Rentrée d’automne 2003 : Refaire son image
Mois de la photo traitant des images d’actualité, effervescentes années 60 au Musée des beaux-arts… La rentrée d’automne 2003 interroge la notion d’événement.
C’est la 8e édition du Mois de la photo. Après la récolte 2001, qui fut faible – et étrangement dominée par la vidéo -, que nous réserve cette mouture 2003? C’est l’historien de l’art Vincent Lavoie qui en est le commissaire. Son titre, Maintenant. Images du temps présent, est presque baudelairien. Ce présupposé discutable sera certainement l’occasion d’une profonde réflexion sur le médium photo et sur les médias: "Maintenant que l’image photographique a cédé le monopole de la représentation événementielle à des formes visuelles plus promptes à traduire les chocs de l’actualité, à quelle expérience du temps présent la photographie actuelle nous convie-t-elle?" Une vingtaine d’expositions permettront de faire le tour de la question.
Que signaler dans ce foisonnement? À la maison de la culture Côte-des-Neiges, Benoit Aquin et Patrick Alleyn documentent les luttes antimondialisation (jusqu’au 19 octobre). Le Québécois Mathieu Beauséjour et le Belge Johan Grimonprez seront à la Galerie Optica (jusqu’au 11 octobre), le premier pour y effectuer du "terrorisme sémiotique", le second pour décortiquer "l’obsession des médias envers le désastre". Images à surveiller.
Chez Quartier Éphémère, Luc Delahaye et Monique Bertrand seront à l’affiche. Bertrand sera d’une actualité brûlante, avec une immense photo éclairée par de puissantes ampoules agressant le spectateur de leurs feux. Delahaye montera "des vues panoramiques des principaux points chauds du globe". Le spectateur s’y sentira-t-il voyeur? Chez Occurrence, Alison Jackson trafique les images des tabloïds et permet à Lady Di et à Marilyn Monroe de faire du shopping ensemble (jusqu’au 18 octobre). À l’Espace VOX, au Marché Bonsecours, les cimaises seront offertes aux images de Melvin Charney qui souligne les liens entre actualité et architecture, sujet sensible depuis le 11 septembre et la destruction du WTC. À La Centrale, dans Unanswered: witness, la Torontoise P. Elaine Sharpe traitera du "tourisme morbide" qui entraîne les voyageurs à faire le tour de lieux aussi émotionnellement marqués qu’Hiroshima, Auschwitz et Ground Zero à New York (jusqu’au 4 octobre). Pour la liste complète des expositions, vous pouvez consulter le site www.moisdelaphoto.com/2003/francais. Jusqu’au 28 octobre.
Les Années pop
Les Beatles, Twiggy, Warhol, Martin Luther King, les Kennedy… Les années 60 ont produit une foule de vedettes et de héros – certains plus authentiques que d’autres. Que reste-t-il de cette époque survoltée? Une flopée de baby-boomers nostalgiques? Le Musée des beaux-arts de Montréal nous convie dès le 2 octobre à un bilan de cette époque. Plus de 250 oeuvres, du domaine des arts visuels mais aussi de la pub, du design, de la mode, de l’architecture, permettront de faire un portrait de cette décennie révoltée et fourmillante d’idées. L’amateur d’art y retrouvera le travail encore totalement actuel de Donald Judd et Sol Lewitt, mais aussi celui d’Yves Klein, Roy Lichtenstein, Piero Manzoni et Yoko Ono. On y verra aussi une reconstitution de l’hôtel Hilton présent dans le film 2001: l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, la Porsche de Janis Joplin, des affiches psychédéliques… Je ne peux vous garantir qu’une odeur de marijuana flottera sur le musée, mais l’ambiance sera certainement là! Les années 60 ne sont finalement pas parties en fumée. Cette expo est d’une série de sept grands événements pan-canadiens (Musée des beaux-arts à Ottawa, Art Gallery de Vancouver…) qui auront lieu jusqu’en 2005 et qui porteront tous sur les années 60. C’est le MBAM qui ouvre le bal, accompagné par le Musée McCord qui, du 6 au 8 novembre, propose un colloque sur cette époque. Du 2 octobre au 18 janvier.
Septembre
C’est un événement que j’attends avec grande impatience. Le photographe Nicolas Baier réalise un solo au Musée d’art contemporain (MAC), du 25 septembre au 30 novembre. Si son expo est à la hauteur de celles qu’ils nous a présentées depuis quelques années – et que j’ai défendues systématiquement -, ce sera un événement majeur de la rentrée. Tel un Martien voyant pour la première fois notre univers, Baier continue à interroger avec une méticuleuse obsession le réel qui nous entoure. Ouvrons l’oeil!
