Symposium international d'art contemporain de Baie-Saint-Paul : Journal de mer
Arts visuels

Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul : Journal de mer

Chaque été, le Symposium de Baie-Saint-Paul amène son lot de promesses. Plus que jamais, on se laisse séduire par la magie du lieu et la production des artistes.

Depuis 21 ans, Baie-Saint-Paul est l’hôte d’un symposium international d’art, mais il y a longtemps que la petite ville de Charlevoix accueille les artistes. Déjà en 1882, des peintres y séjournaient, profitant, pendant la saison estivale, de la nature exceptionnelle de la région et bénéficiant de l’accueil de la famille Cimon dans sa maison près de la rivière du Gouffre (située au coeur de Baie-Saint-Paul, on peut la visiter et flâner dans le jardin). Les Clarence Gagnon, Marc-Aurèle Fortin y ont séjourné; René Richard (1895-1982) y vivra pendant 43 ans avec sa femme Blanche Cimon. La présence de l’art à Baie-Saint-Paul ne date donc pas d’hier. S’y côtoient aujourd’hui une certaine tradition de la peinture et les expérimentations de l’art contemporain. C’est ainsi que pendant toute la durée du Symposium, 10 artistes produiront leurs oeuvres devant un public curieux, s’ouvrant à la pluralité de l’art actuel. Pour la directrice Chantal Boulanger, l’événement est maintenant davantage intéressé à des pratiques périphériques à la peinture: "La particularité du Symposium, c’est de donner une place à la peinture; il faut que l’événement reflète ses racines, tout en s’ouvrant à l’actualité." L’historien d’art Gaston St-Pierre, commissaire de l’événement, a proposé aux artistes, sélectionnés parmi les 170 dossiers reçus ou participant sur invitation, un cadre de travail s’inspirant du journal personnel ou public. Une forme ponctuant l’activité quotidienne, inhérente à l’événement. De ces journaux de bord, chaque spectateur en aura un fragment livré lors de son passage, annonçant l’oeuvre achevée.

La sélection des artistes et les invitations de Gaston St-Pierre sont audacieuses. Mais le travail de la plupart est articulé et, quoiqu’il soit souvent soutenu par une approche conceptuelle, leurs productions demeurent d’abord de l’ordre des arts plastiques et leur approche, fondamentalement une proche parente de la peinture. Le duo montréalais composé de Julie Dallaire et d’Édith Normandeau (elles ont notamment exposé au Musée régional de Rimouski en 2002) a installé des éléments d’univers domestique (vêtements, plante) et de bureau (ordinateurs) à partir desquels il réalise des dialogues en Web-cam, produisant quotidiennement de petites vidéos qu’on peut visionner sur place. Mini-performances filmées, travail ludique et ironique, son atelier installé dans l’aréna prend des allures de tableaux vivants… De la "peinture-peinture", il y en a aussi. Le commissaire a eu la bonne idée d’inviter le poète et écrivain acadien Herménégilde Chiasson (Prix de poésie du Gouverneur général du Canada en 1999), auteur de plusieurs livres, réalisateur de films et également graveur et peintre. Chaque jour, un carré de la grande toile restera intact, conservant çà et là des traces de l’évolution de sa grande fresque. Autre artiste invitée, la Française Anne Brégeaut, qui participait à l’automne 2001 à l’exposition Le Ludique au Musée national des beaux-arts du Québec. Elle brode, telle Pénélope, ses réflexions sur l’amour: "Il lui a posé une question. Elle croit aux réponses." Une économie de moyens doublée d’un travail délicat participant aux résonances poétiques de sa pratique "sur le doute, sur le rapport au temps; l’éphémère, la fragilité des choses".

Quel plaisir aussi de rencontrer l’artiste d’origine bosniaque Sadko Hadzihasanovic vivant à Toronto depuis 1993. Déjà au mur, on peut voir des croquis réalisés au fil des jours et un projet de grand tableau de bord de mer mettant en scène Jim Morrison, Che Guevara… On pourra d’ailleurs voir le travail de cet artiste chez Vu en 2004. L’artiste japonaise Yasuko Asada, qui invite les gens à lui laisser des emballages de toutes sortes en échange de bonbons et de papier japonais, dessine sur les emballages déployés. Dans cette mosaïque, à l’instar du jardin zen, "l’espace entre les dessins est aussi important que ces derniers". La Montréalaise Josée Pellerin photographie les maisons de Baie-Saint-Paul qu’elle reproduit schématisées sur des plaques de bois juxtaposées. Au fil des jours, elles côtoieront les descriptions des maisons de ville étrangères détaillées par les passants. Vivant en France, l’artiste québécoise Sylvianne Chassay nous invite à répondre à un jeu-questionnaire auquel sont associés des pictogrammes qui formeront autant de journaux intimes imagés. Chris Lloyd, d’Halifax, poursuit son travail à la fois humoristique et irrévérencieux avec comme personnage principal Jean Chrétien, à qui il écrit depuis deux ans (on peut lire les lettres!) et dont les nombreuses parutions dans les journaux inspirent les tableaux. Vida Simon avait déjà commencé, lors de notre passage, des dessins réalisés avec du charbon de bois trouvé sur la plage. Quant à Christine Major, elle poursuit un travail pictural abstrait, prenant sa source chez les paysagistes du Groupe des Sept avec comme image de départ un torrent photographié dans la région. À vous maintenant d’attraper au vol les prochains développements de leur parcours.

Jusqu’au 1er septembre

À Baie-Saint-Paul
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