Geoffrey Farmer : Un magicien réaliste
Arts visuels

Geoffrey Farmer : Un magicien réaliste

Chez GEOFFREY FARMER, les tours de magie révèlent leurs petits secrets. Mais, en dépit des révélations, le magicien reste un magicien, manipule encore nos perceptions, joueur de  tours.

Combinant diverses disciplines artistiques et le texte, la pratique de Farmer est un amalgame complexe d’éléments et différents paradoxes, tels le rationnel et l’irrationnel, les déchets et les objets de valeur, la magie et le quotidien, etc. Plutôt que d’essayer d’enlever à l’objet tout pouvoir évocateur comme les minimalismes, l’artiste utilise leurs stratégies, mais amène, à l’inverse, la polysémie sur les plans formel et conceptuel, dénature chaque élément dans un sens à la fois implicite et explicite, multiplie les sens. Ainsi, l’artiste questionne les limites de la perception, en termes de réalité et de fiction, de foi et d’incrédulité.

Débutant souvent un projet à partir d’une oeuvre visuelle, cinématographique, littéraire existante, l’artiste se les approprie, les réactualise comme il réactualise l’art conceptuel des années 70. Une des installations, Trousse de marionnettes est un remake de Sleep d’Andy Warhol, film dans lequel un homme dort réellement. Pour l’artiste, le sommeil joue ici un rôle important car étant petit, Bert et Ernie de Sesame Street lui apparaissaient vivants du fait qu’ils dormaient. Ici, une marionnette verte ronfle à la télévision, comme s’il s’agissait d’un reality show, les yeux grands ouverts. Sur une malle repose la même marionnette, version objet. Elle ne respire plus, mais révèle une partie d’elle-même que le gars des vues a exclue de son cadrage…

La malle contient des tissus poilus, balles de ping-pong en guise de yeux, éléments appartenant au ménage, à l’entretien et à la cuisine, de la peinture, enfin tout pour créer une marionnette farfelue et un spectacle n’importe où, y compris les livres d’instructions. S’intéressant au double, par le portrait ou encore le miroir, l’artiste traite des notions d’identité, partagée entre le paraître, le vouloir être et l’être. Que ce soit par le tabouret à trois pattes muni d’un miroir recréant l’image de la patte manquante, la vadrouille au manche vert appuyée contre un mur, cordage vers le haut et évoquant une marionnette, les objets ont la capacité de muter vers d’autres fonctions et apparences.

Dans la deuxième salle, Roulotte est une remorque déjà utilisée, comme le témoignent les saletés accumulées par les kilomètres parcourus. Pour un moment, le doute s’empare du lieu, de son rôle. Sommes-nous dans un garage ou dans un musée qui a perdu la tête? À ce stade, on peut se dire que ce n’est pas de l’art et "zapper" sur autre chose, ou bien on reste pour chercher l’indice éclaireur. Si vous décidez de rester, votre curiosité vous fera regarder sous la remorque pour y découvrir que c’est elle qui trompe… Quand je pense au visiteur parti en prenant cette masse rectangulaire sans toit et sans plancher pour une vraie remorque, je ris, sachant qu’il s’est fait duper…

Avertissement: N’en croyez pas vos yeux tant que votre perception ne vous aura point admis ses défaillances.

Jusqu’en décembre
Au Musée des beaux-arts du Canada
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