Michèle Provost : Inventaire des mémoires
En apparence naïf, Journal intime de MICHÈLE PROVOST, sourire en coin, réfléchit sur des sujets bien sérieux.
Trois cent soixante cinq boîtiers miniatures, un pour chaque jour de l’année, tapissent presque entièrement les murs de la galerie. Les boîtiers se composent d’agencements d’images (photographies, bandes dessinées, etc.), d’objets reliés au quotidien (paire de lunette rose protégeant contre la réalité, ballons dégonflés, etc.), et d’écrits (notes de l’artiste, pages d’un livre, etc.). Tels des ready-made, les boîtiers sont "déporteurs" de sens, plongeant le spectateur dans de savoureux jeux de l’esprit.
Bien que chaque boîtier soit autonome des autres, il raconte, de façon naïve ou sarcastique, une bribe de vécu tirée ici et là dans le quotidien du monde, il s’accumule au reste, le nuance et le complexifie, dans un tout jasant d’enjeux politique, historique, social, artistique, etc. La source où Michèle Provost puise ses inspirations est vaste, englobe à peu près tout, allant de grands événements qui ont marqué le monde à des considérations journalières, intimes et souvent impertinentes. "Demain, sans fautes, je dois faire le ménage dans mes idées. (Après-demain au plus tard)". Comme l’artiste ramène tout à l’individu, à l’unique, elle rassemble Georges W. Bush, Louise Bourgeois, Albert Einstein, Che Guevara, elle-même évidemment, et de nombreux autres dans un mélange hétéroclite, assez curieux pour ressembler à la réalité.
Un des aspects intéressants du travail de l’artiste se situe dans le fait qu’elle s’adresse directement au spectateur: "Si vous me voyez dans la salle, parlez-moi ", " J’espère que vous avez tout votre temps, car j’en ai long à dire", "Ha, c’est toi ! Je savais que tu viendrais"… Destinée à tout le monde, cette dernière phrase n’appartient, de surcroît, à personne, exemple de l’humour décapant de l’artiste et des nombreux paradoxes de la vie.
Traitant de notions comme le droit d’auteur et la liberté d’expression, un des boîtiers comporte un carton d’invitation emprunté à un centre d’artistes… Le discours de l’art y passe, "Allez-y, dites-moi dans quel courant je m’inscris et comment je me compare à ", le nom dissimulé derrière le cadre du boîtier de manière à ne pouvoir l’identifier. Le processus créatif est aussi au menu, Provost s’interrogeant à savoir "Qu’est-ce qui vient avant: l’idée ou l’objet?". En termes de statistiques, l’artiste a fait ses calculs: "Quand je dis que je suis une artiste: 43 % des gens me demandent quelle sorte de peinture je fais: 42 % des gens me regardent drôlement et vont parler à quelqu’un d’autre; 8 % sont indécis". Décrivant une photographie noir et blanc sur un petit bout de papier, l’artiste recouvre chacun des éléments d’une couleur, comme le principe d’une peinture à numéro chargée de réactualiser un souvenir lointain. Et ainsi de suite…
Enfin, allez-y, vous en aurez pour des heures et heures de plaisirs. Cela même si l’artiste nous conseille: "ne faites pas d’humour, ça ne fait pas sérieux"…
Jusqu’au 5 octobre
Au Centre d’exposition Art-Image
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