L’art est politique. C’est ce que nous démontrera, du 25 septembre au 1er novembre, l’expo collective Artistes contre l’occupation, composée de 31 créateurs discutant du conflit israélo-palestinien. Parmi les participants: Gisele Amantea, Danielle April, Shahrzad Arshadi, Isabelle Bernier, Gail Bourgeois, Luc Courchesne, Nidal El-Khairy, Marielle Ferragne, Andrew Forster, Richard Fung, Freda Guttman, Rawi Hage, Emily Jacir, Kevin Kelly, Stephan Kurr, Lise Labrie, Josée Lambert. Au MAI. Richard Purdy sera du 13 septembre au 18 octobre à la Galerie Oboro avec une installation traitant de sa fascination pour les stupas (monuments commémoratifs indiens). Par ailleurs, les photos de Sylvie Readman et la peinture au sol d’Angèle Verret occuperont la Galerie B-312 jusqu’au 11 octobre.
Cette année, le public montréalais a pu découvrir Marie-Jeanne Musiol entre autres par ses photos affichées aux quatre coins de la ville dans le cadre du Musée d’art urbain. Jusqu’au 4 octobre, elle exposera sa série de portraits – le grand sujet des artistes cette saison – à la Galerie Pierre-François Ouellette art contemporain. La Galerie Elena Lee propose les oeuvres en verre de Susan Edgerley, qui évoquent à la fois des racines, des mains de sorcières et des spermatozoïdes… Du 9 au 30 septembre. Et puis Adrienne Spier sera présente chez DARE-DARE avec Waiting Rooms and Offices (jusqu’au 11 octobre), Ariane Thézé à la Galerie Eric Devlin (jusqu’au 4 octobre) et Jocelyn Jean à la Galerie Graff (du 11 septembre au 18 octobre).
Et en dehors de Montréal? Signalons qu’au Centre d’exposition Expression de Saint-Hyacinthe se tient une présentation collective ayant comme thème l’agroalimentaire. Parmi les artistes qui participent à Orange, événement d’art actuel, lesquels réussiront à nous mettre l’eau à la bouche? Avec la participation de Diane Borsato, Michel Campeau, Sylvie Fraser, Claudie Gagnon, Karoline Georges, Massimo Guerrera et même celle du célèbre artiste californien Paul McCarthy… Jusqu’au 12 octobre.
Octobre
Il faudra se déplacer au MAC pour la rétrospective (du 10 octobre au 11 janvier) de l’oeuvre peinte, gravée et dessinée d’Yves Gaucher. Décédé en septembre 2000, Gaucher a été une figure majeure de l’abstraction au Québec. Une occasion de relire une production sans concession. Gaucher sera aussi à l’affiche de la Galerie Roger Bellemare avec des oeuvres sur papier (du 11 octobre au 12 novembre) et à la Galerie René Blouin avec des peintures (du 11 octobre au 15 novembre). Vous connaissez Gordon Matta-Clark? Artiste mort en 1978 à l’âge de 34 ans, il a laissé, malgré sa courte carrière, une oeuvre originale dont le matériau privilégié n’était ni la peinture à l’huile ni le bronze mais plutôt de réels bâtiments qu’il découpait pour y créer des trouées diverses! Au Centre canadien d’architecture, une expo sur les architectes Cedric Price, Aldo Rossi et James Stirling sera accompagnée du travail de Matta-Clark. Une façon de mieux connaître les théories architecturales des années 60-70. Dès le 22 octobre.
Signalons la présence de Nathalie Grimard à la Galerie Trois Points (du 11 octobre au 15 novembre). Soulignons aussi que la Galerie Optica présente les natures mortes revisitées d’Ingrid Bachmann et les objets-autoportraits de David Altmejd (du 31 octobre au 6 décembre).
Novembre
Quels bons coups visuels les frères Carlos et Jason Sanchez nous préparent-ils avec leur présentation intitulée The Young, du 20 novembre au 20 décembre chez Dazibao? Après La Mafia et Les Fils de série b, de quoi vont-ils s’inspirer? À surveiller. À la Galerie B-312, du 6 novembre au 13 décembre, Nelson Hendricks montrera son installation vidéo et photographique intitulée Happy Hour. Cela part d’une photo de l’artiste prise lors d’un réveillon de Noël. Regard sur l’innocence et le bonheur perdu.