Carlos Sainte-Marie : Variations sur un même thème
Les tableaux récents de CARLOS SAINTE-MARIE, exposés chez Esthésio, reprennent la forme de retables où trônent des motos comme autant d’icônes de la liberté sur deux roues. Peintre voltigeur.
"J’ai toujours fait de la peinture, parce que j’aime ça en faire." Banalité? Pas quand il s’agit de Carlos Sainte-Marie. Le peintre de Québec a cette belle obsession de renouveler toujours sa peinture, produisant des séries qui laissent chacune leur marque dans son corpus d’oeuvres. Ce peintre travaille en rafale: il a peint cette dernière production en un mois, a mûri et élaboré le projet depuis un an. L’idée de peindre des motos lui est venue à la suite de l’exposition de l’automne 2002 à la Galerie des arts visuels où il présentait de grands retables avec comme figures principales un tracteur, un yacht, un camion… Les 26 nouveaux panneaux de bois reprennent encore la forme de retable comme autant de théâtres où se pavane l’objet de son dernier filon, qu’il a exploité jusqu’au bout. Des Harley Davidson, "parce que c’est le modèle le plus romantique".
"J’ai essayé de créer une analogie entre la condition des artistes et celle des motards", explique-t-il. On pourrait en parler longuement de ces motos, en gros plan, de profil, les rapports avec le retable qui participe à leur sacralisation. Élaborer sur les attributs des motards, la moto comme symbole de virilité, de vitesse, les significations sociales des tatous, que sais-je encore? Mais cela, Claude-Maurice Gagnon l’a déjà fait. Il livre d’ailleurs, dans le communiqué accompagnant l’exposition, ses réflexions sur les possibilités discursives de la représentation de la moto: "Somme toute, ces images stéréotypées, signifiant une part symbolique du monde liée dans nos conventions sociales à l’altérité et à la différence, nous rappellent que nous avons tous nos propres lubies délinquantes, même inavouables ou refoulées…" Le sujet est inépuisable!
De surcroît, ce qui convainc dans cette série, qui peut sembler d’abord un peu répétitive, c’est la peinture elle-même: les compositions, l’accumulation de couleur, les coulisses, les textures, les craquelures, les bavures! La forme du retable rythme l’organisation de l’espace où chaque section investit un aspect de la réalité: une roue occupe le ciel comme une auréole, la moto siège au centre de la composition, la section souterraine demeure dans l’abstraction, évoquant une part d’inconnu, de non-dit… Pascal Champoux, dont la galerie accueille pour la première fois un solo de cet artiste, n’est pas le seul à apprécier cette peinture: "Les gens sont contents de voir ces tableaux, parce qu’ils voient trop souvent la même chose dans les galeries. Dans les tableaux de Carlos Sainte-Marie, il y a une rare liberté dans le geste…" Cette attitude, presque iconoclaste, est essentielle à la vigueur du propos: "Certains tableaux ont été rapidement solutionnés, explique l’artiste, visiblement ravi. Parfois, c’est comme composer une chanson qui semble avoir depuis toujours existé."
Jusqu’au 5 octobre
À la galerie Esthésio
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L’affiche contemporaine au Québec
On voudrait en parler plus longuement, de cette exposition qui vient du Centre de design de l’Université du Québec à Montréal. Une centaine d’affiches, art populaire par excellence, réalisées depuis le milieu des années 60 par "nos meilleurs designers". Comme nous le confiait Yves Testé de Bleu Outremer, "quand elle est bien pensée et assumée, c’est un acte créatif très fort". Les meilleurs traversent le temps, pourrait-on ajouter. Il y en a plusieurs qui étonnent encore. À voir absolument. Chez Rouje, jusqu’au 5 octobre.
Vernissage
À ne pas manquer: l’inauguration de l’installation Habitatio de Danielle April et de l’exposition Mutations de Riopelle rassemblant des collages du plus célèbre de nos peintres. À la Maison Hamel-Bruneau, le jeudi 11 septembre à 17 h 30.
L’homme de la situation
Depuis son arrivée à la direction du Musée national des beaux-arts du Québec en 1993, on ne compte plus depuis les bons coups de John Porter: l’expo Rodin en 1998, l’inauguration des salles dédiées à Riopelle, à Lemieux, le développement de divers partenariats, le rayonnement international du Musée, etc. Reçu notamment Chevalier de l’Ordre national du Québec en 2002 et de la Légion d’honneur de la république française au printemps dernier, l’historien de l’art né en 1949 à Lévis a longtemps partagé sa vie entre l’enseignement et la muséologie. À la direction du Musée depuis 10 ans, John Porter a bien voulu répondre à nos questions à l’occasion de cet anniversaire.
Qu’est-ce qui vous a amené à l’histoire de l’art?
Au Collège de Lévis, vers 15 ou 16 ans, je suis tombé sur un livre: Le Musée imaginaire de Malraux. Je me suis plongé dedans et dans la section des livres sur l’art. J’étais, disons, d’un naturel studieux. Quand j’ai terminé mon collège classique, sur mon ruban bleu – vous ne connaissez plus cela aujourd’hui – était inscrit: histoire de l’art. Le programme n’existait pas encore! Je me suis alors inscrit en histoire à l’Université Laval et, à la fin de l’année, ils ont instauré une licence en histoire de l’art…
Après une décennie à la direction du Musée, quelle est votre plus grande satisfaction?
Que le Musée soit devenu aussi accessible qu’il l’est aujourd’hui. Un tableau, une oeuvre d’art n’existe que si les gens la regardent. Mais, tout cela, ce n’est pas l’affaire d’un seul individu. J’ai une des meilleurs équipes muséales du Québec et du Canada! Depuis 10 ans, on a acquis 4500 oeuvres provenant d’achats ou de dons. C’est à vous, cette collection!
Quels sont vos projets futurs pour le Musée?
Il y a de grandes expositions internationales qui s’en viennent. Celle de Bordeaux notamment, Vénus et Caïn à l’automne. À l’hiver prochain, De Millet à Matisse. Il y aura aussi Claudel et Rodin en 2005. Ça, c’est un truc unique. C’est une exposition d’amitié que l’on est en train de bâtir avec nos partenaires français.
Le Musée a-t-il toujours le projet d’un espace au centre-ville de Québec dédié à l’art contemporain?
J’ai toujours le rêve que le Musée ait plus d’espace. Où? Quand? Comment? Je ne sais pas la forme que cela prendra. Mais le directeur général du Musée y tient!
Est-ce que le changement de gouvernement ralentira le projet?
Cela fait 10 ans que je suis au Musée! Quel que soit le gouvernement, il faut toujours faire un travail de persuasion. Surtout pour les arts visuels. Il faut convaincre, communiquer une passion. Mais, quand elle s’installe, on finit par y arriver. C’est souvent avec des "non" qu’on finit par faire des "oui"!