prise à partir d’un hublot d’avion, défilant au ralenti, conférant à l’oeuvre un aspect zen rappelant la liberté. À certains moments, l’opacité des nuages obstrue la vision de l’immensité céleste, peut-être pour signifier le fait que nous regardons tous parfois avec un certain manque de perspective.

L’escalier menant au deuxième étage de la galerie marque un passage métaphorique, une frontière joignant différentes situations ou états contrastants, pourtant co-habitants. Le haut est sombre, quoique éclairé à la lumière d’interviews et d’images en mouvement. Décidément, c’est le monde à l’envers… On monte dans le noir, dans les réflexions verbales et imagées, dans les expériences reliées à des problématiques bien terre-à-terre, pour redescendre vers la quasi-clarté du ciel et du vide, en passant par différents niveaux de lecture. En haut, que ce soit avec Bechara ou avec Nameh Hussein Suleiman et Abdel Majid Fadl Ali Hassan dans 3e partie a): territoires occupés: notes au livre des obstacles, l’artiste fait ressortir leurs situations d’un point de vue humain, rempli d’empathie et de sensibilité. Annexe i : paysages et 3e partie b) : comme si la beauté n’avait jamais de fin… forment d’autres types de regards sur le monde, le premier étant un road-movie méditatif, et l’autre, un collage d’éléments appartenant tant à la cruauté qu’à la beauté du monde.

À la fois simple et complexe, cette exposition imprègne, sans que l’on s’en rende vraiment compte, de sa densité à la fois douce et dure les profondeurs de nos pensées maintenant chamboulées.

Jusqu’au 4 août
À la Galerie 101
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