Hommage à Riopelle : Suivre ou transgresser?
Certains artistes de l’exposition Hommage à Riopelle ont tenté d’appliquer bêtement ses manières de faire… Mais d’autres, par chance, ont osé se risquer à s’approprier son oeuvre, histoire de la transgresser.
Traces de chevaux
de Catherine Barrette est une oeuvre dite automatiste… Mais, est-il pertinent d’exposer une toile automatiste produite en 2003 quand le mouvement automatiste cherchait, en 1946, de nouvelles possibilités? Bien que différent, Paysage 1, tableau de Jean-François Provost, semble emprunter sensiblement le même chemin que Barrette. Comportant un aspect formel rappelant le paysage et incitant à la méditation, formes carrées et rectangulaires approximatives sont superposées dans l’équilibre et l’auto-cohérence. Je ris à l’idée que ces deux oeuvres se rapprochent plus de Borduas… Ce qui fait moins rire, par contre, ce sont des toiles reposant dans les bras de l’acquis, sans avancement possible, allant même à l’encontre de la philosophie de Riopelle. "Chaman" de l’Île-aux-Grues, triptyque ésotérique de Patricia Pigeon va dans le même sens que Provost et Barrette, sauf qu’elle amène une certaine spontanéité.
Miroité Hochelaga de Joël-Marc Frappier, apporte le caractère cérémonial officiel à l’exposition. En référence à Hochelaga de Riopelle, une arche est ornée de fleurs, de fruits et de bouts de miroirs. Ironiquement, les fleurs réelles seront remplacées au fur et à mesure qu’elles faneront par du plastique… Moi qui croyais que le travail de Riopelle admettait la vie, mais aussi la mort?
Sans titre (un hommage à Riopelle) de Jean-Marie Bélanger joue dans un tout autre registre. À cheval sur l’image et l’objet, l’artiste tente de faire converser Riopelle avec sa propre pratique. Des bateaux fabriqués à partir de tiges métalliques, rappelant le lien significatif que Riopelle entretenait avec la nature, déploient leurs ombres fantomatiques sur le diptyque, évoquant leurs passages immatériels sur l’image d’une poire géante. Outre le clin d’oeil à la sexualité, la poire glisse dans le ludique et l’humour, pourrait être à la limite une île suspendue, une planète en dehors du temps et du monde et autour de laquelle gravitent les embarcations.
Chen Caerulescens de Sylvain Charette est une installation, un autoportrait soulevant le rapport spirituel du shaman, aussi bien que la passion de Riopelle pour les animaux et la nature. Deux panneaux, placés face à face, images à l’intérieur, piègent le spectateur, l’oblige à pénétrer le court passage qu’ils forment. D’un côté, onze diapositives témoignent de l’expérience intime de l’artiste en action, forment deux séquences captant le mouvement d’envol de Charette, bec d’oiseau à la bouche, chacune menant vers le centre stable de l’homme-oiseau au repos. De l’autre côté, une image panoramique donne vue sur une terre et des oies partout, au ciel comme sur la terre. Contrastant à plusieurs niveaux avec les diapositives, elle apporte, entre autres, la grandeur nécessaire à l’imagination et au dépassement de soi.
Enfin, par rapport à la dureté d’une partie de ce texte, je me dis que c’est peut-être l’intention qui compte… Et puis non, à bien y penser, ce n’est pas suffisant.
Jusqu’au 24 août
À la Galerie Art-Image
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